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rions plutôt à l'esprit qui l'a dictée; mais nous croyons qu'on a eu tort de la citer comme un rescrit du SaintSiége, et comme émanée de sont autorité. On sait d'ailleurs que les Flamands, qui ne sont pas aussi souples que bien d'autres, ont exigé de ceux qui avoient reconnu l'évêque nommé à Gand, des rétractations et des réparations publiques. Tous les troubles sont appaisés aujourd'hui. Voici, au surplus, le texte de la lettre :

« J'ai examiné et pesé de nouveau tout ce qui s'est passé dans le diocèse de Gand, par rapport à l'exercice de la juridiction ordinaire; mais puisque l'état actuel des choses est devenu tel, qu'il ne paroît plus exiger une disposition spéciale du Saint-Siége, nous jugeons convenable d'imposer aux deux parties un silence perpétuel sur les contestations qui ont été élevées à ce sujet; et, en mettant fin à toute controverse sur tout ce qui a eu lieu, de nous borner, pour le présent, à recommander aux ecclésiastiques d'observer entr'eux la paix et l'union, afin d'éviter tout scandale à l'égard des fidèles, comme il convient à des ministres de l'Eglise. Plein de confiance dans la pureté de la doctrine et la vertu des respectables chanoines, je ne doute pas qu'ils ne se soumettent avec docilité à cette mesure ».

Rome, le 28 mai 1814. Signé, DOMINIQUE SALA, MADRID. S. M., interprétant son décret du 21 mai dernier, a décidé que les grains provenant des terres des ordres réguliers, et qui se trouvent dans les magasins de l'armée, ne seroient pas rendus. Elle dit, dans son décret, qu'elle espère que les religieux ne se plaindront pas d'une mesure nécessitée par les circonstances, et qu'il seront les premiers à renoncer à une partie de leurs revenus, après avoir craint si long-temps de perdre leurs fonds. Il continue d'arriver des provinces un grand nombre d'adresses des corps ecclésiastiques, qui montrent le plus grand dévouement pour le roi. Mais il est faux que les prédications des prêtres aient occasionné des émeutes à Léon et à Compostelle. L'Espagne

est tranquille. Quelque jugement que l'on puisse porter, sur les mesures que prend le gouvernement, il est vrai de dire qu'elles ont ici l'assentiment général. Il ne faut point juger des faits et de l'esprit public, ni par ce qu'en disent nos journaux, qui sont un peu exaltés dans un sens, ni par ce qu'en racontent les feuilles étrangères, qui ne sont pas toujours exactes dans un autre sens. Après une grande révolution, il est difficile de retrouver tout à coup le calme. Peu à peu les esprits prendront une assiette plus tranquille, et le zèle même se renfermera dans de justes bornes. Le roi, par un décret, du 24 juin, a prononcé que les biens et deniers du clergé seroient exempts des impositions auxquelles les cortès les avoient assujettis il y a quelques années. Mais S. M. dit en même temps qu'elle espère que le clergé s'empressera, comme par le passé, à subvenir aux besoins de l'Etat. Un évêque a sur-le-champ justifié cette confiance du Roi. Il a offert à S. M. soixante mille réaux, qui ont été acceptés. La gazette de la cour publie sa lettre en taisant son nom, comme il l'a demandé. Il se répand que l'évêque de Pampelune a refusé l'archevêché de Valence, auquel il avoit été nommé, comme nous l'avons dit. D. Escoïquiz, que Vous avez vu à Paris, et qui a été précepteur de S. M., vient de publier un exposé des motifs qui déterminèrent le Roi au voyage de Bayonne, en 1808. Ce chanoine y justifie S. M. et son conseil des reproches qu'on leur a faits à cet égard. Il entre aussi dans le détail des événemens et des négociations qui ont eu lieu à Valençay, jusqu'au retour de Ferdinand VII. Je crois bien que vous aurez incessamment cet écrit à Paris. Ce sera le complément de l'ouvrage de M. de Cevallos.

TURIN. Il vient de paroître ici un ouvrage qui a été publié, dit-on, à Bruxelles, et qui traite du rétablissement des Jésuites. Les amis de cette société célèbre se flattent de la voir renaître de ses cendres. On prétend que notre Roi est décidé à lui confier l'éducation, et on assure même qu'il a fait, à cet égard, des ouvertures au

souverain Pontife. Bien des gens répandent qu'elles seront favorablement accueillies par le saint Père, dout la manière de penser, à l'égard des Jésuites, n'est pas douteuse. Déjà sa Sainteté, par un bref du 7 mars 1801, avoit autorisé l'établissement des Jésuites en Russie. Depuis, par un autre bref, du 31 juillet 1804, eile permit aux sujets napolitains d'entrer dans cet ordre, et de s'y liver, soit à l'enseignement, soit à l'exercice du ministère. On se rappelle avec quelle ardeur il se forma, dans le royaume de Naples, des maisons de Jésuites. La révolution qui y arriva peu après, détruisit sur le continent cette œuvre naissante. Mais la société subsista en Sicile. Elle a aujourd'hui dans cette île quatre colléges, sans compter le noviciat. On dit que ces cinq établissemens comptent environ deux cents profès. Des lettres de Rome nous apprennent que le P. Angelini, procureur-général, et le P. Crassi, y sont arrivés de Palerme. Ils vont probablement solliciter quelques mesures du Saint-Siége en leur faveur. Ceux qui se prétendent bien instruits, disent que le Pape rétablira les Jésuites par une bulle pour les Etats où on voudra les recevoir. Outre les établissemens qu'ils ont déjà en Russie et en Sicile, on sait qu'ils en ont aussi en Angleterre et aux Etats-Unis. M. l'archevêque de Baltimore est Jésuite, ainsi que son coadjuteur, et il protége sa compagnie, qui a dans son diocèse un collége et un noviciat. Nous ne pouvons nous dissimuler que, sous le rapport de l'éducation surtout, la restauration des Jésuites seroit un bienfait dont on a un grand besoin dans l'état actuel de l'enseignement, qui est livré le plus souvent à des hommes avides, et quelquefois à des hommes corrompus (1).

