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présentèrent à signer une lettre par laquelle ils demandaient que Louis XVI fût condamné à mort. M. Grégoire déclara « qu'il ne signerait pas cette con» damnation, 1°. parce qu'étant évêque, il ne croyait » pas pouvoir prononcer cette peine; 2°. parce que, » d'ailleurs, ayant demandé, le 15 novembre 1792, précisément à l'occasion du jugement de Louis XVI, >> l'abolition de la peine de mort, et que le roi fût le premier à profiter du bénéfice de cette loi, ce serait » se mettre en contradiction avec lui-même. » Ainsi, d'après la lettre originale et officielle de M. Grégoire, déposée aux archives du royaume, il serait incontestablement avéré que M. Grégoire n'a pas voté la mort de Louis XVI.

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Sans entendre approuver les opinions politiques de M. Grégoire, en quoi qu'elles aient consisté, et puissent consister aujourd'hui, nous dirons que les sciences et la philanthropie sont également redevables à cet ex-député (constituant et conventionnel), et que les travaux de sa vie entière ont été consacrés au bonheur de ses semblables. Nous profiterons également ici des renseignemens que MM. Lanjuinais et Boissy-d'Anglas ont bien voulu nous accorder au commencement de cette année (1824), sur la conduite politique de l'exdirecteur Gohier. Plusieurs actes du ministre semblent lui mériter l'estime publique; en voici de très-honorables.

Un décret de la convention prononçait la peine de mort contre tout ministre qui retarderait l'envoi des décrets. En juillet 1793, la convention met hors la loi les administrateurs de la ville de Nantes et le général commandant l'armée de l'ouest; le décret est porté au ministre (Gohier), chargé de l'envoyer par un courrier extraordinaire; le courrier attend dans l'antichambre du ministre; Gohier le renvoie et se

rend, le décret à la main, au comité de salut public, lui déclarant qu'il n'expédiera pas le décret, et qu'il en demande le rapport : il présente sa tête au comité, reconnaissant qu'il a sciemment violé la loi. Le décret est rapporté le lendemain,

Un décret de la commission d'Orange demande au ministre Gohier la translation de M. Portális (depuis ministre des cultes); la tête de cet homme si estimable tombait sous le fer de la guillotine, si le ministre de la justice eût exécuté le décret de la commission. Gohier antidate un ordre de, translation dans une maison de santé, et arrache ainsi Portalis à la fureur du tribunal de sang.

La ville de Rennes adresse au ministre de la justice une protestation contre le décret de la convention qui établit, à Paris, un tribunal extraordinaire pour juger toutes les conspirations, dans quelque département qu'elles fussent tramées. Gohier se rend au comité de sûreté générale, déclare que tous les signataires de la protestation lui sont connus pour les plus ardens amis de la liberté; que cette protestation (machination dé royalistes contre-révolutionnaires qui ont commis des faux dans la signature des noms, dans l'espérance d'exciter de grands troubles dans la ville et le département) n'est point l'ouvrage des signataires dont elle porte les noms, et qu'il mettra leur réponse sous les yeux du comité; le comité suspend d'abord, et révoque ensuite l'ordre d'arrêter les signataires, ordre qui avait déjà été expédié. Gohier sauve ainsi les jours d'un grand nombre de citoyens, les plus recommandables de Rennes.

Un autre fait, vu son importance historique, ne doit pas être passé sous silence: Carrier, non content d'avoir signalé sa férocité par les noyades, les ma

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riages républicains, envoie cent trente-deux Nantais au tribunal révolutionnaire. Le ministre Gohier se rend au comité de salut public, lui prouve qu'il n'existe ancune pièce, aucune charge contre ces accusés, et obtient, à force de courage, un arrêté qui défend de les traduire en jugement avant l'arrivée des pièces, qui n'arrivèrent point, grâce au ministre de la justice. Lors du jugement de Fouquier-Tinville, ce monstre ayant appelé l'ex-ministre (Gohier) en témoignage, et voulant se prévaloir des personnes qu'il avait sauvées en retardant, à la sollicitation de Gohier, leur mise en jugement, fournit des armes contre lui-même. « Les hommes sauvés ainsi ne prouvent que l'huma» nité du ministre (lui dit le président). Puisque vous » avez pu déférer à ses diverses réclamations, vous » n'étiez donc pas, comme vous le prétendez, l'instru» ment forcé des conseils, des comités; vous pouviez » soustraire à la fureur de votre tribunal qui bon vous >> semblait; vous étiez donc libre dans l'exercice de vos épouvantables fonctions. » Gohier ne fut certainement pas un grand homme d'état; mais il se montra toujours excellent citoyen et homme vertueux. Parmi l'immense quantité de personnes qui ont été employées dans les affaires publiques, Gohier est de l'infiniment petit nombre de celles qui se sont retirées pauvres, c'est-à-dire, qui n'ont volé, ni l'état, ni les particuliers; de 1789 à 1814, la pauvreté fait l'éloge d'un ministre, d'un fonctionnaire public; les Turcaret, les Terray, les Laubardemont et les Calonnes de la restauration, le prouvent d'une manière funeste pour la France!!!

