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frères, qui n'en méritent pas moins notre estime et nos respects, quoiqu'ils ne fussent ni mariés ni théophilanthropes. Il est étonnant qu'il faille lui dire que les horreurs de notre révolution, qui ont passé celles des siècles antérieurs, ne permettent plus de rappeler hors de propos d'anciens souvenirs qui ne se lient à rien de ce que nous voyons, et que c'est être doué d'une sensibilité bien étrange que de s'appitoyer sur des désastres si reculés, tandis que l'on reste impassible sur des excès dont nous frémissons encore, sur des plaies qui saignent, sur des ruines encore fumantes, sur le sang de tant de victimes qui n'a pas eu le temps de refroidir.

M. D. tonne contre l'hypocrisie. Ce vice est odieux sans doute. Mais qui en est coupable, ou le prêtre respectable qui enseigne ce qu'il croit dans le foud de son cœur, et qui pratique ce qu'il enseigne, ou l'homme souple et complaisant qui a flotté à tout vent, qui a prêché tour à tour l'Evangile et la théopbilanthropie, qui a flatté toutes les idoles, et chanté toutes les époques de la révolution? L'hypocrite est celui qui feint des sentimens qu'il n'a pas dans le cœur, qui prêche la religion sans y croire, qui la sert et la combat tour à tour, qui écrit par métier, qui caresse tous les partis, et qui, n'ayant jamais de sentimens et d'opinions à lui, prend le masque qui convient le mieux à ses intérêts. C'est à M. D. à voir à qui cette défini→ tion ressemble.

Cet auteur en veut singulièrement à ses anciens confrères. Il les peint comme des fanatiques dont les mains cruelles et parricides agitent les torches de la discorde. Car il aime les effets dramatiques. Il intente même contre les prêtres des accusations formelles, et cite des faits

à leur charge. Il dit, page 9 de son pamphlet : Déjà nous avons entendu les accens furieux du fanatisme retentir dans les temples de la paix et de la miséricorde, et appeler le ciel au secours de la vengeance. Quoi ! vous avez entendu cela, M. D., et où, s'il vous plaît ? Vous auriez bien dû le dire, afin qu'on réprimât le coupable. Mais non, c'est encore là une figure de rhétorique. Vous ne l'avez pas entendu, d'abord, parce que vous n'allez pas au sermon; et ensuite, parce que cela ne s'est pas dit. Non, aucun prêtre n'a tenu le langage que vous lui prêtez. J'en atteste. tous ceux qui, depuis la restauration, ont assisté, dans nos églises, à des discours religieux. Ont-ils jamais ouï rien qui approchât de ce qu'on leur reproche ici? Tous les prédicateurs chrétiens, au contraire, n'ontils pas prêché l'oubli du passé, le pardon des injures, la concorde, la charité? Tous n'ont-ils pas célébré le généreux pardon d'un Roi magnanime, et les nobles dispositions de son digne successeur? Nous défions M. D. de citer aucun exemple de ces provocations haineuses dont il parle. Nous le défions, sans craindre d'être démentis. Nous ne lui donnerons point ici les épithètes qu'il mériteroit pour avoir inventé une calomnie si noire, et pour avoir voulu flétrir le clergé, dans un moment où ce corps respectable offre plus que jamais l'exemple des vertus qui conviennent à son état. Nous laisserons ici M. D., dont la partialité est trop suspecte, dont les raisons sont misérables, dont le pathos est ridicule. C'est un déserteur qui dit du mal de son régiment. Il ne sera pas cru sur parole. Abondonnons ce verbiageur emphatique, ce détracteur sournois, qui dissimule mal son chagrin de ce qui fait le bonheur public. Mais seroit-il donc vrai

qu'il y eût des gens qui craignissent l'influence du fanatisme religieux? Ils montreroient bien peu de discernement ou de bonne foi. M. D. l'a dit lui-même. La France n'est point organisée pour ce fanatisme. Nos lumières et nos institutions sont incompatibles avec ses prétentions et ses doctrines. Mais alors pourquoi a-t-il donc composé sa brochure? Non, le fanatisme religieux n'est point à craindre. C'est un vieil épou→ vantail avec lequel on ne peut faire peur qu'aux enfans. Tout le repousseroit, nos habitudes, nos mœurs, l'esprit général de la société, et celui même du corps que l'on suppose disposé à l'introduire. Ceux qui le redoutent, sont ou des gens foibles qui ont peur de leur ombre, ou des gens intéressés par leur conduite passée à craindre l'influence la plus nécessaire de la religion. Ce sont des gens qui se sont apparemment accoutumés au langage révolutionnaire, où prêtre et fanatique étoient synonymes. Nous avons vu le temps où on traitoit de fanatiques ceux qui croyoient en Dieu. Il en est resté quelque chose, et plusieurs ont de la peine à se défaire des idées et du ton qu'ils avoient adoptés à cette heureuse époque. Il faut espérer qu'ils reviendront peu à peu à des opinions plus saines, des jugemens plus justes, à des sentimens plus modérés. Ils apprécieront l'esprit de la religion, non d'après les reproches et les déclamations de ses en→ nemis, mais d'après les actions et les discours de ceux qui l'aiment et la pratiquent. Ils entendront retentir d'un bout de la France à l'autre un cri unanime de paix, de concorde et de charité. Les prêtres dans les temples, les écrivains religieux dans leurs ouvrages, les simples fidèles dans leurs conversations, tous n'ont qu'un vœu, c'est que la religion soit florissante sans

