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grand mérite. C'est ainsi que cette Société célèbre va renaître de ses cendres. On s'est porté ce jour-là avec plus d'empressement aux lieux qu'ont habités les Ignace, les Stanislas Kotska, les Louis de Gonzague. Leurs vertus vont revivre dans de dignes successeurs, et l'Eglise, abattue sous le poids de ses douleurs, va être consolée par leur sainteté, et restaurée par leurs travaux.

Voici la traduction de cette bulle. Nous l'avons revue avec soin sur un exemplaire latin que nous avons reçu de Rome. Elle est plus correcte que celle qui a été publiée par quelques journaux, et qui porte des traces de précipitation (1).

PIE, évéque, serviteur des serviteurs de Dieu, pour la mémoire perpétuelle.

La sollicitude de toutes les églises confiée par la disposition de Dieu à notre foiblesse, malgré la disproportion de nos mérites, nous impose le devoir de mettre en œuvre tous les moyens qui sont en notre pouvoir, et que la divine Providence, dans sa miséricorde, daigne nous accorder, pour subvenir à temps, et sans aucune acception de peuple, aux besoins spirituels de l'univers chrétien, autant que le permettent les vicissitudes multipliées des temps et des lieux.

Désirant satisfaire à ce que notre charge pastorale demande de nous, il n'est pas plutôt venu à notre connoissance, que François Kareu et d'autres prêtres séculiers établis depuis plusieurs années dans l'immense empire de Russie, et autrefois attachés à la Société de Jésus, supprimée par notre prédécesseur

(1) On trouve cette bulle, en latin et en françois, au bureau du Journal; prix, 75 cent., franc de port.

Clément XIV, d'heureuse mémoire, nous supplioient de leur donner, par notre autorité, le pouvoir de se réunir en corps, afin d'être en état, en vertu des lois particulières à leur institut, d'élever la jeunesse dans les principes de la foi et de la former aux bonnes mœurs; de s'adonner à la prédication, de s'appliquer à entendre les confessions et à l'administration des autres sacremens, que nous avons cru devoir écou→ ter leur prière. Nous l'avons fait d'autant plus volontiers, que l'empereur Paul Ier., qui régnoit alors, nous avoit instamment recommandé ces mêmes prétres par des lettres qui étoient l'expression de son estime et de sa bienveillance pour eux, et qu'il nous adressa, le 11 août de l'an du Seigneur 1800, lettres par lesquelles il déclaroit qu'il lui seroit très-agréable que, pour le bien des catholiques de son empire, la Société de Jésus y fut établie par notre autorité.

C'est pourquoi, considérant l'extrême utilité qui en proviendroit dans ces vastes régions, presqu'entière→ ment destituées d'ouvriers évangéliques, réfléchissant quel avantage inestimable de tels ecclésiastiques, dont les mœurs éprouvées avoient été la matière de tant d'éloges, pouvoient procurer à la religion, par leurs travaux infatigables, par l'ardeur de leur zèle pour le salut des ames, et par leur application continuelle à la prédication de la parole de Dieu; nous avons pensé qu'il étoit raisonnable de seconder les vues d'un prince si puissant et si bienfaisant. En conséquence, par nos lettres données en forme de bref, le 7 mai de l'an du Seigneur 1801, nous accordâmes au susdit Francois Kareu, à ses compagnons établis dans l'empire russe, et à tous ceux qui pourroient s'y transporter, la faculté de se réunir en corps ou congrégation, sous

