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fin déplorable de tant d'innocens, du supplice de nos parens, de nos amis, de nos maîtres, de tant de malheurs et de crimes qui ont fait couler le plus pur sang de la France.

Notre humain patriote trouve surtout mauvais qu'on parle de la mort de Louis XVI. Rappeler le jugement de ce Prince, c'est le mettre, lui et et ses confrères, sur les charbons ardens. Depuis quand, dit-il, des hommes établis juges par une grande nation sont-ils responsables de l'arret que leur conscience bien ou mal éclairée leur a dicté. Il n'y a que deux petites faussetés dans cette phrase. Elle insinue que les membres de la Convention avoient été établis par la nation pour juger Louis XVI; ce qui est faux. Ce n'étoit point là leur mission, et leurs pouvoirs ne portoient pas là-dessus. C'est une chose notoire. En second lieu, la phrase de M. Méhée suppose que les conventionnels ne peuvent être responsables de l'arrêt qu'ils ont porté. Mais quand ils auroient eu le droit de juger Louis XVI, il ne s'ensuit pas qu'ils eussent eu le droit de le mal juger. Depuis quand les juges prévaricateurs sont-ils absous par cela seul qu'ils sont juges? Ce seroit une doctrine fort commode pour eux; mais elle n'a pas encore été admise en morale, et l'autorité de M. Méhée et de ses camarades ne lui donnera pas apparemment force de loi. Il veut bien convenir dans sa brochure que la mort de Louis étoit injuste et impolitique; mais il se hâte d'ajouter que ce n'est là qu'une opinion, et que l'autorité nationale a décidé autrement. Ces zélés jacobins voudroient bien rendre la nation complice de leurs arrêts. Ils cherchent à impliquer toute la France dans un crime dont ils rougissent. Non, la France n'approuva pas la mort de Louis XVI. La France ne résidoit pas toute entière dans les clubs, dans les comités, et dans les autres tripols, où on applaudit à l'arrêt fatal. Ces tavernes peuplées de l'écume de la société ne nous représentoient pas tous, Dieu merci, et la masse de la nation n'étoit pas renfermée dans quelques milliers d'in

dividus égarés et furieux, ou lâches et vendus. M. Méhée prétend que deux millions d'hommes ont approuvé le jugement de Louis. L'hyperbole est aussi trop forte, et le calcul trop exagéré. Ceux qui jugèrent Louis savoient si bien que la nation ne partageoit pas leurs fureurs, qu'ils refusèrent l'appel au peuple, quoique, dans leurs principes, ils dussent soumettre cette grande question à son tribunal. Aussi ils ont beau faire, la honte de ce crime restera à ceux qui ont voulu s'en couvrir. La honte en restera à ceux qui, après plus de vingt ans, s'en font encore les apologistes, et qui, n'ayant pu se souiller immédiatement du sang innocent, veulent, en quelque sorte, participer à cette tache en l'excusant.

M. Méhée n'a même, sous acucun rapport, dégénéré de ses illustres devanciers. Comme eux, il enveloppe les rois et les prêtres dans une haine commune. On se rappelle que dans le bon temps on crioit également contre les uns et les autres. Les faiseurs de pamphlets de cette époque dénonçoient à la fois la superstition et le royalisme, et on ne manquoit guère d'accoler les fanatiques aux aristocrates dans les déclamations violentes et boursoufflées dont retentissoient les tribunes. Il ne tiendra pas à M. Méhée que cette mode ne continue. Ce digne héritier de l'esprit révolutionnaire voit les prêtres partout. Il est effrayé de leur nombre. En six mois, dit-il, on a trouvé moyen d'en fournir, nonseulement les églises, mais encore les ministères, les administrations, les bureaux, les agences, et tous les postes où il y a de l'argent à gagner et des chefs de famille à remplacer. Ce pauvre M. Méhée a un microscope qui lui grossit terriblement les objets. S'il hantoit les églises, il verroit qu'elles ne sont pas aussi fournies qu'il le pense. Quant aux administrations, aux bureaux, aux agences, c'est une imposture de prétendre qu'on a renvoyé des pères de famille pour les remplir de prêtres. Il est clair qu'on a voulu par-là rendre les prêtres odieux. Ne pouvant plus les juger sans distinc

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tion, le camarade Méhée cherche à les flétrir. Sa calomnie ne déshonorera que lui. Il se peut qu'on ait fait, dans quelques administrations, des suppressions que nécessitoit l'état des finances; mais ce n'a été pour enrichir des prêtres. On peut même prévoir qu'il y en aura moins que jamais dans les emplois civils. L'exercice de leur ministère n'étant plus sujet aux mêmes entraves, ils n'auront plus les mêmes raisons pour se tenir éloignés des fonctions propres de leur état.

