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elle plus profonde, leur zèle plus actif et plus désintéressé, leurs travaux ordonnés avec plus d'ensemble. On ne voyoit point un professeur s'attacher exclusivement à un écolier riche dans l'espoir d'obtenir des avantages qui le missent à même de quitter un état dont il se dégoûtoit.

Le zèle des religieux, pour l'enseignement, étoit tellement sincère, que dans le temps où on leur reprochoit avec tant d'amertume leur paresse, leur avarice, leur inutilité, plusieurs communautés sollicitoient la faveur d'être chargées, gratuitement, de l'instruction publique. En 1780, l'abbé et les religieux de Saint-Bertin, offrirent aux Etats d'Artois de défrayer, aux dépens de l'abbaye, le collége de SaintOmer, dont ils étoient les fondateurs, et de former, du revenu actuel, des bourses pour les pauvres enfans de la province. L'ordre de Prémontrés avoit fait offre au gouvernemeui de se charger de colléges. L'abbaye de Bellelai de cet ordre, celle de la Toussaint, près de Strasbourg, avoient de très-belles institutions de ce genre, et elles étoient sur le point de multiplier.

Un avantage inappréciable de l'éducation dirigée par les religieux, c'est qu'elle est peu coûteuse: l'économie de la vie de communauté, double, triple pour eux les moyens de subsistance; c'est un fait démontré. Ils trouvent chez eux tous les élémens de leurs travaux, et ne sont pas obligés d'acheter à grands frais Les soins d'un professeur habile. Jadis une famille pouvoit, sans se ruiner, pourvoir à l'éducation de trois ou quattre enfans à la fois.

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Que devint l'instruction publique après la disper

sion des corps? Det hommes, souvent sans aptitude, fondèrent, par spéculation d'intérêt, des écoles, dont le moindre inconvénient étoit l'anarchie (1). Des maîtres légèrement choisis, rassemblés au hasard, sans lien, sans concert entr'eux, ne pouvoit inspirer à leurs élèves une émulation qu'ils n'avoient point. Les emplois subalternes étoient remplis par des individus qui venoient cacher dans ces maisons leur misère ou leur inconduite: méprisés des écoliers, ils les corrompoient souvent par le scandale de leurs mœurs.

Depuis il a été établi un corps chargé d'exercer sur l'enseignement une surveillance nécessaire. C'est à ceux qui ont examiné les résultats qu'il a obtenus, à juger si ce corps remplace avantageusement les congrégations ecclésiastiques, si la discipline y est établie sur une base solide, si elle est suffisamment religieuse s'il y a concert et harmonie entre toutes les parties de ce corps, s'il est mu par un ressort efficace, si les moyens sont dignes du but; toutes questions qu'il ne nous convient pas de résoudre. Il nous suffit d'avoir donné des idées. C'est à l'autorité à porter sur cette partie importante un regard attentif, et à adopter un plan qui concilie les intérêts de la religion et de la morale avec ceux des sciences et des lettres, et qui

(1) Ce que nous disons des maisons d'éducation ne sauroit être appliqué, sans doute, aujourd'hui à toutes celles qui, sous le titre d'écoles secondaires, sont incorporées à l'Université, et soumises à des réglemens uniformes. Il en est qui, même avant la création de l'Université, jouissoient d'une réputation justement acquise. D'estimables instituteurs ont puissamment concouru à la restauration des bonnes études dont ils avoient conservé la tradition.

assure aux générations naissantes un bienfait dont l'expérience du passé nous fait sentir davantage la nécessité.

B.

Discours et Dissertations littéraires sur différens sujets, par M. l'abbé Moussaud, professeur émérite au collége de la Rochelle, et membre de l'académie des belles-lettres de la méme ville (1).