le nom de la Société de Jésus, en une ou plusieurs maisons, à la volonté du supérieur, et seulement dans les limites de l'empire de Russie; et, de notre bou plaisir et de celui du Siége apostolique, nous députâmes, en qualité de supérieur général de ladite Société, ledit François Kareu, avec le pouvoir et les facultés nécessaires et convenables pour suivre › et maintenir la règle de saint Ignace de Loyola, approuvée et confirmée par notre prédécesseur Paul III, d'heureuse mémoire, en vertu de ses constitutions apostoliques et afin qu'étant ainsi associés et réunis en une congrégation religieuse, ils pussent donner leurs soins à l'éducation de la jeunesse dans la religion, les lettres et les sciences, au gouvernement des séminaires et des colléges, et, avec l'approbation et le consentement des ordinaires des lieux, au ministère de la confession de la parole sainte et de l'administration des sacremens, nous reçûmes la congrégation de la Société de Jésus sous notre protection et la soumission immédiate au Siége apostolique; et nous nous réservâmes à nous et à nos successeurs, de régler et d'ordonner ce qui, avec l'assistance du Seigneur, seroit trouvé expédient pour munir et affermir ladite congrégation, et pour en corriger les abus, s'il s'y en introduisoit : et à cet effet, nous dérogeâmes expressément aux constitutions apostoliques, statuts, coutumes, priviléges et indults accordés et confirmés de quelque manière que ce fût, qui se trouveroient contraires aux dispositions précédentes, nommément aux lettres apostoliques de Clément XIV, notre prédécesseur, qui commençoient par les mots Dominus ac Redemptor noster, mais seulement en ce qui seroit contraire à nos dites lettres en forme de bref, qui com

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mençoient par le mot Catholica, et qui étoient données seulement pour l'empire de Russie.

Peu de temps après avoir décrété ces mesures pour l'empire de Russie, nous crûmes devoir les étendre au royaume des Deux-Siciles, à la prière de notre très-cher fils en Jésus-Christ le roi Ferdinand, qui nous demanda que la Société de Jésus fût établie dans ses Etats, comme elle l'avoit été par nous dans le susdit empire; parce que dans des temps si malheureux, il lui paroissoit être de la plus haute importance de se servir des clercs de la Société de Jésus, pour former la jeunesse à la piété chrétienne et à la crainte du Seigneur qui est le commencement de la sagesse, et pour l'instruire de ce qui regarde la doctrine et les sciences, principalement dans les colléges et les écoles publiques. Nous, par le devoir de notre charge, ayant à cœur de répondre aux pieux désirs d'un si illustre prince, qui n'avoit en vue que la plus grande gloire de. Dieu et le salut des ames, avons étendu nos lettres données pour l'empire de Russie, au royaume des Deux-Siciles, par de nouvelles lettres, sous la même forme de bref, commençant par les mots : Per alias, expédiées le 30o. jour de juillet l'an du Seigneur 1804.

Les vœux unanimes de presque tout l'univers chré tien pour le rétablissement de la même Société de Jésus, nous attirent tous les jours des demandes vives et pressantes de la part de nos vénérables frères les archevêques et évêques, et des personnes les plus distinguées de tous les ordres; surtout depuis que la Renommée a publié de tous côtés l'abondance des fruits que cette Société produisoit dans les régions qu'elle occupoit, et sa fécondité dans la production

des rejetons qui promettent d'étendre et d'orner des toutes parts le champ du Seigneur.

La dispersion même des pierres du sanctuaire causée par des calamités récentes, et des revers qu'il faut plutôt pleurer que rappeler à la mémoire, l'anéantissement de la discipline des ordres réguliers (de ces ordres, la gloire et l'ornement de la religion et de l'Eglise), dont la réunion et le rétablissement sont l'objet de nos pensées et de nos soins continuels, exigent que nous donnions notre assentiment à des vœux si unanimes et si justes. Nous nous croirions coupables devant Dieu d'une faute très-grave, si au milieu des besoins si pressans qu'éprouve la chose publique, nous négligions de lui porter ces secours salutaires que Dieu, par une Providence singulière, met entre nos mains, et si, placés dans la nacelle de Pierre, sans cesse agitée par les flots, nous rejetions les rameurs robustes et expérimentés qui s'offrent à nous, pour rompre la force des vagues qui menacent à tout instant de nous engloutir dans un naufrage inévitable.

Entraînés par des raisons si fortes et de si puissans motifs, nous avons résolu d'exécuter ce que nous désirions le plus ardemment dès le commencement de notre pontificat. A ces causes, après avoir imploré le secours divin par de ferventes prières, et recueilli les suffrages et les avis de plusieurs de nos vénérables frères les cardinaux de la sainte Eglise romaine, de notre science certaine, et en vertu de la plénitude du pouvoir apostolique, nous avons résolu d'ordonner et de statuer, comme en effet nous ordonnons et statuons, par cette présente et irrévocable constitution émanée de nous, que toutes les conces

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