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nérale. On peut voir dans le Moniteur de 1790, le dénombrement de ces établissemens, et le rapport qu'en fit M. Chasset, au mois de juin ou de juillet, ainsi que le projet de décret qui fut passé en loi, sanctionnée par le Roi, le 7 novembre de la même année. Voici le contenu des articles de cette loi :

« 1°. Les établissemens d'études, d'enseignemens ou simplement religieux, faits en France par les étrangers et pour eux-mêmes, continueront de subsister comme par le passé.

» 2o. Ils continueront de subsister sous le régime respectif qu'ils avoient jusqu'à ce jour.

» 4°. Ils continueront de jouir des biens par eux acquis, comme par le passé ».

En conséquence, après la suppression de pareils établissemens François, ceux des Anglois, Ecossois et Irlandois continuèrent, comme par le passé, jusqu'à ce que, en 1795, tous les membres de ces établissemens furent mis en détention, les uns dans leurs maisons, les autres ailleurs. Tous les maîtres, et les nombreux élèves des colléges anglois de Douai et Saint-Omer, furent transportés à Doulens, et détenus plus d'un an dans la citadelle.

Dans cet intervalle leurs colléges avoient été convertis en prison, aussi bien que leurs maisons et couvens situés dans d'autres endroits, et particulièrement à Paris; de sorte qu'en sortant de cet état de détention, les colléges n'étoient plus propres à les recevoir, et d'ailleurs les circonstances étoient si fâcheuses, que la plus grande partie des membres passèrent en Angleterre. Cependant la loi de 1790 fut de nouveau reconnue; les supérieurs rentrèrent en possession de

leurs maisons et de leurs propriétés respectives, et les conservèrent jusqu'au décret du 28 floréal an 13. Ce décret, en conservant seulement les propriétés non aliénées, renversa la loi de 1790, en ce qui regarde la jouissance séparée, et le régime particulier de chaque établissement, et il portoit que tous ces différens établissemens des trois nations seroient réunis dans un seul, sous un régime et une administration d'une espèce nouvelle; de manière que les supérieurs et les membres qui se trouvoient encore légalement établis dans leurs maisons furent forcés à les quitter. Celles-ci furent louées à bail et autrement, et leurs autres propriétés saisies pour faire un fonds à l'usage du nouvel établissement, sans aucune considération pour les anciens supérieurs et membres, dont plusieurs étoient très-âgés, et qui ne savoient que devenir, se voyant tout à coup privés de leurs biens, et par conséquent de tout moyen de subsistance.

Pour obtenir ce décret, on avoit insinué au gouvernement que par cette mesure, en prenant un des établissemens irlandois pour chef-lieu, en nommant un Irlandois à la place d'administrateur-général, et en donnant au collége le nom d'Irlandois par préférence, le gouvernement François se feroit de nombreux amis parmi les catholiques de cette nation, qui étoient disposés, disoit-on, d'y envoyer tous leurs enfans.

Ainsi le motif de ce décret étoit entièrement hostile à l'égard du gouvernement britannique; et un membre des Communes, en Angleterre, qui en eut connoissance, dénonça cet établissement à la chambre, en nommant celui qu'on en avoit fait l'administrateur-général. On m'a encore assuré aussi que, pour tranquilliser le gouvernement, les évêques catholiques

d'Irlande avoient déclaré qu'ils ne recevroient dans leurs missions aucun ecclésiastique élevé dans ce nouvel établissement.

Et certes, Monsieur, cet établissement unique n'est pas moins contraire à l'intention du fondateur qu'à la loi de 1790. Il prive les Anglois et les Ecossois de leurs propriétés respectives, et de tous les avantages que leurs établissemens devroient apporter à leurs missions; car ils n'enverront jamais des sujets pour recevoir l'éducation ecclésiastique dans une maison qui n'est plus à eux, et dont l'esprit et le but n'est plus le même. Et il est à présumer que les évêques Irlandois ne jouiront pas davantage du nouvel établissement, soit par un juste égard pour les intentions du gouvernement britannique, soit parce qu'ils ne voudront pas consentir à l'envahissement de propriétés qui ne leur appartiennent pas, en expulsant les vrais propriétaires ces propriétés, pour atteindre leur but, devroient être employées selon l'intention des fondateurs et selon le régime de chaque établissement.

