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ractère provient d'une série d'actions volontaires, il a été fortifié par une succession d'actes du même genre, et sous ce rapport nous ne croyons pas être injustes quand dans certaines circonstances nous attachons le blâme ou l'éloge moral à la simple persuasion.

Les faits rapportés dans la Bible sont étroitement liés avec des principes moraux d'une haute importance; il est donc naturel de supposer que la manière dont ils seront, reçus et la croyance dont ils seront l'objet doivent se ressentir beaucoup du degré d'estime dans lesquels on tiendra les principes eux-mêmes. Ceux qui admettent les principes se trouveront disposés à admettre les faits, ceux qui repoussent les principes seront aussi naturellement enclins à l'incrédulité des faits; mais notre appréciation intime des principes intellectuels ou moraux n'est pas une chose indifférente: c'est là ce qui constitue le caractère, c'est sur cela que nous condamnons ou approuvons les autres, et que pour notre propre compte nous attendons la louange ou la condamnation. Notre persuasion dès lors, en matières semblables, est réellement une partie de notre caractère, elle devient un objet légitime ou de censure ou d'approbation morale. Aussi ne nous étonnons point que dans ses doctrines la Bible parle de la foi comme d'un devoir, et de l'incrédulité comme d'un acte coupable ou d'un péché.

les faits politiques, comme par exemple les complots et | d'un caractère moral déjà bien arrêté; mais alors ce caconspirations contre le gouvernement, et les différens caractères des hommes politiques qui ont occupé de hautes situations. A l'égard de la plupart des faits moraux, cette diversité de persuasion n'est pas moins remarquable. Quelques personnes paraissent presque incapables de croire aux grands exemples de générosité et de désintéressement. Comment Néron pouvait-il admettre en toute confiance une histoire comme celle de Codrus, malgré l'évidence avec laquelle cette histoire devait s'offrir à son esprit? Ses habitudes de cruauté et d'égoïsme l'avaient rendu impénétrable, pour ainsi dire, à la conviction d'un fait pareil; il était absolument hors d'état de le comprendre. Et alors même qu'on le lui eût démontré d'une manière irrésistible, il n'aurait pas cru à la noblesse des motifs qui l'avaient causé; il en eût ri comme d'un exemple de folie ou de singularité inexplicable. Nous pouvons ainsi, dans nombre de cas, prédire avec quelque confiance la manière dont le récit de certains faits sera accueilli par telles ou telles personnes; et nous-mêmes nous approuverons ou nous condamnerons la persuasion que ces faits auront obtenue, selon l'idée de blâme ou d'éloge que nous attacherons aux principes d'après lesquels se sera formée cette persuasion. Elle peut être quelquefois involontaire dans le premier moment, c'est-à-dire se trouver la conséquence inévitable sollicitude avec laquelle ceux qui reçoivent les Écritures comme la parole même de Dieu s'appliquent à rechercher la signification précise que le mot foi doit emporter avec lui. Ne nous étonnons pas non plus que tant de significations diverses y aient été attachées. Car la foi, d'un côté, et l'incrédulité, de l'autre, désignent deux situations de l'esprit qui souvent paraissent absolument involontaires, l'une étant l'admission d'une évidence irrésistible, et l'autre le rejet d'une proposition impossible à admettre. Dans l'un et l'autre cas, l'esprit humain trouve difficile à comprendre qu'il y ait une éternité de bonheur avec la foi, et une éternité de souffrance avec l'incrédulité, et que ces conséquences si opposées soient néanmoins également fondées en jus

tice.

Pour détruire la difficulté ou l'affaiblir, quelques hommes ont supposé que la foi était une expression symbolique comprenant l'ensemble du caractère régénéré ou la réunion complète des vertus humaines, et que l'incrédulité devait s'entendre de la non régénération du caractère, c'est-à-dire de l'assemblage de tous les vices opposés à ces vertus. D'autres ont pensé que la foi était l'une des deux conditions nécessaires de notre pardon, l'autre étant l'obéissance; car l'absence de l'une des deux rendrait l'autre tout à fait nulle et devrait alors nous exclure des effets de la divine faveur. Quelques-uns, s'apercevant bien que ces opinions ne pouvaient se concilier soit avec le sens général de la Bible, soit avec un grand nombre de passages dout la signification est formelle et n'admet point d'équivoque, ont parlé peu convenablement de la sainteté de Dieu et de l'obéissance que nous lui devons; ils ont fait de la foi un moyen de justification qui n'existe que par la volonté arbitraire de Dieu, et n'a aucun rapport avec la manière dont le caractère de l'homme en est affecté.

