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MISSION DE LA CHINE.

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PARMI les institutions qui font le plus d'honneur au christianisme, et qui ont fait éclater le zèle de ses ministres, celle des missions est une des plus importantes et des plus célèbres. On ne sauroit, en effet se proposer un objet plus noble et plus utile en soi que celui de propager par tout le monde la vérité de notre doctrine et la pureté de notre morale. On ne sauroit accorder trop d'éloges au zèle apostolique de ces hommes courageux qui, bravant tous les obstacles et les dangers, vont dans les climats les plus éloignés extirper les erreurs de l'idolâtrie, et procurer de nouveaux prosélytes à Jésus-Christ et à son Eglise. Depuis long-temps on ne recevoit plus de nouvelles des missions, et nous n'avions aucune communication avec ces pays lointains On verra donc avec d'autant plus d'intérêt la lettre suivante, qui est de M. Dufresse évêque de Tabraca et vicaire apostolique du Sut-chuen. Elle est adressée à MM. Alary et Paris, du séminaire des Missions étrangères, et peint l'état des missions dans cette partie de la Chine, et le besoin où elles se trouvent de nouveaux missionnaires pour empêcher leur total dépérissement.

Messieurs et très-chers confrères,

M. Chaumont, de qui seul nous avons reçu une lettre venant d'Europe, nous annonce la mort de M. de Bilhère. C'est une perte irréparable, et pour Tome II. L'Ami de la R. et du R. No. 33.

H

nous,

et pour notre œuvre. A la douleur que nous cause cette triste nouvelle, se joint une autre encore plus plus sensible, c'est celle d'apprendre l'état désolant où se trouvent la Religion et l'Eglise dans toute l'Europe, et surtout dans notre misérable patrie. Cela nous fait justement craindre que vous ne puissiez encore nous trouver des sujets à former pour ces missions qui, à ce défaut, tombent insensiblement en décadence. Il nous reste encore, à la vérité, quatre missionnaires européens dans cette Province; mais vieux et infirmes, ils sont presque hors d'état de rendre aucun service. M. Hamel, depuis trente ans à la tête de notre collége, est le plus foible de tous. Nous attendons avec impatience M. Fontana, qui doit arriver de Macao. Nous avions expédié au Tonquin deux courriers pour y attendre et accompagner un missionnaire franciscain, destiné à la province de Xan-xy; mais ils apprirent qu'il avoit regagné la Cochinchine, et n'apportèrent que la nouvelle affligeante de la maladie incurable dont ce missionnaire avoit été attaqué. Ces deux courriers étoient partis du Sut-chuen, le 28 septembre; ils y étoient de retour, le 28 janvier, ce chemin n'offrant ni obstacles ni dangers. De trois élèves que l'établissement avoit envoyés au Tonquin, l'un y est mort, et les autres, effrayés de cet accident, se sont empressés de retourner à leur école. Parmi tous ces malheurs, nous avons à souffrir encore ceux que nous cause le gouverneur de cette province. Il est l'ennemi déclaré de la religion.

Trois chrétiens du district de Kiû-hien ont été condamnés à un exil perpétuel en Tartarie, pour avoir refusé constamment d'abjurer la religion. Plusieurs chrétiens s'étoient adressés aux autorités de la capi

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tale pour se plaindre juridiquement des vexations qu'ils enduroient des mandarins et de leurs satellites. Á leur instance, on nomma des juges pour examiner l'affaire; mais ces juges avoient juré la perte des chrétiens. Des supplices attroces les forcèrent à se démentir, et par ce moyen les accusés se trouvant justifiés, six de ces chrétiens furent envoyés en exil à Y-ly, pour y être livrés aux Eleuthes, comme esclaves, et huit autres furent exilés pour trois ans hors de la province. La capitale confirma cette sentence.

Le gouverneur tient toujours la main à l'exécution de son premier édit contre la religion, dont nous avons envoyé une traduction en Europe; mais heureusement le grand nombre des gouverneurs des villes ne s'empressent pas d'y obéir. Cela explique l'existence prolongée de notre religion dans la province, et la persévérance des chrétiens, dont les plus timides devant les tribunaux, continuent cependant à vaquer, en secret, à leurs exercices ordinaires de piété.