(1) Nous donnons cet article de notre correspondant de Turin, au risque de choquer quelques personnes à qui l'ombre d'un Jésuite fait peur, et qui nous ont adressé des réclamations sur un petit mot que nous avions dit en leur faveur. Mais cette fois ce n'est pas à nous qu'elles s'en prendront. Il est visible que la lettre vient d'un pays ultramontain. (Note du Rédacteur).

NOUVELLES POLITIQUES.

Le Roi a reçu, le 29 juillet, dans la salle du Trône, étant assis et couvert, une députation de la Chambre des Pairs, qui a été conduite à l'audience de S. M. par le grand-maître, le maître et les aides des cérémonies. S. M. s'est découverte à l'arrivée et à la sortie de la députation.

M. le chancelier de France, président de cette députation, a lu l'adresse de la Chambre des Pairs, conçue en ces termes :

SIRE,

« Vos fidèles sujets composant la Chambre des Pairs de France apportent au pied du trône de V. M. leurs respectueux remercimens pour la communication qu'elle leur a fait donner de l'exposé de la situation actuelle du royaume. Ils reconnoissent, avec les ministres de V. M., que la plus grande partie des maux qui ont pesé sur la France avoient leur source dans le despotisme du dernier gouvernement, dans la passion effrénée de la guerre, dans le mépris de la constitution, des lois, des traités, des droits même de chaque citoyen; enfin dans l'abus désastreux des forces que ce gouvernement n'avoit pas créées, et de ressources qui n'étoient pas son ouvrage.

» C'est aux lumières du siècle, Sire, c'est au patriotisme des meilleurs citoyens, que la nation a dû le premier germe des bienfaits dont on a tant abusé. L'agriculture, soulagée du fardeau de la dîme et de celui des droits féodaux, la législation politiquelet civile, administrative et financière, ramenée à l'uniformité; les corporations, les villes, les provinces, faisant à la loi commune le sacrifice de leurs priviléges; l'accroissement du nombre des propriétaires, la création de nouveaux produits et de nouvelles richesses, l'accélération du mouvement de capitaux, voilà ce qu'on a vu naître au milieu des orages de la révolution. Les richesses que vingt-cinq années de calamités n'ont pu entièrement épuiser, suffisent encore pour placer la France au rang des Etats où les finances offrent le plus de ressources.

» Elles n'étoient pas détruites ces richesses au moment où s'éleva ce gouvernement dont le principal talent consistoit à placer toujours la nation dans ces positions critiques où un

effort appeloit un autre effort, où le patriotisme étoit contraint de seconder la tyrannie, où l'honneur national n'avoit à choisir qu'entre l'oppression étrangère et l'oppression domestique.

» Qu'a-t-il fait de l'autorité suprême, celui qui ne s'est pas contenté de la part qu'il avoit à la gloire nationale? De tous côtés, il va conquérir la haine, amasser des vengeances, prodiguer le sang et les trésors, et contraindre les puissances rivales à découvrir dans leur propre sein des forces qu'elles ne se connoissoient pas. Dès-lors le destin des combats est abandonné à la puissance du nombre: on voit des multitudes s'entre-choquer; les peuples tout entiers précipités les uns sur les autres; et lorsqu'enfin l'Europe desespérée conjure contre son oppresseur et le nôtre, ses ennemis l'accablent à son tour sous le poids énorme des masses qu'il leur apprit à soulever.

» A cette époque mémorable, il a été donné au monde un spectacle jusqu'à présent sans exemple dans l'histoire des nations: l'aspect, Sire, de vos longs malheurs, supportés avec tant de courage, l'opinion de vos grandes lumières, qui se sont perfectionnées dans la retraite, le respect qui suit les vertus constamment pratiquées, ont rendu les ennemis d'un gouvernement qui n'est plus, les alliés de V. M. C'est à ce titre, Sire, qu'ils ont traité avec vous; et l'on a vu V. M., encore entourée de leurs nombreuses armées, imprimer aux négociations le double caractère de la modération et de fa fermeté.

>> Vous êtes rendu à la nation, Sire, et la nation vous est rendue; qui pourroit douter désormais du salut de la patrie? Des que V. M. a saisi les rênes du gouvernement qui venoit de succomber sous l'excès de son despotisme, elle a sagement organisé les contrepoids des pouvoirs; et lorsque, consultant l'esprit des peuples, l'état actuel des sociétés, le vœu des hommes éclairés, V. M. se lie à ses sujets par une constitution dont les principes étoient déjà dans toutes les bouches et dans tous les cœurs, la nation entière se presse autour de cette chartre sacrée, et vous jure amour et fidélité. C'est dans cette chartre, Sire, qu'est votre force et la nôtre; elle rend à l'esprit public son énergie; elle réalise pour nous cette salutaire division des pouvoirs qui les modère l'un par l'autre, qui prévient les im prudences, qui pèse les mesures, et juge avec maturité les

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