Dans le cours des observations qui suivent, je m'efforcerai de détruire ces difficultés ; je chercherai, en outre, à expliquer le rang que doit tenir la foi dans le système religieux du Christianisme, en montrant quelle est sa relation naturelle avec les facultés de l'homme, et l'influence naturelle aussi qu'elle exerce sur son caractère. (Note d'Erskine.)

Celui qui connaît à fond l'esprit et le cœur de l'homme, après avoir dit : « Quiconque croit au Fils n'est point « condamné, mais quiconque n'y croit pas est condamné « déjà,» ajoute immédiatement : « Et le motif de la «< condamnation, c'est que la lumière est venue dans le << monde, mais que les hommes ont préféré les ténèbres « à la lumière, parce que leurs actes étaient mauvais. » Dieu rapporte ainsi l'incrédulité ou la foi à la situation morale du cœur et des affections de l'homme. Cependant, quoique le péché du cœur soit la racine de toutes les erreurs, en matière de religion il importe de considérer séparément ces erreurs, afin de les bien connaître et d'y être d'avance préparé; c'est par l'aveuglement de nos esprits que les déceptions du cœur commencent et se perpétuent.

Dans la Bible, le Christianisme nous est donné comme un système complet, mais les hommes sont portés à n'en saisir que des vues partielles et bornées. La foi est jointe, dans l'Écriture-Sainte, au pardon du péché et à notre affranchissement du pouvoir de ce péché; c'est-à-dire à la justification et à la sanctification. Comme liée à la justification, elle se trouve opposée à toute idée de mérite, de vertu ou d'effort. « C'est la grâce qui fait le prix de « la foi. (Rom. IV. 16.) » Quelque hommes adoptent ce point de vue, lequel en soi est correct, mais n'embrasse pas la vérité tout entière. Unie à la sanctification, la foi << purifie le cœur, » l'échauffe du saint amour ; elle ébranle et soumet le monde, elle produit tout ce qui est excellent et digne du Ciel. Cette autre manière de considérer ce sujet, il y a des hommes qui l'adoptent si entièrement, qu'ils en perdent tout à fait de vue la précédente. De là une source abondante d'erreurs. Pour comprendre bien nettement les différentes parties d'un tout, nous devons nous instruire d'abord de la relation qu'elles

ont entre elles et de l'objet essentiel auquel ces parties dans l'acte qui nous fait croire, que dans l'objet même doivent concourir ensuite par leur réunion.

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auquel nous croyons. Ceux qui entretiennent cette idée considèrent la foi seulement comme une partie de cette obéissance sans bornes que nous devons à Dieu; ils en font vis-à-vis de lui un acte d'hommage, un abaissement de leur raison devant son autorité, et ils pensent avoir rempli leur devoir sur ce point en n'élevant aucun doute sur la sainteté de la Bible et en ne mettant rien en question de ce qu'elle renferme, quoiqu'il puisse arriver qu'ils n'en comprennent pas le sens. Il ne saurait y avoir de plus grande illusion que de penser que le mérite peut consister dans la renonciation à sa propre raison, ou que l'Etre plein d'intelligence et de bonté qui a enseigné la science à l'homme peut exiger de lui, comme un acte d'obéissance, qu'il professera sa foi en quelque chose qu'il ne comprendrait point et qu'il ne verrait aucun motif de chercher à comprendre. Deux erreurs radicales se trouvent dans ce point de vue. La première, c'est l'idée qu'on peut exercer la foi sans le concours de l'entendement, tandis qu'il est au contraire de toute évidence que, par le secours seul de l'intelligence, nous pouvons bien connaître ce que nous croyons ou ce que nous ne croyons pas. La seconde erreur est dans l'idée que le pardon céleste nous est donné comme récompense de notre foi ou de tout autre genre de mérite de notre part. Le pardon est un don volontaire fait à l'homme par l'intermédiaire et par la vertu du sacrifice de Jésus-Christ. Alors on demandera à quoi bon l'usage de la foi relati

