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qu'il avoit fait, en Suède, une comédie, qui y fut jouée avec beaucoup de succès. Tout cela eut suffi à la célébrité d'un autre, mais ce n'étoit dans Descartes que le fruit de talens secondaires. Son génie le portoit aux méditations les plus sublimes. C'est à vingt ans, et lorsqu'à peine il sortoit des premières études, qu'il résolut de tout examiner, et de ne rien admettre en vérités spéculatives qui ne lui parut évident, et qu'il ne l'eut bien connu. Il se fit en même temps un plan de conduite, tel que la sagesse même, aidée d'une longue expérience, auroit pu le dicter. Il le réduisit à trois maximes: la première, d'obéir aux lois de son pays, et de pratiquer la religion dans laquelle il avoit été élevé. La seconde, de n'être point arrêté dans la pratique par le doute dont il s'étoit fait une loi; mais d'agir d'après une opinion qu'il n'auroit point eu le pouvoir ou le temps d'éclaircir, pourvu qu'il n'y aperçut rien de mal, ou qu'il n'entrevit rien de meilleur à faire. Dès-lors tout son temps fut employé à la recherche de la vérité. Pour n'être point distrait dans cette occupation, il se retira dans une petite ville de Hollande. C'est-là qu'il composa ses premiers ouvrages, et qu'il imagina son systême de la formation du monde. C'est-là aussi qu'il écrivit ses méditations sur l'existence de Dieu et l'immatérialité de l'ame. C'est enfin de cette retraite, qu'il ne quitta que pour aller en Suède, à la sollicitation de la reine Christine; c'est de cette retraite, dis-je, qu'il entretenoit une correspondance avec tous les savans de l'Europe, plus particulièrement encore avec le Père Mersenne, et qu'il lui faisoit part de ses découvertes, ou qu'il répondoit aux objections que lui-même provoquoit pour avoir occasion de mettre dans tout son jour, cette

grande vérité, principe de toute morale humaine, qu'un Dieu existe, et que l'ame survit au corps.

Après avoir fait connoître Descartes sous le rapport de son génie et de ses découvertes, M. Emery donne sa Vie religieuse; c'est-à-dire, qu'il rassemble les traits de la vie de Descartes, qui manifestent le philosophe chrétien, religieux et pieux. « Ces traits, dit M. Emery, et bien d'autres qui sont disséminés dans les écrits de Descartes, et qui se représente encore dans le cours de notre ouvrage, prouvent jusqu'à l'évidence, que Descartes a été le plus grand philosophe, le génie le plus hardi, et si nous pouvons nous servir de cette expression, le génie le plus créateur des derniers siè→ cles, il a été aussi le plus religieux ».

si

En effet, M. Emery fait voir Descartes à l'âge de vingt-quatre ans, au milieu des distractions du service militaire, invoquant Dieu pour fixer son incertitude sur le genre de vie qu'il devoit suivre, le priant de lui faire connoître sa volonté, et cherchant à mériter cette grâce par des actes extraordinaires de dévotion. Dans son plan de retraite, en Hollande, Descartes n'oublia point qu'il professoit la religion catholique. Il rechercha pour y faire son séjour, et préféra les endroits où l'exercice en étoit permis. C'est ce qui lui fit choisir d'abord Franeker, où la messe se célébroit avec liberté et sûreté, et ensuite la petite ville d'Egmont, parce qu'il y avoit beaucoup de catholiques, et que le culte romain y étoit public. Soupçonné dans sa foi, il se défendit avec beaucoup de chaleur. Il respectoit l'autorité de l'Eglise, au point qu'il suspendit la publication d'un ouvrage qui l'avoit occupé pendant plusieurs années, dans la crainte qu'il ne s'y trouvât quelque chose digne de répré

hension. Une faute pourtant que M. Emery ne dissimule pas, quoique les uns la nient, et que d'autres l'excusent par un mariage secret, qui n'est point assez prouvé, la naissance d'une fille naturelle est une ta—^ che à l'innocence des mœurs de Descartes. Mais ce fut l'effet d'un moment de foiblesse, lavée par une prompte résipiscence, et expiée par un long repentir. On n'eut depuis rien à reprocher à Descartes, et il termina, par une mort chrétienne, une vie chrétienne et vertueuse. C'est le témoignage que lui rend Christine elle-même, dans un acte public, daté de 1467, où elle assure que Descartes a beaucoup contribué à sa conversion.

