Page images
PDF
EPUB

depuis cette compilation, ils aient produit, en corps de religion, aucune nouvelle décision de foi. Mais, jusque dans cette compilation, la communion luthérienne se montre invariablement fidèle à son habitude de variation; et Bossuet démontre clairement que le livre de la Concorde consacre le semi-pélagianisme en dépit de la doctrine atrabilaire de Luther.

IV. Variations des calvinistes..

Si les luthériens n'ont cessé de varier dans leurs confessions de foi, les disciples de Calvin, quoique un peu plus fermes dans leurs principes, ont souvent paru chancelants et indécis dans la manière de les exposer.

Calvin avoit commencé, par la disposition de son caractère naturellement sombre et dur, à renforcer tout ce qu'il y avoit de plus dur dans la doctrine de Luther sur le libre arbitre et la justification. Il raisonnoit peut-être plus conséquemment que Luther; mais les conséquences qui résultoient de ses principes étoient outrageantes pour la bonté et la justice de Dieu, décourageantes pour la foiblesse humaine, -propres à retenir les hommes dans le crime par la certitude de ne pouvoir jamais en sortir. Ces conséquences n'effrayoient point Calvin; et il jouissoit avec une espèce de complaisance des jugements impitoyables qu'il prononçoit contre la presque universalité du genre humain.

et

Mais sur l'article de l'eucharistie, il montra un peu plus de souplesse. Le grand nom de Luther lui en imposoit encore. Il ne vouloit pas d'abord proscrire ouvertement la présence réelle, pour laquelle Luther combattit jusqu'au dernier soupir; et quoique zuinglien dans le cœur, il affecta au commencement de garder une espèce de neutralité entre Luther et Zuingle accorda à Luther des expressions qui supposoient clairement la présence réelle, et il détruisoit la signification naturelle de ces expressions par des commentaires qui réduisoient la présence réelle au sens figurésy Jior ou no .ompilasitus aulq 90 27

.bid=117 vil, anoituito 4 zab ovjolzin
.II

1

Fier de ses succès et de sa réputation naissante, il devint bientôt plus hardi. Il v y avoit quinze ans que les disciples de Luther et de Zuingle disputoient sur la présence réelle, sans avoir jamais pu convenir d'un sentiment uniforme, malgré tous les expédients que l'esprit versatile de Bucer avoit pu imaginer. L'étonnement fut général, lorsqu'en 1540 on vit Calvin, encore assez jeune, décider qu'ils ne s'étoient point entendus, et que les chefs des deux partis avoient tort. Luther, pour avoir trop pressé la présence corporelle, et Zuingle, pour n'avoir pas assez exprimé que le corps et le sang étaient joints aux signes.

Il est difficile d'expliquer si Calvin s'entendoit bien lui-même, et comment deux propositions aussi directement contradictoires que la présence réelle et la présence figurée pouvoient être toutes les deux fausses et toutes les deux vraies.

Personne n'a employé des expressions plus fortes que Calvin pour établir la présence réelle; et personne n'a plus cherché à l'affoiblir par des paroles confuses et inintelligibles qui la détruisoient entièrement.

Malgré son caractère impérieux et absolu, Calvin porta si loin les ménagements pour les luthériens, qu'il affecta longtemps d'approuver purement et simplement la Confession d'Augsbourg, dont l'article X consacróit formellement la présence réelle. Il est vrai que ces ménagements étoient commandés par des considérations politiques de la plus grande force. L'ombre de Luther, auteur de toute la réforme, régnoit encore en Allemagne; la crainte d'offenser l'Allemagne, où la seule Confession d'Augsbourg étoit tolérée par les états de l'Empire; l'autorité que cette confession conservoit hors même de l'Allemagne, déterminèrent Calvin et ses premiers disciples à garder un respect apparent pour elle; mais il savoit se dédommager de ce respect forcé dans ses correspondances particulières, où il s'expliquoit librement à ses confidents et à ses amis.

Aussi les disciples de Calvin, embarrassés de concilier toutes les expressions contradictoires de leur maître, ont abandonné depuis longtemps son langage sur l'eucharistie, et sont revenus tout simplement au sens figuré de Zuingle. C'est ce qui parut sensiblement au colloque de Poissy, en 1561, lorsque, forcés de s'expliquer sur la Confession d'Augsbourg, ils en rejetèrent formellement l'article X sur la présence réelle.

Ce n'est pas que quatre ans auparavant, en 1557, les calvinistes françois n'eussent envoyé en Allemagne leur adhésion pure et simple à la Confession d'Augs– bourg et même à l'article X. Mais ils avoient alors besoin de l'intervention des puissances étrangères, pour fléchir Henri II, qui déployoit contre eux une rigueur extrême.

Par une autre contradiction, on avoit vu Calvin, en 1554, négocier entre Genève et Zurich un accord, ой il avoit sacrifié les expressions si fortes qu'il avoit consacrées à la présence réelle du temps de Luther. Mais en 1554, Luther n'existoit plus; et il importoit à Calvin d'assurer à la ville de Genève, où il exerçoit une domination absolue, la protection des cantons suisses séparés de l'Eglise romaine.