Des deux classes que nous venons de décrire, la première a nommé l'autre celle des légalistes, ou autrement des hommes qui s'en rapportent à leurs propres actions pour trouver grâce auprès de Dieu. Peut-être cette désignation est-elle juste, ainsi que l'accusation qu'elle contient. Mais l'autre classe, à son tour, ne se doute pas que vraisemblablement elle commet la même offense. Elle est à son insu portée à croire que la foi est un prix auquel la divine faveur se peut acheter sans mélange d'autre mé-rite. L'homme qui considère la foi comme le moyen par lequel le divin témoignage qui attache le pardon au sang de l'agneau est rendu sensible à son intelligence et agit sur son cœur ensuite, cet homme ne peut voir dans la foi un devoir à remplir; elle n'est pour lui que la transmission à son âme de la lumière spirituelle qui y pénètre indépendamment de sa volonté. Celui, au contraire qui, dans cette déclaration:« Quiconque croira sera sauvé, » voit exprimée une condition arbitraire au moyen de laquelle on obtiendra le pardon, et qui ne cherche pas à connaître cette condition dans ses effets naturels sur le caractère humain, n'est que trop porté à prendre la confiance ou la foi comme un acte exclusivement méritoire. Sans doute, ce n'est pas ainsi qu'il en parlera, mais ses sentimens courent grand risque de s'engager dans cette voie. Et il n'est pas inutile de remarquer iei que ceux qui ont professé le plus hautement les notions de ce genre ont souvent dans les controverses affecté, vis-à-vement à ce pardon. La réponse est facile. Une grande vis de leurs adversaires, un mépris et un ton d'amertume bien peu convenable au caractère d'un chrétien. Ceci est en eux un indice de haute opinion personnelle, et semble annoncer qu'ils attachent plus de prix et de confiance à cette foi dont l'idée intérieure les élève, qu'au mérite de la croix du Sauveur, dont l'effet, au contraire, serait de les porter à l'humilité.

A son tour et de la même manière, la seconde de ces classes accuse l'autre de contradiction et d'antinomie, bien qu'elle-même soit exposée à un semblable reproche. Le mot de contradiction effraie; on cherche à l'éviter autant que possible, mais on se trompe fréquemment de chemin. En s'occupant du caractère convenable au Chrétien, on perd de vue la doctrine de la grâce volontaire, doctrine qui est pourtant la seule au moyen de laquelle ce caractère puisse être formé. On s'efforce de se sanctifier uniquement par son propre mérite; or, cela est impossible. L'homme ne saurait aimer Dieu, simplement parce qu'il travaille à l'aimer; il ne saurait non plus haïr le péché, seulement parce qu'il s'efforce de trouver le péché haïssable. La croyance dans la bonté de Dieu pour les pécheurs, celle dans le mal qui s'attache au péché, le tout ainsi que la croix de Jésus-Christ nous l'indique, peuvent seules accomplir ce changement au-dedans de nous. Ceux qui substituent l'effort humain à la grâce de PÉvangile prêchent l'antinomie, car ils prêchent une doctrine qui, dans la nature des choses, ne peut jamais conduire à l'accomplissement véritable de la loi.

Une autre grande source d'erreur sur ce sujet a été cette idée que l'importance de la foi consiste plutôt

partie de la punition du péché consiste dans le désordre de pensées et de sentimens qui résulte du péché luimême; il faut donc, pour être efficace, que le pardon atteigne dans l'homme les pensées et les sentimens, c'est-à-dire qu'il soit entendu et senti, ou, autrement encore, qu'il soit l'objet de la persuasion. Une cause principale d'erreur sur ce sujet doit être attribuée au langage technique dont on a fait usage en le discutant.

