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NOUVELLES POLITIQUES.

PARIS. Les détails de la fête de l'Hôtel-de-Ville s'accordent à en donner l'idée la plus agréable. A cinq heures et demie, S. M. arriva, accompagnée des Princes de son sang. Elle fut complimentée par M. le préfet à la tête du corps-de-ville. S. M. l'écouta debout, et lui fit une réponse qui mérite d'être conservée. Il est bon que le peuple sache quel esprit anime ses Princes:

«Je suis aussi touché des sentimens que vous m'exprimez que de ceux dont je viens de recevoir le témoignage en traversant ma bonne ville de Paris. J'avois le plus grand empressement de me trouver réuni à ma grande famille; mais j'ai dû attendre que je pusse être entouré de celle-ci (en montrant, de la manière la plus noble et la plus touchante, les Princes qui l'entouroient;) ils ont fait ma consolation dans mon adversité, et ils font encore aujourd'hui mon bonheur. Ils m'ont donné la preuve qu'ils partageoient toutes mes intentions pour votre félicité; je puis donc désormais fermer paisiblement les yeux, puisque je suis sûr qu'ils hériteront de tous mes sentimens pour la France ».

Le Roi prononça cette réponse avec un ton de dignité et d'aisance qui lui est naturel, mais surtout avec un accent de bonté fait pour lui gagner tous les cœurs. La figure de S. M. respiroit la satisfaction la plus parfaite. On voyoit que c'étoit un père au milieu de ses enfans. Il n'étoit personne là qui ne se rappelât d'autres fêtes, où un autre personnage se montroit un peu moins aimable.... Mais nous aimons mieux ne pas retracer ce souvenir dans un jour où la cordialité, le dévouement, le zèle et l'amour, ont effacé toutes les images du passé. Le Roi, après avoir reçu diverses présentations, s'est mis à table avec sa famille. Trente et quelques dames ont été admises à l'honneur de manger avec lui. S. M. étoit servie, suivant l'ancien usage, par le corps-de-ville. Après le dîner, une députation de dames de la ville présenta à MaDAME une corbeille remplie de fleurs avec des devises ingénieuses. Après un concert, S. M. monta dans une grande salle, construite dans la cour, où étoit rassemblée une société nombreuse et choisie. Elle y fut accueillie par de vives

acclamations. Elle se plaça sur un trône, entourée de sa famille, adressa des choses très-flatteuses à plusieurs des personnes qui eurent l'honneur de l'approcher, et se montra infiniment sensible au spectacle de la joie publique. On dit qu'elle a laissé couler des larmes d'attendrissement, et nous savons que plusieurs spectateurs ont été aussi touchés jusqu'aux larmes de l'affabilité, de l'air ouvert, des paroles de bonté du Monarque et de son auguste famille. Le spectacle le plus imposant, ce n'étoit point la magnificence de la salle, le luxe des toilettes; c'étoit l'épanchement de l'allégresse, c'étoit l'unanimité des sentimens, c'étoit le plaisir qu'on éprouvoit à voir cette fête de famille. Après avoir procuré à chacun le bonheur de jouir de sa présence, S. M. se retira vers les dix heures, en s-luant de l'air le plus affable; elle daigna dire encore en sortant: «Nulle part je n'ai vu une fête aussi belle et aussi touchante pour mon cœur. Je compterai cette journée, où j'ai reçu tant de témoignages d'affection, parmi les plus heureuses de ma vie ». Le Roi retourna aux Tuileries en traversant lentement une foule qui le salua encore par de nouvelles acclamations. C'étoit dans les rues, comme dans les salons, le même zèle et le même dévouement. Chacun s'honoroit d'être peuple dans cette circonstance, et de témoigner son allégresse par le cri redevenu national.

-La Chambre des Députés, sur le rapport de M. Sylvestre de Sacy, a pris, le 27 août, en comité secret, à l'unanimité, une résolution qui fixe le montant de la liste civile ainsi qu'il suit : 25,000,000 pour le Roi, outre les domaines de la couronne, dont le revenu est estimé 3,000,000; 8,000,000 pour les Princes de la famille royale. Ce revenu leur sera réparti à la volonté du Roi. Les dépenses de la maison militaire du Roi ne sont point comprises dans la liste civile.

Il paroît que les différends entre la Suède et la Norwége sont sur le point d'être terminés. Ce dernier pays se soumet au traité de partage. Ainsi l'Europe, qui, il y a six mois, étoit en armes de tous côtés, va jouir pourtant également des douceurs de la paix. Faisons des voeux pour qu'elle ne soit plus troublée, et pour que tous les peuples respirent après tant d'orages.

TRADITION de l'Eglise sur l'institution des évéques (1).