doute, mais non au détriment de la paix, dont elle sera, au contraire, le garant et le gage; c'est que l'esprit de l'Evangile, qui est un esprit d'indulgence et de modération, soit suivi; c'est que l'on oublie le passé, que l'on pardonne les injures, et que l'on suive le noble exemple d'un Roi mourant; c'est enfin, que l'on gagne les esprits par la douceur et la persuasion, et qu'au règne de l'injustice, du despotisme et de l'arbitraire, succède celui des lois, de l'équité, de la sagesse et de la bonté. Voilà notre fanatisme. Voilà l'esprit de la religion. Voilà celui du Prince vertueux et éclairé qui nous gouverne. De telles dispositions ne sont pas bien redoutables, et nous nous flattons qu'elles doivent calmer les esprits les plus peureux et les alarmistes les plus décidés. Tous les bons citoyens doivent se rallier à ces idées salutaires; et loin de semer des terreurs indiscrètes ou ridicules, concourir aux efforts d'un gouvernement sage pour amener un état de calme dont nous avons tant besoin après les agitations et les orages du passé.

NOUVELLES ECCLÉSIASTIQUES.

PARIS. Le Roi a rendu, le 10 juin, une ordonnance concernant l'acceptation des fondations, dons el legs faits aux églises, séminaires, fabriques, hospices, associations religieuses, et autres établissemens publics. En voici la teneur :

er

Art. 1°. Il n'est rien innové relativement à l'autorisation par le gouvernement, des fondations, dons et legs faits en biens immeubles aux églises, séminaires, fabriques, hospices, associations religieuses et autres établissemens publics autorisés et reconnus, et de ceux qui

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leur seront faits en argent, s'ils excèdent la somme capitale de 1000 francs, non plus qu'à celle attribuée aux préfets, de pareilles fondations, dons et legs faits à ces mêmes établissemens, quand la valeur des sommes ou effets mobiliers donnés n'excédera pas 300 fr.

Ces autorisations d'accepter seront accordées sur l'acceptation provisoire des évêques diocésains, quand il y aura charge de services religieux, et sur le rapport de notre ministre, quand elles devront émaner du gouver

nement.

2. Les dons et legs faits en argent, qui s'éleveront de 300 à 1000 francs, et ceux qui le seront en effets mobiliers, à quelque somme que puisse s'en porter la valeur, seront soumis pour l'autorisation, sur l'avis des préfets, à notre ministre, qui pourra accorder ou refuser l'autorisation.

3. Les arrêts et arrêtés d'autorisation détermineront l'emploi des sommes données, ainsi que la conservation ou la vente des effets mobiliers, d'après ce qui sera jug☛ le plus convenable aux besoins et aux intérêts des églises, et autres établissemens publics légataires, sans qu'il y ait obligation de le faire en rentes sur l'Etat.

Le ministre de l'intérieur a envoyé cette circulaire' aux évêques, avec la lettre suivante:

Monseigneur, j'ai exposé au Roi que les fondations en faveur de l'Eglise ont été consacrées par l'art. 15 du Concordat de 1801, et par l'art. 73 de la loi du 8 avril 1802, à condition qu'elles seroient faites en rentes sur l'Etat, avec l'acceptation de l'évêque diocésain, et l'autorisation du gouvernement; que postérieurement, la faculté de donner toutes sortes de biens a été accordée, et l'autorisation des sous-préfets substituée à celle du gouvernement, pour les valeurs en argent et meubles au-dessous de 300 francs. Il a plu à S. M. de déclarer, 1o. qu'il n'est rien innové relativement à son autorisation et à l'acceptation de l'évêque diocésain; 2°. que l'autorisation des préfets suffira pour les dons d'une va

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