Les théologiens ont distingué et décrit plusieurs sortes de foi, telles que spéculative, pratique, historique, efficace et réelle. Les noms que nous pouvons donner à la foi, ainsi qu'à toute autre chose, n'importent guère, si ces noms n'obscurcissent point en nous l'idée véritable des objets auxquels ils sont attachés. Mais comme nous sommes ou devons être convaincus que les noms exercent beaucoup d'influence sur nos idées, il est nécessaire que nous nous tenions en garde contre les fausses impressions que l'usage incorrect des mots peut introduire dans notre esprit. N'est-il pas évident que la manière de parler dont il s'agit a pour effet naturel de détourner l'attention de la chose à laquelle il faut croire, pour engager cette attention dans un examen inutile de l'acte mental qui constitue la foi ? N'est-il pas exact de dire conséquemment qu'il y a plus d'anxiété parmi les hommes religieux sur le point de savoir si leur foi est bonne dans son espèce, que sur le point de savoir si elle rencontre juste dans son application aux choses? Un homme sincère et d'un entendement droit, qui n'a jamais mis en doute la divine autorité des Écritures et qui peut en raisonner pertinemment, trouve quelquefois peut-être que la con

quer. Dans quel rapport sommes-nous vis-à-vis de cet Ètre-Suprême? De quelle manière l'homme en est-il considéré? Quelle chose aime-t-il ou condamne-t-il en nous? Voilà les grandes questions en matières religieuses. Celui qui n'y trouve pas de réponse dans la doctrine de la Trinité retire certainement peu de profit de la croyance qu'il possède et dont il fait profession sur ce point.

dition de son esprit, de même que l'ensemble de sa con- | nité de Dieu, de grandes questions nous restent à expliduite, sont en désaccord avec la règle tracée dans les Écritures. Il sent qu'une erreur doit alors exister quelque part; mais au lieu de soupçonner qu'il y a, dans les erremens essentiels du Christianisme, quelque chose que jamais il n'a entièrement compris, très vraisemblablement, lui ou ses conseillers, s'il demande en effet un conseil, arriveront à conclure que sa foi est de la mauvaise sorte, qu'elle est spéculative ou historique, au lieu d'être la foi véritable et qui sauve. Naturellement, cette conclusion amène l'homme dont il s'agit, non pas à l'étude de la Bible, mais à l'investigation de ses propres sentimens ou plutôt encore de l'état et des dispositions de son esprit. Il abandonne cette vérité que Dieu nous a révélée et qu'il a bénie, comme un remède à tous les maux de notre na-occupés de cette manière, il faut nécessairement que nous ture, pour aller se perdre dans un labyrinthe de contemplations métaphysiques où aucune lumière véritable ne saurait venir l'éclairer.

Ce n'est pas un exercice aisé de notre esprit, car cet exercice ne serait pas naturel, de se contempler luimême, d'examiner ses impressions diverses et d'étudier la loi ou le mode d'après lequel ces impressions sont excitées par les objets extérieurs. Tandis que nous sommes

demeurions en grande partie étrangers à l'action des choses extérieures, lesquelles alors ne sont guère plus que des parties de cet appareil dont nous nous servons pour faire des expériences sur nos facultés propres. Sans doute, il faut que ces facultés nous affectent jusqu'à un certain

D'un bout à l'autre, la Bible est un livre pratique; et jamais, dans cette multitude de faits et d'exemples qu'elle met sous nos yeux pour notre instruction, la Bible n'ad-point, car nous observons ainsi le mode d'action qu'elles met la possibilité pour un homme d'être dans l'ignorance ou dans le doute relativement à ce qu'il croit. La Bible parle de foi, sincère en opposition avec l'apparence hypocrite de la foi; elle parle de foi morte, quand elle veut nier entièrement l'existence de toute foi. Les apôtres disent que la bienfaisance n'est pas où les beaux mots sont donnés en échange des bons offices; on peut nier de même l'existence de la foi, quand elle ne produit aucun fruit et ne s'exhale qu'en protestations vaines. Dans ce cas, la foi n'est plus; elle est réellement morte; c'est encore un cadavre que les yeux peuvent contempler, mais que l'âme et la vie n'habitent point. Le passage auquel je fais allusion ici appartient au second chapitre de saint Jacques; il y donne, verset 19, une autre définition de la foi morte qui est très importante. « Cette foi, dit-il, je l'appelle morte, parce qu'elle a rapport à un objet, « qui, considéré scul, ne peut produire aucun effet sur « nos esprits. Tu crois qu'il y a un Dieu, tu fais bien; << les démons le croient aussi et ils tremblent. »