On seroit souvent embarrassé d'expliquer des variations si brusques sur des points de doctrine, si on ne trouvoit pas dans l'histoire du temps et dans les événements politiques qui agitoient alors l'Europe, les véritables causes de tant de contradictions et de toutes ces négociations frauduleuses.

La plus étrange de toutes les transactions du même genre fut celle qui eut lieu en 1571 entre les luthériens, les zuingliens et les Bohémiens à Sendomir en Pologne. Calvin avoit extrêmement blâmé la profession de foi que les Bohémiens réfugiés en Pologne lui avoient adressée; il en censuroit l'ambiguïté, et déclaroit qu'on ne pouvoit y souscrire, sans ouvrir la porte à la dissension ou à l'erreur. Mais après sa mort on se montra bien moins difficile; et les députés des trois

communions souscrivirent à la fois à Sendomir 1 «< la >> confession helvétique, la bohémique et la saxonique, » la présence réelle et la présence figurée, c'est-à-dire >> les deux doctrines contraires, avec les équivoques qui >> les flattoient toutes deux. On ajouta tout ce qu'on vou>> lut aux paroles de Jésus-Christ; et en même temps on >> approuva la confession de foi, où l'on posoit pour >> maxime qu'il n'y falloit rien ajouter; tout passa, et >> par ce moyen on fit la paix. »

Mais le spectacle le plus extraordinaire que donna le calvinisme, ce fut au synode de Dordrect en 16182. Là fut renversé, à la face de toute l'Europe, dans l'assemblée la plus nombreuse et la plus solennelle qui ait réuni la presque universalité des églises de Calvin, le principe fondamental de toutes les églises réformées.

Elles avoient toutes refusé de se soumettre aux décrets du concile de Trente, sous prétexte que le pape et les évêques y étoient juges et parties.

Les arminiens, cités au synode de Dordrect, ne manquèernt pas de lui opposer mot pour mot les reproches et les raisonnements que les luthériens avoient allégués au concile de Trente. Le synode de Dordrect, composé dans sa totalité des adversaires des arminiens, déclara que leurs propositions étoient insolentes; et que la récusation qu'ils faisoient de tout le synode étoit injurieuse, non-seulement au synode même, mais encore à la suprême autorité des états généraux, dont les commissaires, présents à l'assemblée, en dirigeoient les délibérations au gré des volontés du prince d'Orange.

Alors les arminiens protestèrent contre le synode, qui délibéra sur cette protestation3; « et comme les >> raisons qu'ils alléguoient, étoient les mêmes dont les >> protestants s'étoient servis pour éluder l'autorité des >> évêques catholiques, les réponses qu'on leur fit » étoient les mêmes que les catholiques avoient em1 Histoire des Variations, liv. XI.-2 Ibid., liv. XIV, 1 Histoire des Variations, liv. XIV,

»ployées contre les protestants. On leur disoit que ce n'avoit jamais été la coutume de l'Eglise de priver >> les pasteurs du droit de suffrage contre les erreurs, » pour s'y être opposés; que ce seroit leur ôter le droit » de leur charge, pour s'en être fidèlement acquittés, >> et renverser tout l'ordre des jugements ecclésiasti» ques; qué par les mèmes raisons, les ariens, les nesto>> riens et les eutychiens auroient pu récuser toute l'E» glise, et ne se laisser aucun juge parmi les chrétiens; » que ce seroit le moyen de fermer la bouche aux pas»teurs, et de donner aux hérésies un cours entière>»ment libre. Après tout, quels juges vouloient - ils » avoir? Où trouveroit-on dans le corps des pasteurs » ces gens neutres et indifférents, qui n'auroient pris >> aucune part aux questions de la foi et aux affaires de >> l'Eglise?

>> Ces raisons ne souffroient point de réplique. Mais » par malheur pour les protestants, c'étoient celles » qu'on leur avoit opposées, lorsqu'ils déclinèrent le » jugement des évêques, qu'ils trouvoient en place au » temps de leur séparation. »

En vertu de l'autorité que le synode de Dordrect s'arrogea en dépit de tous les principes de la réforme, il excommunia les arminiens, les priva du ministère, de leurs chaires de professeurs, et de toutes autres fonctions tant ecclésiastiques qu'académiques, jusqu'à ce qu'ayant satisfait à l'Eglise, ils lui fussent pleinement réconciliés et reçus à sa communion.

Le gouvernement françois n'avoit pas cru devoir permettre aux ministres protestants de ses états d'assister au synode de Dordrect, quoiqu'ils y eussent été invités. Mais ils en reçurent les décisions dans leurs synodes nationaux, et notamment dans celui de Charenton, en 1620. Ils ordonnèrent même la souscription avec serment de tous les décrets de Dordrect.

Les décrets du synode de Dordrect étoient contraires à la doctrine des luthériens en plusieurs points essentiels. Malgré une opposition aussi directe, les calvinistes

« PreviousContinue »