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trop jeune pour entreprendre encore rien d'important, y passa les premières années de son règne. II paroît, par une lettre de saint Remi à ce nouveau roi, que son avénement au trône avoit été extrêmement agréable aux catholiques, et que les chefs des Francs, tous païens qu'ils fussent, étoient cux-mêmes accoutumés à respecter les évêques (1), puisque le saint prélat ose prendre la liberté de donner des conseils à Clovis, et l'engage à répondre aux vues de la Providence, « qui, dit-il, récompense sa modération en l'élevant à une place aussi éminente »>.

La première occasion que Clovis eut de se distinguer, fut contre Syagrius, comte de Soissons, que Grégoire de Tours appelle roi des Romains, sans doute parce qu'il exerçoit l'autorité souveraine sur les Romains ou sujets des empereurs qui étoient dans son district. Le jeune roi osa attaquer Syagrius et le défit. La ville de Soissons fut le fruit de cette victoire et bientôt tout le Soissonnois, l'Artois et une partie de la Champagne, qui formoient les Etats ou le gouvernement de Syagrius, tombèrent entre les mains du vainqueur.

Ces premiers succès ne furent que les avant-coureurs d'autres non moins considérables. Le jeune conquérant réunit à son domaine tout le pays connu aujourd'hui sous le nom d'Ile de France, à l'exclusion

(1) Après avoir vu de simples magistrats prendre le pas sur les chefs de la religion, même sur ceux qui joignoient à une haute dignité l'autorité d'un âge extrêmement avancé, il paroîtra assez étrange d'entendre saint Remi dire à Clovis, jeune, roi et païen « Ne disputez point la préséance aux évêques dont les diocèses sont dans votre département, et prenez leurs conseils dans l'occasion ».

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de Paris; encore assiégea-t-il bientôt cette ville. Ce fut pendant ce siège, converti en blocus par Clovis, appelé ailleurs, que les Parisiens, réduits à une famine extrême, furent secourus par sainte Geneviève. Cette sainte fille trouva le moyen de se procurer et de faire entrer dans la ville d'abondantes provisions, qu'elle-même prit soin de distribuer avec sagesse.

Mais si le courage de Clovis et sa politique servirent à l'agrandissement de ses Etats, sa conversion et le zèle des évêques n'y contribuèrent pas moins. Depuis son mariage avec Clotilde, princesse chrétienne et catholique, elle le pressoit d'embrasser sa religion, et on croit même, qu'avant de l'épouser, elle en avoit exigé la promesse. Ce fut, suivant Grégoire de Tours, à la fameuse bataille de Tolbiac, que Clovis, voyant ses troupes plier, promit au Dieu de Clotilde que, s'il lui donnoit la victoire, il l'adoreroit et recevroit le baptême. Ce vou, dit-on, ne fut pas plutôt prononcé que la déroute des ennemis devint générale. M. Viallon révoque ce fait en doute, et cela, ce me semble, par des motifs bien insuffisans. « Un guerrier, dit-il, n'a guère le temps, au milieu d'une bataille, de faire une prière aussi longue que celle que Grégoire de Tours rapporte, et il eût été bien imprudent à Clovis de promettre de se faire chrétien au milieu de ses Francs, qui étoient païens et superstitieux ». Mais pour que le vœu de Clovis ait eu lieu, il n'est pas nécessaire que la prière rapportée par Grégoire de Tours ait été faite mot à mot; un historien peut faire parler ses personnages à son gré, sans que cela porte atteinte à la vérité des faits principaux qu'il rapporte. Rien, au contraire, ne paroît si naturel que le recours au ciel dans les dangers pressans, et ce n'est

pas alors qu'on songe aux inconvéniens qui peuvent résulter de l'exécution de son vou. Clovis se fit chrétien peu de temps après, et cela seul suffiroit pour justifier le récit d'un auteur presque contemporain, s'il avoit besoin de justification.