ont sur nous; mais ce doit être un effort très secondaire de l'esprit. C'est principalement vers nos sentimens que l'attention dont nous sommes capables doit être dirigée. En effet, si je m'applique beaucoup à examiner et à décomposer la sensation de plaisir que produit en moi l'aspect des beautés de la nature, il est impossible que j'éprouve dans une grande étendue l'effet agréable de cette sensation. Je puis être environné par tout ce qu'il y a de sublime, de beau et d'aimable dans la création, et cependant demeurer insensibe, si au lieu de prêter mon attention à la scène qui est devant moi, je me livre à l'examen métaphysique des émotions que ces objets produisent dans mon esprit. Le sentiment de délices résultant de la contemplation des choses extérieures nous vient de l'aspect de ces choses, et non de notre attention à observer ou de notre habileté à connaître la manière dont nous en jouissons. Plus l'objet nous occupera complètement, plus notre sensation de plaisir sera vive et profonde; plus notre contemplation en sera éloignée ou La simple croyance dans l'unité de Dieu, quelque im- distraite, et plus nous sentirons s'affaiblir en nous l'importante que soit cette croyance quand elle se lie à d'au- pression de jouissance qu'il nous procurait. Nous ne poutres vérités, ne peut d'elle-mème rendre un homme ou vons par notre simple effort réaliser cette impression, il meilleur ou plus heureux. Quel est le sentiment, quel est lui faut la présence réelle ou imaginaire de son objet; or, l'acte qui procède en nous directement de cette croyance tandis que nous travaillons à analyser l'origine et les en l'unité, de Dieu? Jointe à d'autres choses, elle pro- progrès de la sensation, l'image de l'objet s'affaiblit, duit des effets; ainsi les démons y ajoutent l'idée de la s'efface, et avec elle la sensation elle-mème peu à peu justice vengeresse de Dieu, et alors ils tremblent, parce disparaît et s'éteint. A cet égard, nos esprits peuvent qu'ils savent qu'il n'existe aucun autre Dieu, aucune au- être comparés à des miroirs; les impressions produites tre pouvoir à qui ils puissent en appeler après lui. Les sur eux ressemblent aux images que les miroirs réflètent. Chrétiens mêlent leur foi dans l'unité de Dieu avec la Il n'y a pas d'effort de notre part qui puisse produire croyance que l'homme est aimé de Dieu, grâce aux di- une image dans un miroir sans la présence de l'objet vins mérites de la rédemption; et alors ils ont un ferme correspondant à cette image. Quand cet objet est là, espoir, parce qu'ils savent qu'aucun pouvoir ne saurait nous voyons l'image paraître; elle s'évanouit quand le les arracher aux mains du Très-Haut. Mais la croyance même objet est retiré. Si, par un examen trop minutieux abstraite qu'il existe un Dieu ne conduit réellement à et trop rapproché de l'image, il arrive que nous nous rien; c'est la croyance où nous sommes du caractère mo- interposions entre elle et le miroir, au lieu de cette image ral de la Divinité qui seule peut exercer de l'influence que nous nous attendions à voir, c'est notre propre fisur nos caractères. Après voir appris la doctrine de l'u-gure qui seule frappera nos yeux. Je prie le lecteur

de se souvenir que les observations faites ici n'ont aucun rapport avec le devoir chétien de s'examiner soi-même. Celui-ci se rapporte à la situation du cœur humain, et non pas, comme l'autre, à la philosophie de l'esprit.

