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thematiciens. Il n'étoit pas rare de rencontrer de ces abbes mondains, qui, tour à tour poètes et prédicateurs, n'honoroient pas plus la chaire par l'affeterie de leur style et leurs prétentions au bel esprit, qu'ils ne servoient le goût par leurs épîtres badines et leurs vers musques.

Grâces à Dieu, les temps sont changés : le ridicule même feroit justice aujourd'hui des hommes qui s'estimeroient assez peu pour vouloir jouer de nouveau ce rôle flétrissant. On aperçoit dans le clergé, et particulièrement dans celui qui s'élève, une disposition rassurante à s'occuper des objets qui sont spécialement de son ressort. Pour peu que cet heureux mouvement soit secondé, on doit espérer que la théologie, cette science si vaste et si belle, reprendra son rang naturel à la tête des autres sciences.

Mais on ne sauroit se le dissimuler, il existe un grand obstacle à l'avancement des études ecclésiastiques, et cet obstacle c'est le défaut de livres. Il est inoui combien la révolution en a détruit. Les pères, les conciles, toutes les collections de ce genre sont devenues d'une extrême rareté, et l'on ne peut plus se les procurer qu'à un prix hors de proportion avec la fortune de la plupart de ceux à qui ces ouvrages seroient le plus utiles. Chaque jour encore le nombre en diminue, en France, par les envois qui en sont faits à l'étranger, en Espagne surtout, et en Portugal, et même en Angleterre. Bientôt il ne sera plus possible de se les procurer qu'au poids de l'or, et les ruines mêmes de la science disparoîtront parmi nous.

Pour prévenir un mal qui auroit de si fâcheuses suites, il seroit à désirer que les débris des anciennes bibliothèques publiques fussent rendus aux évêques, afin du moins qu'il y eut dans chaque diocèse un dépôt de bons ouvrages que chacun put consulter au besoin.

Déjà plusieurs réclamations de ce genre ont été faites, et on en a senti la justice; mais les ordres donnés en conséquence sont demeurés saus effet, parce que les villes refusant de se dessaisir des ouvrages complets, n'ont mis à la disposition des évêques que les livres dépareillés, et dèslors dépourvus de toute utilité.

Toutefois la mesure que nous proposons ne seroit encore qu'un remède très-insuffisant. La pénurie sera extrême jusqu'à ce qu'on rélablisse une ou plusieurs congrégations savantes, spécialement destinées, comme autrefois les Bénédictins, à donner de nouvelles éditions de ces livres précieux, que de simples libraires ne réimprimeront jamais. Nous oserons même souhaiter qu'en attendant il se forme une société qui fasse paroître par souscription, ou autrement, plusieurs ouvrages déjà tout préparés, tels par exemple, que le second volume de SaintGrégoire de Nazianze, et la suite des Conciles des Gaules. Nest-il pas honteux pour la France, que manque de quelques fonds, de pareils monumens restent ensevelis dans des bibliothèques particulières? et n'y aura-t-il que les entreprises littéraires où la religion est intéressée, qui soient arrêtées faute d'encouragement.

C'est à vous, Monsieur, qui consacrez vos talens à la défense de cette religion si abandonnée, à réveiller le zèle des chrétiens sur un objet que vous jugerez sans doute, comme nous, d'une haute impor

tance.

SUR l'état de la religion catholique dans les EtatsUnis de l'Amérique septentrionale.

CES Etats, dont l'existence politique n'est pas ancienne, et que nous avons vu de nos jours prendre de si rapides accroissemens, ont été formés, comme on sait, des débris de notre Europe, et peuplés par des émigrations successives, dues à nos troubles politiques, à nos commotions renaissantes, à nos guerres interminables, et à l'espérance de trouver l'ordre et la paix sur ces rives lointaines, et de profiter, dans ces climats vierges encore, de l'expérience de nos fautes. Plusieurs de ces nouveaux colons étoient des catholiques allemands, irlandois, françois, italiens, qui portèrent avec eux la foi dans ces contrées. Elle y comptoit déjà quelques partisans en petit nombre. Le Maryland surtout avoit des catholiques, dont les ancêtres y étoient venus avec lord Baltimore, dans le 17e. siècle. Les autres Etats en renfermoient aussi, quoique en moindre quantité. Ces catholiques étoient soignés, au spirituel, par plusieurs missionnaires, entr'autres par des Jésuites anglois. Après la paix de 1783, on sentit la nécessité de donner à ces catholiques, dont le nombre croissoit de jour en jour, une forme de gouvernement stable et permanente. L'éloignement de l'Europe demandoit qu'il y eût dans ces pays une autorité centrale à laquelle chacun fût obligé de se soumettre. On sollicita l'érection d'un siége épiscopal, et Pie VI l'accorda. Par sa bulle du 6 octobre 1789, il créa un évêché à Baltimore, et y nomma Tome II. L'Ami de la R. et du R. No. 49. `A a

Jean Carrol, ancien Jésuite, né dans ce pays même, qui y exerçoit les fonctions de missionnaire, qui y jouissoit d'une grande réputation de zèle et d'habileté, et qui avoit eu les suffrages de tous ses collègues pour l'épiscopat. Il passa en Angleterre l'année suivante, et fut sacré, le 15 août 1790, par M. Walmesley, évêque de Rama, et vicaire apostolique du district de l'ouest, prélat vertueux, zélé, savant, avec lequel M. Carrol étoit déjà lié.