Le règne de Clovis fut glorieux. Presque toutes ses expéditions ont été heureuses. Il prit Paris, en fit sa capitale, et parvint à se faire des Etats d'une telle étendue qu'aucun prince de son temps ne pouvoit le lui disputer en puissance. Il joignoit à cela l'avantage d'être le seul souverain orthodoxe du monde romain, ce qui lui valut le titre de fils aîné de l'Eglise, qu'ont porté jusqu'aujourd'hui tous ses successeurs. Malheureusement, sur la fin de ses jours, il ternit la gloire d'une belle vie par une politique cruelle, qui le porta à faire périr tous les princes de sa famille. Il eut toujours pour les évêques le même respect, et on lui doit d'avoir maintenu en France le catholicisme, et de l'avoir étendu autant qu'il dépendoit de lui, tandis que la plus grande partie des Gaules étoit livrée à l'arianisme. On impute à Clovis, on l'accuse presque, d'avoir enrichi le clergé. Si on vouloit y réfléchir, on s'apercevroit peut-être qu'on auroit plutôt à le remercier d'avoir, par ce moyen, enrichi l'Etat. Il fit, en effet, de grandes concessions à l'Eglise et aux monastères; mais la plus grande partie de ses dons consistoient en terres incultes et en forêts sans valeur: Les bras des laborieux cénobites surent les convertir en fertiles campagnes, en riches vignobles, au moins autant au profit de la société qu'au leur.

Je ne parlerai ni de la reine Clotilde, ni de sainte Geneviève, ni de saint Remi, qui tous trois jouent

un rôle important dans la vie de Clovis. Je dirai seulement que l'auteur y combat la tradition populaire, qui de l'illustre vierge fait une simple bergère; il la croit née de parens qui, à Nanterre, lieu de sa naissance, tenoient le premier rang; c'étoient peut-être les seigneurs du lieu. Cela n'ajoute ni n'ôte rien au mérite de la sainte, qui tout entier consiste dans ses vertus; mais il est certain, d'après l'auteur de sa vie, écrite peu d'années après sa mort, qu'elle possédoit des terres dans les environs de Meaux. Cette vie, écrite en latin, vers l'an 530, et des extraits de Grégoire de Tours, et d'autres anciens auteurs, servent de pièces justificatives à l'ouvrage. Je crois ne pouvoir mieux faire, pour achever de le faire connoître, que de mettre ici le jugement qu'en a porté un judicieux ́critique. « La Vie de Clovis-le-Grand, par M. Viallon, dit-il, est un travail intéressant pour tous ceux qui aiment à remonter à l'origine de la monarchie françoise. De toutes les histoires faites sur ces temps de confusion, c'est une des plus suivies, et où l'on aperçoit le mieux la liaison des événemens. On doit avoir la plus grande obligation à l'auteur, tant des recherches pénibles auxquelles il s'est livré, que des découvertes historiques qu'elles l'ont mis en état de communiquer à ses lecteurs ». Quoiqu'en général le style ne soit pas toujours correct, et que quelques opinions soient hasardées, l'examen que nous avons fait de ce livre nous a convaincus que l'éloge n'avoit rien d'exagéré. M. Viallon, chanoine régulier de Sainte-Geneviève, et l'un des bibliothécaires de cette célèbre abbaye, est mort il y a quelques années.

L.

Les Avocats des Pauvres, ou Sermons de Bossuet, Bourdaloue, Massillon, Fléchier, la Colombière, la Rue, Neuville, le Chapelain, Elisée et de Beauvais, évêque de Sénez, sur les richesses, sur l'avarice et sur l'aumône (1).

Il n'est fien qui soit plus recommandé dans les divines Ecritures que l'aumône et le soin des pauvres : il n'est rien non plus dont il soit plus question dans les écrits des Pères, et qui ait plus souvent été le sujet des exhortations de nos plus célèbres orateurs. Le danger des richesses, l'abus qu'on en fait, le bon emploi qu'on doit en faire, l'obligation où sont ceux qui les possèdent de les partager, selon leurs facultés, avec les indigens à qui Dieu les a refusées; la manière dont le pauvre doit être soulagé, toutes ces choses forment une partie considérable de la morale évangélique, et offrent à l'éloquence sacrée une matière digne d'elle. Quelques fréquentes néanmoins que soient les instructions, à cet égard, l'obligation de l'aumône n'est pas généralement assez sentie. On ne sait point assez que l'aumône n'est pas une grâce de la part de celui qui est en état de la faire, mais une dette, et une dette dans toute la force du terme. C'est le sentiment des Pères. Peut-il, en effet, entrer dans l'idée qu'on se forme de Dieu, qu'injuste, capricieux ou imprévoyant, il ait distribué des lots sans discrétion et sans règle, qu'il ait tout donné à l'un pour qu'il en abuse; tout refusé à l'autre pour qu'il souffre

(1) Deux gros vol. in-12 de plus de 600 pages; prix, 5 fr. 50 c., et 8 fr. franc de port. A Paris, chez Adrien Le Clere, au bureau du Journal; et chez Françart, libraire, rue Pou-. pée, no, 6,

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