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M. Ravez est nommé président de la chambre des députés. Fils d'un marchand de parapluies de Lyon, il s'échappa de cette ville pendant le siége, et vint

à Bordeaux, où il exerça la profession d'avocat : il ne remplit aucune fonction sous le gouvernement impérial; et lorsque Cambacérès vint présider les élections de la Gironde, M. Ravez refusa (dit-on) les offres qui lui furent faites par l'archi-chancelier de l'empire; cette conduite mérita à M. Ravez les faveurs du gouvernement royal. Élevé à la présidence de la chambre des députés, cet avocat se montrera dévoué au pouvoir ministériel.

Le maréchal prince d'Eckmulh, Davoust, meurt. 8 décemb. Ce général a déployé, dans sa carrière militaire, une activité, des talens, mais surtout une bravoure remarquables. Son ingratitude personnelle envers Napoléon, qui l'avait élevé au plus haut degré de faveur et de fortune, fut signalée par des procédés qui ternissent la gloire du maréchal : son caractère était dur, violent et éminemment despotique; il aimait, outre mesure, l'argent et le pouvoir; il avait le ton, et souvent la morgue d'un ancien grand seigneur de Versailles, quoique né dans une médiocre condition; sa vanité était extrême; mais, comment le trouverait-on mauvais, lorsqu'un de ses aides de camp, du nom de Montmorency, se résignait de bonne grâce à suivre la maréchale princesse d'Eckmuhl (fille d'un marchand de laine et de farine de Pontoise), portant à la main le sac et, sous le bras, le schall de la princesse ? Le maréchal Davoust n'admettait qu'accidentellement à sa table ses aides de camp; il jouissait, dans toute leur plénitude, de ses titres honorifiques : au reste, il passait pour homme probe, quoique très-intéressé. Sa conduite en 1815 a fait grand tort à sa réputation; l'histoire dira, un jour, combien cette conduite fut déloyale.

La nouvelle chapelle annexée à l'infirmerie de 8 décemb

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Marie-Thérèse, nouvellement établie dans le faubourg Saint-Jacques, est bénie. Ce bel établissement religieux et philanthropique est dû à la bienfaisance et aux libéralités de Madame, duchesse d'Angoulême : cette auguste princesse se montre la digne fille de Marie-Antoinette, de cette souveraine si infortunée, dont la grande âme, toujours ouverte en faveur des malheureux, avait fondé le bel établissement de la Charité Maternelle! Madame la vicomtesse de Châteaubriand était digne de seconder les augustes inspirations de la petite-fille de Marie-Thérèse; elle acquiert des droits à la reconnaissance des Français : son nom mérite d'être honoré; il est déjà illustré par les talens littéraires de M. de Châteaubriand, et par les services que cet écrivain a rendus à la cause royale, quoique l'excès de son zèle ait quelquefois égaré sa plume et ses doctrines politiques.

Le comte Serrurier, pair et maréchal de France, meurt à l'âge de soixante-dix-sept ans, après soixantecinq années de service militaire. Capitaine dans le régiment de Beauce en 1789, Serrurier fut promu, en 1793, au grade de général de brigade, et à celui de général de division en 1795. Il fit toutes les campagnes d'Italie, se distingua par sa bravoure et ses talens militaires, et fut l'un des plus illustres généraux de la révolution. Fidèle à sa patrie, homme de bien et excellent citoyen, le maréchal Serrurier mérita et obtint, au plus haut degré, l'estime nationale. Napoléon s'était honoré lui-même, en décernant à ce glorieux et si respectable vétéran des armées françaises, le titre et les fonctions de gouverneur de l'Hôtel des Invalides (1804).

FIN DU HUITIÈME VOLUME.

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