Quoique ce Journal soit plus spécialement destiné à traiter des matières religieuses, il n'est point cependant étranger aux bonnes lettres, et son titre l'annonce. Les ecclésiastiques y étant initiés par leurs premières études, elles font le délassement de la plupart d'entr'eux, et rien n'est plus digne d'occuper leur loisir. Elles sont surtout d'une grande ressource à ceux qui habitent les campagnes. Les bons livres suppléent pour eux la société, qui souvent leur manque, et qu'ils trouvent plus difficilement encore dans le commerce de leurs confrères, aujourd'hui que la rareté des ouvriers évangéliques laisse beaucoup de paroisses veuves, et tient à une plus grande distance les unes des autres, celles qui ont le bonheur de n'être point encore dépourvues de pasteurs. Enfin la culture des lettres fait, jusqu'à un certain point, partie des devoirs ecclésiastiques, dont un des principaux est l'instruction. Il n'est pas douteux qu'un prêtre

(1) Vol. in-8°. de 397 pages; prix, 5 fr. et franc de port, 6 fr. 25 c. A Paris, chez Maradan, libraire, rue des Grands Augustins, no. 9; et au bureau du Journal,

lettré ne soit plus propre à instruire. Les pères de l'Eglise les plus distingués s'étoient rendus habiles dans les lettres, et n'avoient point négligé la lecture des bons auteurs profanes. Leurs ouvrages prouvent non-seulement qu'on peut faire un saint usage des connoissances qu'on y puise, mais encore qu'elles servent à donner aux écrits ou aux discours religieux une force de raisonnement et de persuasion qu'on n'y trouveroit pas sans elles. Ce sont, s'il est permis de s'exprimer ainsi, les vases précieux dérobés à l'Egypte, dont la riche matière a pu ensuite être employée à l'ornement du tabernacle.

Les pièces contenues dans ce recueil sont au nombre de douze. Il en est une qui, par son but moral et la manière dont M. l'abbé Moussaud a envisagé son sujet, nous a paru mériter d'être distinguée. C'est un discours sur l'idée que les écrivains doivent se former de la gloire littéraire. L'auteur entreprend d'y prouver, que sans un but utile et honnête, le talent, à quelque haut point qu'il soit porté, ne peut aspirer à la véritable gloire, ne peut espérer de l'obtenir. Point de vraie gloire, selon lui, si l'estime ne se joint pas à l'admiration qu'on excite, et point de véritable estime que celle des gens vertueux, que celle qui s'accorde à des choses honnêtes.

ne

Quelle fin doivent donc se proposer ceux qui suivent la carrière des lettres, et qui font leur occupation de l'art d'écrire? D'éclairer sans doute leurs lecteurs, de les instruire, même lorsqu'ils paroissent vouloir que les amuser, et surtout de les rendre meilleurs. Sans cela point de gloire; car, ou leurs productions sont vides d'intérêt, et quelle gloire y auroit-il à en retirer, ou elles tendent au mal, et ne

peuvent dès-lors attirer sur leurs auteurs que le blâme et le mépris. Trois objets doivent être sacrés pour quiconque écrit; la religion, les mœurs et les lois. Toute atteinte à ces trois bases fondamentales de l'édifice social, dévoue à la honte celui qui s'en rend coupable. Ainsi, l'incrédule qui sappe les vérités religieuses, soit en les attaquant de front, soit en cherchant à les rendre douteuses, soit en déversant sur elles le ridicule; l'écrivain licencieux qui souille sa plume en la consacrant au vice, qui inspire le goût de la débauche, qui propage la corruption; le politique qui prostitue la sienne aux factions, ou même. l'auteur qui ébranle les bases du gouvernement en érigeant en vérités positivos des abstractions, des nouveautés systématiques, sur l'origine des sociétés, sur les prétendues conventions tacites d'où émane le pouvoir, sur d'autres questions semblables, au moins oiseuses, quand elles ne sont point nuisibles à traiter, tous ceux-là, quelque habiles qu'ils soient, de quelques couleurs magiques qu'ils revêtent leurs écrits, n'ont aucun droit à la gloire. On admirera peut-être leur talent; mais les gens sensés gémiront sur le mauvais emploi que ces écrivains en auront

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L'auteur prouve ensuite que la seule estime véritable, celle qui contribue à la vraie gloire, ne peut être que l'estime des gens de bien. Seule elle est honorable. Qu'est-ce, en effet, que le suffrage des méchans, des gens pervers? Indignes eux-mêmes d'estime, comment pourroit-on attacher quelque prix à la leur? L'estime des gens de bien est seule réelle, parce que seule elle a un fondement solide. Seule, aussi elle est durable, parce qu'elle se fortifie avec le

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