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à célébrer encore, que de regrets à faire revivre! Ici ce n'est point un Roi à louer pour le bien qu'il a fait à ses peuples, pour sa sage et paternelle administration; mais c'est un Prince que la Providence sembloit avoir destiné à régner, et qui se préparoit pour cette grande vocation, qui étudioit dans le silence et la retraite, avec une admirable application, les devoirs qu'il auroit à remplir, et travailloit assiduement à s'en pénétrer; qui avoit pour cela renoncé aux plaisirs, à la dissipation si naturelle à son âge, et « s'essayoit en secret à porter le fardeau d'une grande couronne ». On sait, on a du moins appris depuis la mort du Dauphin, quels fruits de sagesse avoit produits ces études secrètes, et sur combien d'objets elles s'étoient portées. Rien ne lui étoit étranger, bistoire, philosophie, beaux-arts, politique, religion, il avoit tout étudié. Il a laissé des manuscrits précieux; la plupart de ses livres étoient, sur la marge des pages, chargés de ses remarques; et la bibliothèque de la Chambre des Députés conserve un Cicéron de l'édition de l'abbé d'Olivet, qui fut à son usage, où ses livres des offices sont enrichis de notes précieuses de la main de cet aimable Prince.

Mais le sentiment qui prédomine dans les écrits qu'il a laissés, c'est son amour pour la religion, et sa profonde persuasion de la nécessité qu'il y a, pour le bien des Etats, pour la sûreté des mœurs, pour le maintien des liens sociaux, de la faire respecter et de la soutenir. « Comme il s'indigne, dit l'orateur, comme il s'indigne contre ces insensés qui s'efforcent de la détruire! Comme il repousse avec horreur cette morale contagieuse de nos jours, qui prépare insensiblement la décadence de l'Etat, ainsi que celle d'Epicure (ce sont ses expressions) entraîna la ruine de

l'empire romain ». « Il avoit reconnu, continue l'orateur, que si jamais on rend suspecte la religion antique, on ôte aux hommes le seul frein capable de les retenir; qu'on l'anéantit si on la change; qu'elle tombe à jamais si elle cède un instant, et qu'en tout point, elle ne sera plus qu'un vain jeu pour les hommes si les hommes pensent jamais qu'elle peut devenir leur ouvrage

Ce qu'avoit pressenti ce bon Prince, hélas! nous l'avons vu se réaliser, et il est curieux de reconnoître que les suites de ces progrès de l'irréligion, l'orateur les peignoit dès-lors tels que nous les avons aujourd'hui sous les yeux. Le Dauphin, dit-il, « voyoit se préparer la fatale révolution, l'invasion des impies, plus redoutable encore que celle des barbares, et à sa suite l'esprit de la nation qui s'altère et qui se baisse; la France languissante dans une consomption interne, dont peut-être elle ne se relevera plus; un assemblage monstrueux de luxe extrême et d'extrême misère; de graves bagatelles et de frivolités profondes; un mélange inoui de toutes les horreurs avec toutes les grâces, de tous les crimes avec tous les agrémens, tous les excès commis au nom de la raison, tous les écarts au nom du génie; la dégradation des ames entraînant celle des esprits; des talens sans élévation, des caractères sans énergie, plus rien de sûr dans les principes, plus rien de grand dans les passions; des systêmes à la place des vertus, des problêmes au lieu de devoirs, de grands mouvemens pour de petits objets, de grandes récompenses pour de petits travaux, de grandes réputations pour de petits succès, et plus que cela encore, l'oubli de toute vérité, mille fois plus funeste que l'irréligion déclarée, et la fatale indifférence qui, mettant fin à toutes

les disputes, mettra bientôt le comble à toutes les erreurs ». Le Dauphin avoit l'intention de prévenir tous ces maux, et de remédier à ceux qui existoient déjà. Il ne lui a pas été donné d'accomplir ce noble et généreux dessein. Ce n'est pas non plus, malgré toutes ces vertus, cet avantage, c'étoit la palme du martyr qui étoit destinée à l'infortuné fils qui monta sur le trône à sa place. Espérons qu'après un premier miracle fait en faveur d'un autre fils, Dieu lui en réserve un autre, et que l'exemple d'un Prince pieux nous ramènera au respect pour les mœurs, et à l'amour pour la religion de nos pères.

Ces deux pièces d'éloquence, composées dans un temps qui déjà est loin de nous, et dignes de la réputation de leur auteur, accrue encore depuis par d'autres chefs-d'œuvre, se relisent aujourd'hui avec autant d'intérêt, et peut-être plus encore, que lorsqu'elles ont paru. On doit savoir gré à l'éditeur de les avoir remises sous les yeux du public.

NOUVELLES ECCLÉSIASTIQUES.