Le reste du travail de M. Emery consiste dans les extraits qu'il a faits des ouvrages de Descartes, et dans un choix des morceaux les plus propres à prouver l'attachement de ce grand philosophe, non-seulement aux principes religieux, mais même à la doctrine professée par l'Eglise catholique.

Les premiers de ces morceaux sont relatifs à l'existence de Dieu. Sans en infirmer les anciennes preuves, Descartes crut utile, pour confondre les incrédules, d'en chercher de nouvelles. Il les prit dans l'idée même de Dieu, ou de l'Étre nécessaire. On opposa à ces preuves des difficultés qu'il s'empressa de résoudre, et qu'il résolut assez bien pour que de trèsbons esprits en fussent satisfaits. Il chercha aussi à prouver, par les meilleurs argumens, la simplicité et l'immatérialité de l'ame, et de ces deux qualités, qui en font l'essence, il déduisit son immortalité. Il tenoit pour chose certaine, que si la foi chrétienne-porte sur des objets qui sont au-dessus de la raison, les motifs qui induisent à les croire, ont une certitude

qui équivaut, qu'il trouve même préférable à celle que produit la lumière naturelle. Il chercha et trouva des moyens d'expliquer la présence réelle dans l'Eucharistie, d'une manière plus satisfaisante que celle dont on se servoit dans les écoles.

Quoique Descartes n'ait point publié de traité particulier sur la morale, et qu'il ait même évité de le faire, pour ne pas donner plus de prise à la malignité de ses ennemis, on trouve éparses dans ses ouvrages,, les maximes les plus propres à régler les passions, et à servir des principes de conduite. M. Emery a eu soin de les extraire et de les mettre dans tout leur jour. On trouvera dans son livre ce que pensoit Descartes sur le souverain bien, sur l'utilité de la philosophie pour régler les mœurs, sur l'obligation d'aimer Dieu, démontrée par la seule lumière de la raison; sur la nature de la sagesse, et la possibilité qu'a tout homme de l'acquérir; sur la charité, qu'il croyoit si nécessaire, que, selon lui, tout talent, tout don de Dieu, quelque distingué qu'il puisse être, s'il n'est pas dans l'homme qui le possède, joint à la charité, doit être compté pour rien; enfin, sur toutes les vertus.

De ces détails et de ces extraits, M. Emery conclut, avec toute raison, que Descartes fut éminemment religieux. Les passages qu'il rapporte de ce philosophe, sont d'ailleurs, et indépendamment de ce résultat, instructifs, intéressans et lumineux par eux-mêmes. Aussi nous regardons le recueil de ces Pensées comme une entreprise honorable à la fois et pour le christianisme et pour Descartes, et pour l'éditeur. Cet ouvrage doit plaire non-seulement aux personnes zélées pour la religion, et qui ne peuvent manquer d'applaudir au but

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et à l'esprit qui l'a dicté; mais il aura encore l'approbation des littérateurs, qui reconnoîtront aisément le goût, le jugement, la sagacité et les recherches curieuses de l'estimable écrivain, dont ce travail occupa les derniers instans, et dont nous nous proposons de retracer, dans un troisième et dernier article, les vertus et les services. L.

NOUVELLES ECCLÉSIASTIQUES.

ROME. S. S. vient de nommer une congrégation de huit cardinaux chargés de s'occuper spécialement des affaires de l'Eglise de France. Mgr. de Gregorio y a été adjoint comme consulteur, et le P. Fontana, général des Barna-bites, comme secrétaire. L'un et l'autre doivent être incessamment promus au cardinalat, et il est stipulé que cette promotion ne les empêchera pas de siéger dans la congrégation. On ne peut qu'applaudir sans doute au choix que le saint Père a fait d'eux. Les lumières, le zèle et la sagesse du P. Fontana sont connues. Il est regardé comme un des meilleurs théologiens de Rome, et il avoit été principalement en butte à la haine de l'ennemi du saint Siége. Il a été enfermé long-temps à Vincennes. Mgr. de Gregorio, qui avoit mérité les mêmes disgrâces par son attachement au souverain Pontife, est moins distingué encore par sa naissance que par sa piété. Il a rempli plusieurs places importantes à la cour de Rome. On espère beaucoup des conseils d'hommes si vertueux et si éclairés.

PARIS. Dans un moment où l'état futur de l'Eglise de France occupe tous les esprits, quelques personnes ont désiré connoître bien précisément le nombre des évêques non-démissionnaires. Les rapports, à cet égard, ont beaucoup varié, et ne sont pas exacts. Voici ce qu'on peut donner comme authentique. Il y eut, en 1801, trentesix évêques qui ne donnèrent point leur démission.

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