La science de l'entendement exige ce travail de réflexion interne, parce que son objet est d'étudier et de découvrir les lois qui agissent sur notre esprit, ou celles d'après lesquelles notre esprit agit lui-même. Mais le Christianisme ne requiert aucun acte de ce genre: son objet n'est pas de découvrir les lois d'après lesquelles se forment les impressions de notre esprit, mais de former immédiatement ces impressions, en présentant à l'esprit les objets appropriés et destinés à cette fin par celui qui a créé l'esprit humain et en a déterminé les lois. Ce n'est point pour l'exercice et le raffinement de nos facultés que les vérités religieuses nous ont été révélées. Nous n'avons pas à examiner jusqu'à quel point elles sont propres à faire impression sur l'esprit, il suffit que le nôtre soit réellement pénétré des caractères de bonheur et de sainteté qu'il doit y trouver. Ce sont ces caractères qui font l'objet de l'examen de soi-même recommandé au Chrétien, et ils se rencontreront partout dans les préceptes de la loi divine. Aimons-nous Dieu et notre prochain, et donnons-nous des preuves de la sincérité de cet amour par des actions correspondantes à son objet, alors le procédé diffère de celui auquel maintenant je fais allusion. Tout | ce que je veux indiquer, c'est la folie d'entreprendre ou d'espérer de produire aucune impression sur nos esprits, par le simple effort de la volonté, au lieu de les mettre en contact avec les objets que Dieu nous a fait connaître dans l'Évangile, comme les moyens propres à opérer ces impressions. J'ai en vue surtout de prémunir contre les espèces particulières de cette erreur générale qui consiste à examiner avec plus de soin comment nous croyons ce que nous croyons.

De cette habitude métaphysique de considérer son propre esprit, et de faire attention plutôt à la manière dont il est affecté qu'aux objets eux-mêmes qui y produisent cette impression, résulte cette division de la foi en plusieurs genres différens, et voilà comment les sentimens de l'homme se sont substitués à la parole si claire et si précise de la révélation.

Une foi véritable ne se rapporte pas essentiellement à la manière de croire, elle s'adresse surtout à l'objet auquel on croit. La foi signifie notre croyance en une chose vraie. De même une mémoire correcte ne s'entend pas du procédé par lequel son impression est faite en nous, mais bien de la représentation fidèle qu'elle y éveille du fait dont nous nous ressouvenons. On doit entendre par mémoire le souvenir d'une chose telle qu'elle est arrivée. Quand nous avons entendu quelqu'un rapporter inexactement n'importe qu'elle histoire dont nous avons eu connaissance, nous disons: Cette personne a une mauvaise mémoire. Par là, nous entendons qu'elle se ressouvient mal de ce qui est arrivé. Le moyen de corriger la mémoire n'est pas de travailler sur la faculté elle-mème indépendamment de son objet, mais d'apporter à la poursuite de cet objet une attention plus minutieuse et plus soutenue. Et ceci est en même temps le moyen le plus sûr, le seul

même, de corriger ou rectifier la foi. Si un homme, en s'efforçant de se rappeler quelque circonstance qui lui est échappée, dirige son attention plutôt vers l'acte qu'opère sa mémoire que vers la chose même dont il veut se ressouvenir, indubitablement il échouera dans sa tentative. De la même manière, s'il cherche à accorder sa croyance, n'importe à quel objet, rien n'est plus propre à le traverser dans ce dessein que de porter son attention sur l'acte mental qui constitue la foi, au lieu de considérer la chose même qui doit être crue, ainsi que les témoignages sur lesquels se fonde son authenticité.

Mais, dira-t-on, n'existe-t-il pas une manière bonne ou mauvaise de croire ce qui est vrai? Les vérités les plus importantes ne sont-elles pas admises souvent, sans néanmoins produire sur le caractère de l'homme l'effet le plus léger? Ne trouvons-nous pas quelquefois des hommes disposés à faire même le sacrifice de leur vie à la vérité d'une doctrine qui n'a jamais influencé un seul sentiment de leurs cœurs? Choisissons deux personnes de notre connaissance, interrogcons-les séparément sur leur croyance religieuse, parlons-leur de Dieu, de l'éternité, des devoirs qu'elles ont à remplir, des es pérances qu'elles forment; en substance, leurs réponses seront les mêmes, et néanmoins la conduite qu'elles tiennent dans le monde se trouvera diamétralement opposée: la conduite d'une de ces personnes sera en harmonie avec la croyance qu'elle professe, tandis que chez l'autre le même rapport n'existera pas. Toutes deux sont incapables de mensonge; elles ne cherchent point à vous tromper: expliquez donc cette différence. Ne vient-elle pas de ce qu'il y a une bonne et une mauvaise manière de croire à la vérité d'une même chose?