Alors l'autorité du vicaire apostolique de Londres, qui auparavant gouvernoit toute l'église des EtatsUnis, cessa, et M. Carrol prit l'administration du plus vaste diocèse. La seconde année de son épiscopat, il tint un synode, dont les décrets furent confirmés par la congrégation de la Propagande. Ils rouloient sur la discipline, l'administration des sacremens, le service divin, etc. On y résolut de demander au Pape, ou la division du diocèse, ou un coadjuteur. S. S. préféra alors ce dernier parti. Léonard Neale, ancien Jésuite, homme pieux et zélé, fut fait évêque de Gortyne in partibus infidelium, et coadjuteur de Baltimore. Sous le pontificat actuel, Baltimore a été érigée en métropole, le 8 avril 1808. Ce diocèse est encore assez étendu, puisqu'il comprend tout le Maryland, une partie de la Virginie, la Géorgie et les deux Carolines. Il a plusieurs villes considérables. Baltimore, qui compte environ 44 mille habitans, dont peut-être 12 ou 15 mille catholiques; la ville fédérale, qui commence à se bâtir; Georgestown, Annapolis, Charlestown, etc. Il y a à Baltimore cinq églises, un collége érigé en université, un séminaire, et un petit séminaire placé à une vingtaine de lieues de là. Il y a à Georgestown un grand

collége, dirigé par les Jésuites, qui y ont une maison de noviciat. C'est dans le Maryland que sont situées leurs principales possessions. Il y a dans le même Etat une communauté de Carmélites qui est très-florissante. Pour se faire une idée des progrès de la religion à Baltimore, il suffit de remarquer qu'en 1790, il n'y avoit dans cette ville qu'une petite église; maintenant il y en a quatre autres. L'office divin s'y fait avec beaucoup de pompe. Le séminaire est tenu par MM. de Saint-Sulpice, dont le doyen est M. Nagot, qui y fut envoyé par M. Emery en 1791. C'est un vieillard vénérable, qui trouve encore le moyen d'être utile, et qui est fort considéré de l'archevêque. Ce prélat est lui-même en grande estime auprès des autorités du pays. Sa prudence et son habileté le font respecter des protestans, et il n'a pas peu contribué par son zèle à étendre la foi. Il a bâti une église cathédrale, et ne se sert de sa fortune que pour faire plus de bien. A ses pouvoirs comme métropolitain, le saint Siége en a ajouté de particuliers et de fort étendus; ce qui étoit assez nécessaire vu la distance des lieux, et la difficulté de recourir à Rome dans des cas pressés.

Le même bref apostolique qui érigeoit Baltimore en archevêché, a créé dans les Etats-Unis quatre diocèses, Philadelphie, New-Yorck, Boston et Beardstown. Le Pape a nommé au premier siége Michel Egan, Franciscain, natif d'Irlande, et missionnaire. 11 a été sacré à Baltimore, le 28 octobre 1810. Sa ville épiscopale est une des plus considérables des Etats-Unis, dont elle pouvoit passer autrefois pour la capitale. Elle l'est toujours de l'Etat de Pensylvanie. Elle renferme trois grandes églises catholiques,

dédiées l'une à la sainte Trinité, l'autre à la sainte Vierge, et la troisième à saint Augustin: celle-ci appartient aux religieux Augustins établis à Philadelphie. Ce diocèse, nouvellement érigé, n'a pas encore de séminaire, ni d'établissemens ecclésiastiques. Le temps et les soins d'un bon évêque mettront, à cet égard, les choses sur le pied où on doit le désirer.

New-Yorck, le second évêché créé par Pie VII, avoit eu d'abord pour évêque Luc Concanen, Dominicain irlandois, établi depuis long-temps à Rome, et qui s'y trouvoit lors de l'érection. Ayant été sacré évêque de New-Yorck par le cardinal Antonelli, préfet de la Propagande, il se disposa à partir pour son siége. Il portoit avec lui les bulles de ses collègues, et prit congé de S. S. Mais l'invasion de l'Italie vint mettre obstacle à son départ. Etant allé à Naples pour y chercher une occasion favorable, il y mourut sans pouvoir se rendre à son siége, et sans avoir vụ son troupeau. Sa perte, dans ces circonstances, a été préjudiciable aux intérêts de la religion. On a nommé administrateur du siége, pendant la vacance, Antoine Kolhman, Jésuite, curé d'une des paroisses de la ville, et que M. Concanen avoit fait son grand-vicaire. Il passe pour être pieux et capable, et il y a toute apparence qu'il sera choisi pour succéder à M. Concanen, à moins que le saint Siége ne crût devoir préférer un Irlandois; car les catholiques de ce diocèse appartiennent presque tous à cette nation, Il y a à New-Yorck deux ou trois églises catholiques. On croit que les Jésuites y ont établi un petit collége, et qu'on y a formé récemment une maison de trappistes. Ce diocèse naissant n'a pas plus de sept à huit prêtres. Les communications rétablies avec le saint

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