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latin, l'autre pour la théologie; mais leur entretien nous coûtant beaucoup plus chaque année, nous craignons de nous voir obligés de les abandonner, faute de moyens pour les faire subsister. De façon que, tant sous un rapport que sous un autre, si les secours d'Europe viennent à nous manquer tout-à-fait, rien ne pourra éviter le total dépérissement des missions; et cela nous est d'autant plus sensible, vu la tranquillité parfaite dont les missionnaires jouissent, soit au Tonquin, soit ici, dans la Cochinchine. Ces deux Etats ne faisant qu'un seul royaume, et le roi se souvenant toujours du bienfait qu'il a reçu de Mgr. l'évêque d'Adran l'ancien, lorsque ce prélat transporta, en 1787, son fils en France, nous laisse une pleine liberté d'exercer partout nos fonctions sans que personne ose y mettre obstacle. Le nombre de chrétiens dans cette mission monte à soixante mille personnes, et nous avons nouvellement établi, en différentes provinces, une quinzaine de maisons de religieuses, sous le nom d'Amantes de la Croix. Si nous pouvions avoir un plus grand nombre de missionnaires européens, celui des chrétiens augmenteroit toujours; mais si des secours et des ouvriers ne nous arrivent pas, leur nombre doit diminuer inévitablement, et nous nous verrons dans l'impossibilité d'entretenir nos établissemens.

Il faut néanmoins espérer de la Providence toutepuissante et bienfaisante de Dieu, que nous verrons bientôt paroître des temps plus heureux, afin que tout reprenne son ancienne splendeur, et que le nom du Seigneur soit connu de toute la terre.

J'ai l'honneur, etc.

LA BARTETTE, évêque de Véren, vicaire apostolique de la Cochinchine.

ROYA

NOUVELLES ECCLÉSIASTIQUES.

ROME. Le 22 août, M. Cortois de Pressigny, ancien évêque de Saint-Malo, et ambassadeur de France à Rome, a eu une audience publique de S. S., et lui a remis ses lettres de créance. Après l'audience, S. S. s'est entretenue avec M. l'ambassadeur, et lui a témoigné beaucoup de bienveillance. Au sortir de l'audience, S. Exc. est allée faire visite aux membres du sacré collége et au roi Charles IV.

Le 25, jour de la saint Louis, le même prélat a donné à Rome une de ces fêtes auxquelles le cardinal de Bernis avoit accoutumé les Romains. Celle-ci avoit peutêtre moins de pompe; mais les manières aimables de ce cardinal sembloient encore y présider. L'église de SaintLouis, qui a été conservée à la France dans toute son ancienne splendeur, étoit décorée fort élégamment dans le goût françois. Les chapelains, qui s'y étoient introduits pendant l'usurpation, avoient été éloignés, et on avoit rappelé les titulaires. M. l'ambassadeur se rendit, le 25, de grand matin, à cette église, avec M. l'évêque d'Orthosie, auditeur de rote pour la France, et avec tous les membres de la légation qui accompagnoient S. Exc. dans quatre voitures de cérémonie. Vers les sept heures et demie, le Pape partit du palais Quirinal avec son cortége ordinaire. Les rues étoient sablées, les fenêtres ornées de tentures, les troupes sous les armes, et les avenues de l'église remplies d'une foule considérable. La faveur insigne que S. S. accordoit en ce moment à l'église nationale des François, excitoit la curiosité et l'intérêt. Le saint Père arriva à huit heures, et fut reçu sous le grand portail par M. l'ambassadeur, qui l'accompagna dans la chapelle de Saint-L Le souverain Pontife y dit une messe basse. Apres son action de grâces, il passa dans une salle qui

avoit été préparée pour le recevoir, y déjeûna, et s'entretint avec M. l'évêque de Saint-Malo, qui le reconduisit jusqu'à sa voiture. Les cardinaux arrivèrent à leur tour vers les dix heures en grand costume. Après avoir fait leur prière à l'autel saint Louis, ils furent reçus par M. l'ambassadeur dans la salle dont nous avons parlé. A l'heure de la messe cardinalice, LL. EE. allèrent prendre place dans l'enceinte, sur les siéges qu'on leur avoit préparés. La grand'messe fut célébrée par Mr. l'évêque d'Orthosie, auditeur de rote, assisté des prélats, maîtres de cérémonies du Pape. La musique de la chapelle papale a exécuté toutes les parties du chant. Le roi Charles IV étoit présent à la cérémonie. Les reines d'Espagne et d'Etrurie n'avoient pu y venir de si bonne heure, ayant été retardées par le soin de recevoir les voeux et les hommages de leurs maisons, à l'occasion de leur fête. Elles vinrent ensuite, accompagnées des princes leurs fils. M. de Pressigny n'ayant pu se procurer encore un palais convenable au ministre de France, avoit fait préparer le palais de l'académie de France, situé dans le beau local de la Villa Médicis, qui domine Rome et offre uné vue superbe. Dans l'espace de trois jours, ce palais des arts a été disposé convenablement. Le directeur de l'académie, secondé de ses élèves, l'a orné avec beaucoup de goût. Il y a eu le soir un dîner de 60 couverts, où les cardinaux, les ambassadeurs, les évêques étrangers, les princes et les prélats romains ont été invités. Le concours dans les jardins et dans le palais a été considérable, et les rafraîchissemens ont été distribués avec profusion. Une musique choisie exécutoit les airs chéris des François. Une illumination brillante avoit attiré tout le peuple. Il n'y a eu cependant ni confusion, ni désordre. Les troupes du saint Père ont prévenu ces inconvéniens. Les Romains et les François, unis et confondus, se donnoient mutuellement des témoignages d'estime et de confiance. Ils oublioient tant d'années de malheurs. Les premiers ne paroissoient conserver aucun ressentiment du passé. Ils

