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l'équité promettent à la France des jours plus sereins, si ses droites et salutaires intentions sont secondées par les grands corps de l'Etat et par tous les dépositaires du pouvoir.

Nous avons du plaisir à annoncer que l'état de la santé du Roi est aussi satisfaisant que possible. Non-seulement S. M. se livre à son travail accoutumé, mais elle s'est montrée plusieurs fois au peuple. Elle a paru entr'autres un instant à la revue de dimanche, et à recueilli des applaudissemens qui ont paru la toucher sensiblement.

CABINET DE TABLEAUX D'INVENTION DE M. CRUSSAIRE.

Ceux qui visitent le cabinet de M. Crussaire, reconnoissent avec une agréable surprise, que cet artiste est parvenu à obtenir, par un procédé inconnu, des effets étonnans d'ombre et de lumière.

Les journaux ont plusieurs fois annoncé avec éloge la richesse et la variété de ses tableaux, soit qu'il célèbre la magnificence des œuvres de la création et le génie de l'homme dans les sciences et dans les arts, soit qu'il retrace les grandes scènes de l'Histoire, ou qu'il se joue dans de légères compositions.

Son grand tableau de FIAT-LUX, où la lumière se dégageant des ténèbres et jaillissant du chaos, est, pour ainsi dire, un poème. La science du clair-obscur y est portée à un haut degré.

Parmi les autres tableaux de M. Crussaire, le Ravissant spectacle de la nature, le Songe de Saint-Joseph, Louis XVI, dans sa prison, la Lampe sépulcrale, la Science, les Beaux-Arts, la Vie champêtre, l'Hiver, la Tempête, le Déluge, le Brouillard, la Comète, la Restauration de la monarchie françoise sous Louis XVIII, etc. etc., fixent l'attention des François et des étrangers, en leur présentant des effets rendus d'une manière inconnue jusqu'à nos jours.

Il a reçu de S. S. le Pape Pie VII, de l'empereur de Russie et du roi de Prusse, d'honorables témoignages de la protection qu'ils accordent

aux arts.

On peut voir la riche collection de ses tableaux, tous les jours, excepté les dimanches et les fêtes, depuis midi jusqu'à quatre heures, rue Servandoni, no. 10, près Saint-Sulpice. Prix d'entrée par personne, 2 francs.

Le produit de cette exposition sera consacré à des actes de bienfai sance. L'on est prié d'affranchir les lettres.

UN Nuage noir se forme à l'horizon, ou des Signes précurseurs du Fanatisme religieux, par M. D. Brochure in-8°.

CE titre est assurément très-piquant, et cette annonce est effrayante. Ce Nuage noir forme un effet dramatique. Il nous semble voir M. D. avec sa lunette annoncer une éclipse, et nous menacer de quelque révolution pire que toutes celles que nous avons éprouvées. Cet homme fin et clairvoyant a découvert à l'horizon un point noir qui l'inquiète. Il y voit le germe d'un orage épouvantable, et le voilà aussitôt qui sonne l'épouvante et qui tire le canon d'alarme. Est-ce simplicité ou malice? J'avoue que je sais à quoi m'en tenir sur cet article.

Mais quel est dont ce M. D. qui fait ici le peureux, et qui veut nous communiquer les terreurs dont il se dit rempli? Ne sauroit-on tirer le voile sous lequel est caché, ce faiseur d'horoscope? Dans le frontispice de sa brochure il s'est contenté de mettre l'initiale D.; mais dans la page à côté, on voit un nom en toutes lettres. Il est probable qu'il y a quelque affinité entre M. D. et un M. Dubroca, qui a fait une Adresse à l'empereur Alexandre. Or, l'un de ces deux noms n'est pas tout-à-fait inconnu dans la littérature révolutionnaire. On a cru y reconnoître un vénérable Barnabite, qui, de peur de donner dans le fanatisme religieux, a laissé là son état et ses vœux, a pris fem

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et en a même, dit-on, changé. Par une suite du goût qu'il avoit pour la prédication, le même homme Tome II. L'Ami de la R. et du R. No.

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s'est fait orateur dans la théophilanthropie, et il y a prononcé des discours qui étoient fort goûtés dans ces sages et édifiantes réunions. Depuis il a publié des discours pour célébrer les louanges du feu empereur. Ainsi, à toutes les époques de la révolution, ce digne citoyen a eu le courage de se mettre avec le plus fort, et de servir le parti dominant. Transporté du même zèle, il vient aujourd'hui nous éclairer sur le danger du fanatisme religieux. Armé d'une loupe qui grossit extrêmement les objets, il a vn les signes précurseurs du mal. Cet homme judicieux, calme et désintéressé, en a été épouvanté, et veut nous faire partager ses craintes. Mais, en vérité, nous ne pouvons nous en rapporter à son jugement, qui a été troublé en cette occasion par la peur. Or, la peur, comme la foiblesse, fait dire ou faire bien des sottises. La peur aveugle. Tel qui découvre un nuage noir à l'horizon, n'aperçoit pas de très-gros nuages qui roulent encore sur sa tête. Tel qui braque sa lunette sur une sphère éloignée, se bouche les yeux pour ne pas voir un précipice dans lequel il va cheoir. C'est l'astronome qui tombe dans un puits.