Au reste, la source de ces fausses doléances n'est que trop visible. Des habitués de la révolution ne peuvent se consoler de voir dominer un autre esprit que celui dans lequel ils ont été si long-temps nourris. Ils sont piqués d'entendre parler de Dieu et de la religion. Tous les actes de l'autorité, dit Méhée, semblent émaner d'un concile ou d'un conclave. On ne nous parle plus que de solennités religieuses, de processions. Oh! cela est en vérité trop noir. M. Méhée aimeroit mieux, sans doute, entendre parler de l'apothéose de Marat et de ces fêtes si belles et si touchantes dont on souilloit alors nos églises. Il aimeroit mieux que les actes de l'autorité fussent émanés de quelque convention ou de quelque club, surtout s'il en étoit secrétaire-greffier. Oh! le bon temps où les yeux des patriotes n'étoient pas offusqués par des processions, où on ne parloit des prêtres que pour les envoyer à la mort, et de la religion que pour la blasphemer. Aujourd'hui, (quelle humiliation!) ceux qui croient en Dieu peuvent prier en paix pour leurs persécuteurs, les églises sont rouvertes à la piété, nos Princes s'honorent d'être chrétiens, et les prêtres ne sont plus obligés de se cacher. N'y a-t-il pas là de quoi rougir pour notre siècle, ou au moins de quoi gémir pour ceux qui se flattoient de nous avoir guéris de nos préjugés?

Un autre objet indigne encore M. Méhée; c'est que le Roi ait choisi des Suisses pour sa garde, et je n'en suis pas surpris. Le nom seul de cette nation brave et loyale

doit donner mal au cœur à un des héros du 10 août. Et ici notre jacobin se déploie tout entier. Il nous apprend que ce furent les Suisses qui furent cause des désastres de cette journée. On avoit ern jusqu'ici qu'elle avoit été préparée par les ennemis du trône. Ce n'étoient sûre, ment pas les Suisses qui avoient fait marcher des troupes contre le château, et qui avoient braqué le canon sur le palais du Roi. Ce n'étoient point eux qui avoient insulté ce Prince, et commencé les massacres sur ses sujets les plus fidèles. C'est un mensonge bien absurde que d'accuser des désastres de cette journée ceux qui en furent si cruellement victimes. C'est donner un démenti à l'histoire, qui a raconté la patience autant que la fidélité de ces braves étrangers. Cette fidélité n'a pas le don de plaire à M. Méhée, qui s'efforce de la tourner en ridicule. Ce qui est un peu plus ridicule, c'est la prétention de M. Méhée, qui dit sérieusement qu'au 10 août, on l'accusa lui d'être aristocrate. Oh! le trait est noir. M. Méhée aristocrate. C'est une insigne calomnie, dont il s'est trop bien purgé par toute sa conduite postérieure. Il a pu s'abstenir prudemment d'aller à l'attaque du château où il y avoit encore quelque chose à craindre. Mais aussi avec quel courage il a dirigé l'attaque des prisons où il n'y avoit qu'à frapper? On pouvoit là verser le sang des autres sans compromettre le sien. M. Méhée s'y est bien lavé de sa foiblesse, s'il en a eue.

En vérité c'est faire trop d'honneur à une pareille brochure que d'y répondre. Le jacobinisme y est empreint avec ses formes hideuses. Ces gens-là ont beau retourner leur habit; on aperçoit encore, sous les couleurs du royalisme, les haillons sanglans du sans culotte et du septembriseur. Ce sont toujours des diatribes contre les ministres, des clameurs contre le despotisme, des accusations, des dénonciations. Il n'y a pas autre chose dans cette misérable brochure. Le fond en est dégoûtant et la forme en est plate. Chacun y reconnoîtra

un clubiste qui ne peut perdre l'habitude de crier, d'invectiver, de calomnier. Nous, nous ne pouvons perdre celle de mépriser des hommes flétris. Ils sont incorrigibles dans leur manie révolutionnaire. Il est à croire que nous le serons aussi dans notre dégoût pour eux. S'ils se fussent tenus tranquilles, nous n'aurions pas cherché à les tirer de l'oubli. Mais puisqu'ils ont l'imprudence de se montrer au grand jour, il faut marquer leurs fronts du signe de l'infamie. Il faut leur inspirer une honte salutaire. Il est bon qu'ils sachent que les gens de leur espèce n'ont plus qu'à se cacher et à se taire. Les hiboux n'osent plus voler quand le soleil brille.

NOUVELLES ECCLÉSIASTIQUES.

ROME. Le mardi 27 septembre s'est tenu le premier consistoire, où S. S. a prononcé un discours fort intéressant sur les derniers événemens. Nous en donnerons le texte dans le numéro suivant.

-Mgr. Carenzi a été transféré à l'évêché de Cita della Pieve, à la place de M. Licca, qui a renoncé à ce siége. M. Basilici, archiprêtre de Nerola, qui a refusé l'évêché de Terracine, sera fait suffragant du cardinal évêque de Sabine.

M. Maggioli, évêque de Savone, qui avoit donné des preuves de son attachement au souverain Pontife, dans la dernière persécution, vient de repartir pour son diocèse, comblé des bontés de S. S. Elle lui a fait présent d'un anneau précieux, et l'a chargé en outre d'un beau calice que le saint Père donne à l'église de Notre-Dame de la Miséricorde de Savone.

On croit que S. S. partira le 4 ou le 5 octobre pour Castelgandolfe, où l'on fait des préparatifs pour sa réception.

PARIS. Le 15 octobre, il a été célébré, dans la chapelle du château des Tuileries, un service pour la reine Marie-Antoinette d'Autriche, femme de Louis XVI. Il y a vingt-un ans que cette princesse suivit le Roi son époux sur l'échafaud. Ce

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