Les planches du Catéchisme étant usées, l'imprimeur ordinaire des missions, qui s'occupoit à en graver d'autres, fut trahi par un de ses confrères, païen lui-même. On le traduisit devant le mandarin. Les vingt-sept planches qu'il avoit déjà gravées prouvèrent son crime. Il fut arrêté; mais peu de temps après il fut renvoyé, et l'affaire n'eut pas de suites.

Un prêtre chinois, envoyé par les églises de Pékin dans le Xen-xy, pour y prêcher la foi, y a été arrêté : on ignore son sort. Cet accident, les discussions qui s'étoient malheureusement établies entre les mandarins et les chrétiens du Sut-chuen, ont déterminé l'empereur à sanctionner une loi qui condamne à l'étranglement tout européen qui prêchera et pro

pagera la religion chrétienne dans l'étendue de l'empire. On renvoie en leur pays tous les Européens qui sont à Pékin, excepté ceux qui sont employés à l'astronomie, et auxquels on permet l'exercice secret de leur religion, sous la surveillance la plus absolue. La même loi ordonne aux Chinois chrétiens d'abjurer: on les condamne à un exil perpétuel; mais il y a lieu d'espérer que cette loi ne s'appliquera qu'aux chrétiens de Pékin. Au reste, si cette persécution nous conduisoit même au martyre, le ciel en soit béni, ce seroit assurément le meilleur sort que nous puissions a tendre, et ce seroit pour notre mission le moyen le plus propre à augmenter le nombre et la ferveur des chrétiens.

Deux prêtres sont morts cette année, 1811. C'est une perte pour la mission. Cependant on y a reçu, en septembre, deux sujets envoyés par le P. Hamel, qui avoient terminé leur cours de théologie, et l'on croit pouvoir en ordonner un autre qui a déjà reçu les quatre ordres mineurs; mais quand même nous en pourrions en ordonner vingt, si les religieux européens que nous attendons n'arrivent pas, il est impossible que cette mission se soutienne. Trois confesseurs de la capitale du Yun-nân, après avoir souffert la plus cruelle persécution, ont été envoyés eu exil perpétuel à Y-ly, en Tartarie. Ils ont passé par le Sut-chuen. Les ordres qui les accompagnent, et dont on doit justifier à tous les gouverneurs, annoncent qu'ils n'ont rien commis contre les lois de l'Etat; mais qu'ils sont condamnés à l'exil parce qu'ils professent la religion chrétienne, et qu'ils n'ont pas voulu l'abjurer.

Les édits du gouverneur de la province, et les

peines dont il menace, ont aisément répandu la terreur dans l'esprit des païens. Cependant le zèle et la constance de nos prêtres parviennent, de temps en temps, à en arracher quelques-uns à leur infidélité, et l'on remarque que ceux-là sont très-attachés à la religion qu'ils viennent d'embrasser. Malgré cela, le catalogue de cette année, dans tout le vicariat, porte 965 catéchumènes, 1190 adultes baptisés, et 7044 enfans d'infidèles baptisés en danger de mort. Sur ce nombre on a appris le décès de 4636 d'entr'eux.

Tel est l'abrégé des nouvelles qui concernent la religion en ce pays-ci. Je prie Dieu de seconder vos vues remplies de zèle pour le soutien de notre séminaire. Envoyez-nous, s'il est possible, des sujets pour perpétuer une œuvre si sainte et si nécessaire. Empêchons qu'elle ne tombe, et qu'une si riche moisson ne soit abandonnée. C'est le but de toutes nos prières. Ce sera aussi celui de vos soins. Dieu vous conserve long-temps,

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Messieurs et très-chers confrères, votre frère,

GAB. TAU, évêque de Tabraca, vicaire apostolique du Sut-chuen.

En Chine, province du Sut-chuen, le 8 octobre 1811.

NOUVELLES ECCLÉSIASTIQUES.

ROME. S. S., à l'occasion de la fête de saint Pierre, a fait distribuer aux cardinaux et aux prélats la médaille qu'il est d'usage de frapper pour cette solennité. On a pris pour sujet de celle de cette année, le retour du Pape. D'un côté est le portrait du saint Père, avec l'inscription Pius VII, Pont. Max. De l'autre côté est

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