Il y a véritablement des gens que l'expérience ne corrige pas, et dont la ténacité repousse toutes les leçons du passé. Depuis plus de vingt ans nous avons vu peser sur nous tous les maux qu'entraîne l'irréligion. Nous l'avons vue prendre successivement toutes les formes pour étouffer sa rivale. Les échafauds et les supplices, la prison et les fers, le bannissement et l'exil ont été tour à tour ses armes. Tout retentit encore de ses excès, tout gémit de ses ravages, tout retrace ses fureurs; et lorsque nous commençons à peine à respirer, lorsque nous ouvrons nos coeurs à

l'espérance et à la joie qu'inspire un autre ordre de choses sous le règne désiré d'un monarque religieux, voilà qu'un apôtre du temps passé feint des alarmes sur l'avenir. Il est tout épouvanté de voir que la religion va être considérée. Un si grand danger le touche vivement. Il est resté muet, quand elle étoit gémissante et proscrite. Il est resté muet, j'ai tort; M. D. n'a jamais été muet. Il a applaudi à toutes les belles choses de la révolution. Il a brillé dans les chaires des théophilanthropes. Il n'a pas réclamé alors, que je sache, contre les folies et les cruautés dont il étoit le témoin. Il a même un peu pris part aux premières. A-t-il bonne grâce aujourd'hui à faire le zélé, et à crier au feu quand l'incendie est appaisé, lui qui a dansé si long-temps à la lueur des flammes? Ìl lui convient bien de venir troubler notre paix, et empoisonner notre joie par des frayeurs indiscrètes. On diroit qu'il est tout consterné du changement mémorable qui nous a rendu le bonheur. Il veut bien nous apprendre que la fatale hypocrisie du fanatisme trompa trop souvent la piété des Bourbons. Il les exhorte instamment à ne pas faire regretter ces derniers temps où du moins les droits de la conscience étoient respectés. Si M. D. trouve que dans ces derniers temps on respectoit beaucoup les droits de la conscience, sa conscience n'est point difficile. Il a la bonté de donner à S. M. des conseils dont il est à croire qu'elle sentira tout le prix. Ces conseils sont tracés, à la vérité, d'un ton aigre-doux, qui n'a rien d'attrayant.

L'auteur a d'ailleurs de petites ruses qui ne lui réussiront pas, à ce que j'espère. Ainsi, il suppose que les gens religieux out qualifié Louis XVIII de roi jacobin. Ne lui demandez pas où il a trouvé cette ri

dicule et absurde accusation. Il n'en sait rien. C'est une fiction adroite. M. D., qui a été autrefois régent dans quelque collége, connoît les fleurs de rhétorique. Il y a contracté l'habitude de l'hyperbole, de l'invention, de quelque chose de plus même. Il aime le pathos, le jargon révolutionnaire, les images énergiques, les tournures vives, les épithètes ronflantes. Sa brochure est un feu roulant d'exclamations, d'apostrophes, d'antithèses. Toute l'artillerie de la déclamation y est mise en usage. L'emphase, l'exagération, la bouffissure, l'artifice y sont prodiguées. Mais l'auteur n'est pas toujours habile dans la disposition de ces petites ressources oratoires. Ainsi, il gourmande fréquemment le fanatisme et l'hypocrisie. Mais de bonne foi, ces mots ne réveillent plus parmi les hommes sages les idées qu'il y attache. Quand on parle aujourd'hui de fanatisme, on se rappelle aussitôt celui au nom duquel on déclara une guerre si implacable à la religion et à ses ministres, celui qui provoqua tant de mesures impies, violentes et arbitraires. M. D. n'est guère adroit de parler d'inquisition, de la Saint-Barthelemi, etc. Nous ne faisons que sortir d'une inquisition bien autrement terrible que celle qu'il peint de si noires couleurs. Nous avons vu des fournées qui ne le cédoient point à la Saint-Barthelemi. Nous en avons vu, non pas une, mais plusieurs. Nous en avons eu les détails, non par des récits plus ou moins authentiques, mais par nos propres yeux. Nous sommes un peu plus touchés, nous devons plus l'être de faits dont nous avons été témoins et victimes, que de faits anciens, et qui ont pu s'altérer en passant par tant de bouches. Il est étonnant qu'il faille rappeler à M. D. le sort déplorable de tant de ses con

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