ROME. On a publié ici une instruction, du 5 juillet, émanée de la congrégation particulière nommée à cet effet par S. S. Cette instruction, confirmée par le souverain Pontife, renferme les dispositions suivantes: 1°. Tous les ecclésiastiques qui auroient prêté le serment condamné par le saint Père, et qui ne l'auroient pas encore rétracté, sont prévenus de le faire sans délai. On en imprimera la liste. Ils feront ensuite une retraite, dont la durée sera proportionnée à la gravité de leur faute. On usera particulièrement d'indulgence envers ceux qui s'étoient d'abord refusés an serment, et on aura égard aux circonstances qui ont triomphé de leur fermeté,

2o. Ceux qui avoient des bénéfices à charges d'ames, les confesseurs ou prédicateurs, pourront à raison du scandale ou des circonstances aggravantes, être suspens de leurs fonctions pendant un temps que les évêques détermineront. 3°. On appliquera la même peine à ceux qui ont conseillé le serment, en ayant soin de graduer la punition sur la nature des fautes. Ceux qui auroient donné un plus grand scandale, pourront même être interdits de toute fonction ecclésiastique. 4°. On traitera de même à plus forte raison les supérieurs ecclésiastiques qui auroient donné le mauvais exemple. Ils seront privés de leurs emplois, à moins qu'ils ne réparent leurs torts par leur repentir. Les évêques procéderont contre les chanoines et curés qui se seroient faits les apôtres de l'erreur, et dénonceront leurs écrits au saint Siége. 5°. Quant aux ecclésiastiques qui auroient prononcé des discours dans les fêtes ordonnées par l'ancien gouverne ment, et qui auroient flatté l'usurpateur, insulté le saint Siége et scandalisé les fidèles, les évêques les obligeront à réparer ce scandale, et leur interdiront au moins pour un temps la prédication et la direction des consciences. 6o. On tiendra la même conduite envers ceux qui ont accepté du dernier gouvernement des places qui emportoient inspection sur des lieux de piété. 7°. On regardera comme dignes d'une punition plus sévère ceux qui ont pris des emplois défendus par les canons. Ils seront non-seulement suspens, mais on pourra procéder à la privation de leurs bénéfices, et on ne les absoudra qu'après qu'ils auront fait pénitence. 8°. Les ecclésiastiques qui auroient rétracté leur serment avant la chute du gouvernement françois seront exempts de toute peine. 9°. Dans la collation des bénéfices, les évêques auront pour règle fixe de préférer ceux qui ont souffert la déportation ou d'autres peines par leur refus de prêter le serment. Ils mettront au second rang ceux qui, sans avoir souffert, n'ont pas néanmoins prêté le serment, et se sont montrés soumis aux décisions pontificales; et en troisième lieu, les rétractés, eu égard aux circonstances, à leur repentir,

et à leur conduite postérieure. 10o. On consultera le saint Siége sur les cas les plus difficiles. S. S. a approuvé cette décision de la congrégation des cardinaux et archevêques, et l'a transmise aux évêques, en les chargeant de la faire exécuter dans leurs diocèses avec le zèle et la discrétion convenables.

PARIS. Il paroît que les réclamations des catholiques de la Grande-Bretagne, au sujet de leurs établissemens en France, vont être écoutées. Ils demandent, comme nous l'avons dit, à rentrer chacun dans la possession de leurs biens. Leur requête est appuyée par les commissaires de leur nation, nommés pour défendre les droits des sujets anglois, et les ministres de S. M. ont annoncé l'intention d'y faire droit. L'établissement formé, il y a quelques années, sous la direction d'un administrateur unique, n'est point reconnu, dit-on, par les évêques catholiques de la Grande-Bretagne. Cet établissement n'est point anglois par le fait. Il ne renferme point d'Anglois, et dernièrement on a refusé d'y recevoir des étudians Irlandois qui s'y sont présentés. Neuf jeunes gens, aspirans à l'état ecclésiastique, sont arrivés successivement d'Irlande, croyant être admis, comme autrefois, dans leur séminaire. Mais ils n'ont plus trouvé de séminaire, et on a fait voir assez, en les refusant, que les intentions des fondateurs n'étoient plus suivies, et que le nouvel établissement avoit un autre but et un autre esprit que les anciens dont il avoit pris la place, et dont il possédoit les biens. Il est temps que ces biens retournent à leur destination primitive. Ils n'ont point été donnés pour former une école des beaux-arts, ils n'ont pas été donnés pour fournir des bourses aux étudians françois. C'est une propriété britannique. Elle doit retourner à ses légitimes propriétaires. Les neufjeunes gens dont nous parlons out été fort étonnés de voir qu'ils ne pouvoient plus rentrer chez eux, et que leurs places étoient occupées par des étrangers. Heureusement ces jeunes gens ont trové plus de bonne volonté dans d'autres maisons d'education. Quatre d'entr'eux ont été re

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