sentoient trop bien que la France avoit été la première victime de la dernière persécution. On considéroit avec plaisir la statue antique de Louis XIV et les bustes récens de Henri IV et de Louis XVIII. Les François, par une douce illusion, se croyoient encore en France et au milieu de la capitale. La fête s'est terminée par un très-beau feu d'artifice, et par l'ascension d'un ballon éclairé qui représentoit la barque de Pierre. La joie publique étoit au comble. La fête du roi de France paroissoit vraiment un triomphe pour les Romains, et le peuple sembloit répéter ces paroles du Pape à l'ambassadeur, après l'audience: Que la France étoit heureuse d'avoir retrouvé un si bon Roi. Le dimanche dans l'octave de la saint Louis, M. de Pressigny a fait chanter dans l'église SaintLouis un Te Deum pour remercier Dieu de ses bienfaits envers la France, et surtout du retour du Roi. Il y a eu messe solennelle en musique. Les princes et princesses de la maison de Bourbon s'y sont rendus pour joindre leurs vœux et leurs actions de grâces à ceux des François, et leur présence ajoutoit un nouvel intérêt à cette fête dont ils étoient l'objet.

PARIS. Madame Louise-Adélaïde de Bourbon-Condé est arrivée récemment en cette ville. Son retour en France n'a eu aucun éclat, grâces au soin que cette pieuse princesse prend de se cacher à tous les regards. Livrée aux austérités de la vie religieuse, elle est un grand exemple du détachement des grandeurs et des richesses. C'est la seconde fois, depuis cinquante ans, que la famille royale nous offre de ces sacrifices éclatans, et mademoiselle de Condé étoit digne de suivre les traces de madame Louise de France, qui se fit Carmélite, et échangea le palais du Roi son père, pour une cellule de couvent. On sait que madame Louise-Adélaïde est fille de M. le prince de Condé, et soeur cadette de M. le duc de Bourbon. Elle naquit le 5 octobre 1757, et porta long-temps le nom de Mademoiselle. Elle devint abbesse de Remiremont en 1786. Retirée en pays étranger pendant la révolution, elle

se consacra à Dieu dans la congrégation des religieuses de l'Adoration perpétuelle du Saint-Sacrement; ordre fondé, dans le 17°. siècle, par une sainte femme, et dont le nom annonce le but. Cette consécration ne fut pas une vaine formalité. La princesse renonça entièrement au monde, observant toute l'intégrité de la règle, gardant la clôture, et ne s'occupant que de la prière et du soin d'honorer Dieu dans le sacrement de l'autel. Elle resta long-temps en Allemagne, jusqu'à l'époque où le deuil de sa famille l'engagea à se rapprocher d'un père et d'un frère frappés du coup le plus sensible. Elle passa en Angleterre pour leur offrir quelques consolations; mais elle reprit, sitôt qu'elle le put, ses exercices et l'observance entière de sa règle, ne se distinguant des religieuses que par plus de régularité. Elle vécut dans le couvent des Bénédictines de Mme. de Levis-Mirepoix, la même qui se fit connoître par son courage au commencement de la révolution, et qui passa en Angleterre avec toute sa communauté, et y observa ses voeux. A Paris, la princesse mène encore la même vie. Elle a pris un appartement dans l'hôtel de Mme. la duchesse de Bourbon, sa belle-sœur, rue de Varennes; mais elle n'y reçoit personne, et y suit, avec deux religieuses, les règles de son institut. Un pavillon séparé est pour elle comme une thébaïde, où elle n'est occupée que de la prière. On dit que S. M. se propose de faire revivre en sa faveur une fondation royale, et de l'établir avec ses soeurs dans un magnifique monastère qui seroit rendu à sa destination primitive. Déjà on regrettoit que l'église de cette abbaye eût été convertie en un usage profane, et les amis de la religion et des arts verroient avec joie ce monument réintégré dans ses honneurs. Ce seroit le purifier que d'y établir l'Adoration perpétuelle, et d'y placer un exemple éclatant de piété et de vertu dans la personne d'une princesse vouée à Dieu d'une manière spéciale.

-Le 2 de ce mois, MM. Gable, curé de Romorentin

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