Certainement, l'objection ainsi posée paraît grave, mais je la crois susceptible d'une bonne solution. Quoique deux personnes emploient le même langage et nous semblent croire aux mêmes choses, en réalité, cependant, elles différent beaucoup sur le sujet auquel s'attache la croyance. Ceci, au reste, a besoin d'ètre expliqué avec plus d'étendue. Nous sommes si accoutumés à nous contenter des idées vagues en matière de religion, que facilement nous nous trompons à l'air de ressemblance qu'ont entre elles les notions qui nous sont fournies à cet égard; et le mot foi a été tellement retiré de l'usage général, pour ne s'appliquer plus qu'aux choses religieuses, qu'il a perdu beaucoup de l'acception réelle qu'il devrait avoir. Avoir foi en une chose, croire à une chose, admettre comme vraie une chose, sont des manières de parler qui nous offrent le mème sens et n'ont qu'une signification commune. On ne peut dire correctement, en parlant d'un homme, qu'il croit à une chose s'adressant à son intelligence, si en effet cet homme ne la comprend pas.

Supposons un Chinois hors d'état de parler un autre langage que le sien propre, supposons-le amené comme témoin devant un jury anglais. Il a fourni des certificats et des attestations qui placent au-dessus du soupçon sa véracité et sa bonne foi: aucun doute ne peut s'élever contre lui; mais il fait sa déposition dans son langage à lui. Je demande si aucun juré pourra y croire. Certaine

ment non, la chose est tout à fait impossible: personne | prouvé le sens, mais ils l'ont interprété à leur façon, et

n'a entendu un mot de ce qu'il a prononcé. Si, durant le cours de cette déposition, on demandait aux jurés s'ils croient ou non ce qu'on leur dit, la question ne les ferait-elle pas sourire? Eh bien! ils savent qu'on leur dit la vérité. Ils sont convaincus, parce qu'ils le comprennent, que le témoin est un honnête homme; et ceci, ils le croient, mais leur croyance ne peut pas s'étendre plus loin. On fait venir un interprète, la déposition est traduite alors le jury la comprend, et sa croyance s'attache aussitôt à l'intelligence qui vient de lui être donnée. Si l'un des jurés avait entendu le chinois, la différence entre sa conviction et celle des autres aurait eu exactement pour mesure la différence de compréhension qui se trouvait dans leurs esprits. Tous entendaient les mêmes sons, voyaient les mêmes gestes, mais il n'y en avait qu'un seul parmi eux à qui ces symboles apportassent un sens déterminé. Ce sens néanmoins était la chose importante à croire; les preuves de l'intégrité du témoin n'a- | vaient de valeur que relativement à l'autorité qu'en recevait sa déposition,

non de la manière qu'avait entendue le correspondant. Ce serait incontestablement une absurdité que cette proposition: « On peut croire à un sens qu'on n'a pas com« pris. » Rien de ce qui est susceptible d'un sens ne peut être l'objet d'une foi complète, tant que ce sens n'a pas été entendu. Aussi, quand nous voyons faire ou dire une chose dont nous ne saisissons pas le sens, nous disons: Je ne comprends pas cela. Cependant nous sommes sûrs que le mot a été dit, que l'action a été accomplie; il n'y a que l'idée contenue dans le mot ou l'action qui nous échappe. Mais alors pouvons-nous accorder la moindre foi à cette idée? N'est-il pas évident que, dans tous les cas de ce genre, l'entendement est absolument nécessaire à la crédibilité ?