à

En faire un tout autre usage, c'est contrevenir aux intentions de leurs fondateurs, déroger à la loi de 1790, et blesser les intérêts de la religion, qui ont été lesés par le décret du 28 floréal an 13. Aussi M. l'évêque de Londres, dans son dernier voyage Paris, a demandé la révocation du décret de réunion et l'entier rétablissement de la loi de 1790. Il a plaidé auprès du Roi la cause des catholiques. S. M., qui a été témoin elle-même de leur situation en Angleterre, sera sensible à leur sort. Elle leur facilitera le bienfait de l'éducation; elle leur rendra leurs propriétés distinctes et séparées; elle remplira le vœu des fondateurs; elle remettra en vigueur la loi de 1790, sanc

tionnée par son auguste prédécesseur, et rendra ainsi à ces établissemens toute l'utilité qu'ils sont susceptibles de produire. Nous nous flattons que S. M. ne voudra pas sanctionner avec connoissance de cause, dans un moment de réconciliation et de paix, un décret hostile dans son motif, blâmé de tous les catholiques des trois royaumes, pernicieux à la religion à laquelle il enlève une ressource nécessaire. Nous espérons qu'elle n'excluera pas de leurs propriétés respectives les successeurs des différens fondateurs pour les concentrer dans une administration d'une espèce inouie, sous laquelle les fonds seront entièrement détournés de leur destination, et qu'elle ne privera pas de leurs maisons et de leurs colléges, non aliénés, des sujets britanniques, qui, par le dernier traité de paix, sont confirmés dans tous leurs droits, et ont conçu de justes espérances qui sans doute ne seront pas démenties. Ils pourroient invoquer avec confiance les clauses de ce traité; mais ils aiment mieux ne devoir le redressement des griefs dont ils se plaignent et la restitution de leurs biens, qu'à la justice et à la piété d'un Prince éclairé qui veut le bien de la religion, et qui ne peut pas ordonner une mesure qui seroit la ruine de nos missions. C'est dans cette juste confiance que je vous engage à publier ma lettre, qui éclairera vos lecteurs sur l'équité et l'importance de nos réclamations.

J'ai l'honneur d'être,

P.

Dans un moment où quelques têtes fermentent encore, à ce qu'on dit, et où quelques publicistes, un peu plus opiniâtres que les autres, préconisent en

pas

core un systême que tout tend également à confondre, il peut être utile de réfuter ce systême par l'autorité d'un homme qui n'a été accusé de porter trop loin le principe de l'obéissance. Son autorité doit avoir d'autant plus de poids, que des gens de son parti n'ont pas toujours professé les mêmes opinions. On a publié cette année une brochure où un homme trèsconnu, dans une certaine église, par son zèle et la fécondité de sa plume, proclame encore la souveraineté du peuple. Ce même homme dit, dans une autre brochure, que, sous le point de vue politique, on peut citer les savans de Port-Royal comme précurseurs de la révolution (1), et il donue des passages de leurs écrits qu'il croit propres à confirmer cette opinion. Bien des gens pourroient taxer cet auteur d'indiscrétion, et ne pas lui savoir gré de faire regarder PortRoyal comme précurseur de la révolution. Il n'y a pas, en effet, de quoi se vanter, et celui qui veut en faire un titre de gloire pour Port-Royal, pourroit bien, au contraire, lui avoir rendu un mauvais service. Quoi qu'il en soit de l'opinion des amis de Port-Royal sur ces matières, celle de Quesnel n'est pas douteuse. II a pris soin de la consigner dans un petit ouvrage intitulé: La souveraineté des Rois défendue contre l'histoire latine de Melchior Leydecker; Paris, 1704, in-12 de 120 pages. Il y enseigne une doctrine que les écrivains de son école ont bien abandonnée depuis. Gerson et Almain peuvent être regardés comme les fondateurs, en France, de l'opinion qui met la souveraineté entre les mains du peuple. Edmond Richer l'ac

(1) Les Ruines de Port-Royal des Champs; Paris, 1809, page 98.

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