PARMI les spectacles grands et consolans à la fois qu'offre à l'attention de l'observateur et à la reconnoissance du chrétien, la religion apportée par Jésus-Christ aux hommes, il n'en est peut-être point de plus auguste et de plus frappant que la perpétuité de ce siége antique et stable qui, depuis dix-huit cents ans, brave, à Rome, tous les orages et survit à toutes les révolutions. Par quel prodige a-t-il résisté à tant d'atteintes, triomphe de tant d'attaques, et loin de céder au temps qui détruit tout, comment a-t-il dompté les obstacles, et s'est-il maintenu au milieu de la chute des Etats et de la vicissitude des choses humaines? Comment se fait-il que ni les persécutions du paganisme qui devoit être encore plus acharné à poursuivre la religion dans une ville où l'idolatrie sembloit avoir établi le siége de sa puissance, et où elle devoit s'indigner de voir l'Eglise fixer aussi son premier siége, ni les guerres civiles entre les différens princes, ni la décadence de l'empire, ni les inondations successives des barbares, ni les calamités qui en furent la suite, ni ces révolutions multipliées, ces catastrophes sanglantes, ces troubles renaissans qui désolèrent l'Italie pendant le moyen âge, ni tant de guerres et de désordres n'aient pu abattre la chaire apostolique, et que les passions, les erreurs et les scandales soient venus se briser contre cette roche inébranlable?

Ainsi nous parlions, il y a huit ans, sans penser que nous touchions à une nouvelle épreuve qui alloit rendre

(1) Trois vol. in-8°.; prix, 16 fr. 50 cent. A Paris, à la librairie de la Société Typographique, place Saint-Sulpice, no. 6, et au bureau du Journal.

Tome II. L'Ami de la R. et du R. No. 40.

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plus sensible que jamais la protection divine sur l'édífice majestueux élevé par le Fils de Dieu. La tempête est venue, les flots se sont accumulés, les vents se sont déchaînés, et l'esprit de l'homme, a pu, à l'aspect de tant de troubles et d'efforts, croire que c'en étoit fait de l'Eglise romaine, et que la barque de Pierre seroit submergée cette fois par la violence de l'orage. Cette vaine conjecture a été trompée comme les autres. Cette barque si frêle est arrivée au port à travers d'innombrables écueils. Elle a encore échappé à un naufrage que toutes les apparences faisoient regarder comme certain, et les vagues courroucées, qui sembloient devoir engloutir sa foiblesse, n'ont fait que rehausser le prodige de sa délivrance et de son triomphe. Ainsi les temps modernes ont aussi leurs miracles, et le bras de Dieu se manifeste avec éclat et se déploie avec force. Ainsi nous n'avons plus à envier aux premiers siècles ces merveilles dont le christianisme fut témoin à son aurore, et les derniers âges de l'Eglise sont dignes de son berceau. Les paroles de Jésus-Christ ont leur effet, et leur force toujours vivante est telle que, malgré la distance des temps, on croit, en les lisant et en les comparant avec l'histoire de l'Eglise, assister au travail de l'architecte éternel, et voir la main puissante qui trace l'ordonnance de l'édifice, et qui en garantit la durée. Le présent sert ici à prouver le passé, et l'un et l'autre se prêtant un · mutuel support, ont un éclat qui en impose à tous les regards, et une énergie qui dissipe tous les nuages et tous les doutes.

Cependant cette constitution si admirable et si forte n'est pas assez connue. L'insouciance des uns, les erreurs des autres, leur en cachent les fondemens solides, les ressorts efficaces, l'élévation et la grandeur. Ceux-ci ne voient que l'ouvrage de la politique dans cette œuvre toute divine. Ceux-là, en réconnoissant l'origine céleste de l'Eglise, se forment de son régime une idée petite, fausse et indigne. de son auteur. Ils tendent à y opérer une division funeste.

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Ils veulent séparer les ruisseaux de la source Ils révent je ne sais quelle constitution mixte et indécise qui, se ployant à tous les systêmes, n'a plus ce caractère de force, de grandeur, d'urité, qui doit marquer l'ouvrage du Très-Haut. Au lieu de proclamer avec toute l'antiquité l'autorité du prince des apôtres, ils introduisent dans l'Eglise une sorte de démocratie. On diroit que la chaire de Pierre les importune, que son éclat les éblouit, que sa durée les fatigue, que ses droits leur sont à charge. À la tradition vénérable des Pères, ils substituent une autre tradition moins imposante et moins pure; c'est celle de Marsile de Padoue, de Richer, d'Antoine de Dominis, de Febronius. L'esprit du protestantisme s'est insinué jusque dans des hommes qui vouloient passer pour catholiques. Ils ont hérité de l'éloignement et des préventions des chefs de la réforme, et ils se sont attachés à dépouiller le saint Siége de tous les titres qui lui concilioient le respect et l'obéissance. Censeurs aveugles, enfans ingrats, ils ont méconnu la voix de leur mère. Ils ont oublié qui les avoit fait chrétiens. C'est par Rome que tout l'Occident a été converti au christianisme. C'est par elle que notre Frauce en particulier a connu la foi. C'est elle dont le zèle et la sollicitude envoyoient de tons côtés des missionnaires pour retirer les peuples des ténèbres de l'idolâtrie. La reconnoissance seule n'auroit-elle pas demandé que nous redoublassions d'attachement pour celle à qui nous devions un si grand bienfait? Et comment se fait-il qu'au contraire, nous ayons paru redoubler d'esprit d'indépendance, d'opposition et de dénigrement.

A ces idées nouvelles opposons la doctrine de l'antiquité, et le tableau raccourci des desseins de Dieu sur son Eglise. Jésus-Christ, en instituant cette société sainte, lui donna le pouvoir dont il est la source. C'est de lui que l'Eglise reçoit sa mission. En quittant la terre, il se substitue quelqu'un pour continuer son ouvrage. Il dit à Pierre de paître ses brebis. Des apôtres sont asso

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