Je ne m'adresse pas directement ici à ceux qui, en matière de religion, se trouvent dans la situation du premier marchand, c'est-à-dire qui ne reconnaissent pas la Bible comme la parole inspirée par Dieu lui-même; ce pendant je les prie d'accorder une considération attentive et sincère à l'argument que j'ai mis sous leurs yeux. A Prenons si l'on veut un autre exemple. Plusieurs mar- l'égard du second marchand, en matière religieuse, il chands ont reçu d'un correspondant éloigné des lettres ne saurait exister de pareil cas au sien. Aucun homme ne qui leur recommandent de tenir certaine conduite dans peut croire que la Bible a été dictée par Dieu lui-même, leur commerce, en vue d'éviter une perte considérable et déclarer ensuite ouvertement qu'il ne croit pas ce que qui les menace, et de s'assurer au contraire un gros pro- la Bible contient. Mais qu'ils sont nombreux les Chréfit. Cet avis est accompagné des renseignemens et des tiens, Chrétiens de nom et de forme seulement, qui se motifs sur lesquels il est fondé. La spéculation exige une trouvent dans des situations analogues à celles des jurés grande hardiesse et la confiance la plus implicite dans la dont il a été question plus haut, aussi bien qu'à celles recommandation ainsi transmise. Un des marchands, en du second et du troisième marchand! Pourtant la plupart lisant cette lettre, ne peut croire qu'elle soit en effet de d'entre eux tomberont dans la surprise et se sentiront la main de son correspondant; il déclare donc qu'elle blessés, si leur foi de Chrétien est mise en doute, quoiest supposée ou fausse, et il la jette dans le feu. que évidemment ils n'attachent pas plus de sens aux Un autre connait trop bien l'écriture de son correspon- mots : Éternité, jugement, justification, par la foi dant pour douter que la lettre vienne de lui; mais il en Jésus-Christ, que les jurés du premier cas n'en n'ajoute pas foi à ce que contient la lettre, et conséquem-attachaient aux termes de la langue chinoise. De tels ment ne croit point devoir agir d'après les instructions hommes peuvent-ils s'appeler croyans? N'y en a-t-il qu'on lui donne. Un troisième ne voit, dans la même pas d'autres qui sont en état de parler d'une manière lettre, qu'une manière spéculative de considérer les af- logique et orthodoxe sur les doctrines évangéliques, et faires en géuéral; il n'en fait point application au cas qui néanmoins ne comprennent pas l'urgence de l'appliparticulier où il se trouve; il n'y voit pas l'appel qu'on cation de ces doctrines au bénéfice de leurs propres fait à une action immédiate de sa part, et dès lors l'in- âmes? Ceux-là bien certainement ne croient pas au sens fluence de la lettre est sur lui entièrement nulle. Un véritable de l'Évangile. N'en trouvons-nous pas encore quatrième reconnaîtra la signature de la lettre et la jus- qui, se méprenant d'un bout à l'autre sur l'esprit et l'in tesse des renseignemens qu'elle contient; mais il ne la tention de la Bible, y découvrent ce qui n'y est pas, lira qu'avec négligence, prendra une idée fausse du plan c'est-à-dire un système ou mode de justification dans de conduite qui lui est recommandé, et, avec cette igno- lequel l'homme accomplit seulement une partie ou une rance plus ou moins complète de la marche tracée par le autre à défaut du tout, ou bien qui n'y voient qu'une correspondant, ne profitera guère mieux que les autres énumération ou description de devoirs, par l'accomplis des bénéfices de l'opération. Maintenant il est clair sement desquels l'homme peut se recommander à la qu'aucun de ces quatre individus n'a ajouté foi à l'infor- faveur de Dieu? Ceux qui professent de semblables mation donnée par le correspondant. Leur incrédulité a croyances ont foi en leur propre et vaine imagination, été de différentes sortes; mais de tous les côtés le résul- ils n'ont pas foi dans l'Évangile. tat a été le même. Une lettre n'est qu'un moyen de transmettre le sens ou l'idée ; quand on ne croit pas au sens, on ne croit pas non plus à la lettre qui le contient. Les deux premiers marchands ont compris ce sens, mais ils l'ont rejeté ouvertement et de propos délibéré, après en avoir pu apprécier le mérite; les deux autres ont ap

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Un homme sincère dans sa croyance est bien certainement exempté du reproche de déception et d'hypocrisie; mais sa sincérité, sa droiture ne rendra pas bon ce qui est mauvais, elle ne fera pas changer le sens véritable de la Bible, elle n'altérera pas la volonté de Dieu. « Comprends-tu bien ce que tu lis?» fut la question que Philippe

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