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» parlent les prédicateurs, ils ne doivent rechercher ni >> les faux brillants, ni des traits d'esprit, ni une vaine » harmonie, mais des éclairs qui percent, un tonnerre » qui émeuve, un foudre qui brise les cœurs; et où >> trouveront-ils ces grandes choses, s'ils ne font luire » la vérité, et parler Jésus-Christ lui-même? Dieu a » les orages en sa main; il n'appartient qu'à lui de >> faire éclater dans les nues le bruit du tonnerre. Il lui >> appartient beaucoup plus d'éclairer et de tonner dans >> les consciences, et de fendre les cœurs endurcis par >> des coups de foudre. S'il y avoit un prédicateur assez » téméraire pour attendre ces grands effets de son élo>>quence, il me semble que Dieu lui dit comme à Job : » Si tu crois avoir un bras comme Dieu, et tonner d'une » voix semblable, achève, et fais le Dieu tout-à-fait. »

Bossuet se plaignoit dans les derniers temps de sa vie, « de ce qu'un grand nombre de prédicateurs com» mençoient à négliger de prêcher les mystères, qu'il >> croyoit cependant plus nécessaire d'annoncer dans un >> temps où les hommes devenoient plus hardis à débi» ter leurs imaginations pour affoiblir la foi. Le silence >> des prédicateurs sur les points fondamentaux du chris>> tianisme lui paroissoit une lâcheté. Comment, disoit-il, » veut-on que Jésus-Christ soit aimé, si on ne le fait >> connoître ? »

Jusque dans sa dernière vieillesse, et parvenu déjà à cette époque où ses cruelles infirmités lui permettoient à peine de se soutenir. Bossuet retrouvoit encore des forces pour monter dans sa chaire épiscopale. Nous voyons par le Journal manuscrit de l'abbé Ledieu, que le 18 juin 1702, jour de l'octave du saint Sacrement, Bossuet, âgé alors de près de soixante-quinze ans, « parla » une heure entière avec une voix très - nette et très» intelligible, et sans aucune incommodité. Le sujet étoit » la fréquente communion. Il exposa les prétextes qu'on allègue ordinairement pour s'éloigner de ce sacre»ment, la crainte, le respect, les distractions de la vie » ordinaire. Il opposa à ces prétextes l'exemple des pre

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>> miers chrétiens, qui communioient tous les jours; >> que cependant, du temps des premiers fidèles, les » mèmes soins de la vie et les mêmes distractions exis>> toient, ce qui ne les empêchoit pas de fréquenter ha>> bituellement la sainte table. Il exhorta les fidèles qui » l'écoutoient à suivre un si bel exemple; et il demanda >> cette consolation à son peuple avant sa mort. »

C'est la dernière fois qu'il prêcha dans son église; et l'abbé Ledieu nous a conservé les paroles touchantes et paternelles qui terminèrent ce sermon. Elles sembloient exprimer le pressentiment secret qu'avoit Bossuet que ces paroles étoient les dernières que le peuple de Meaux entendroit de sa bouche. « Je veux, dit Bossuet, que » vous vous souveniez qu'un certain évêque votre pas>>teur, qui faisoit profession de prêcher la vérité, et de » la soutenir sans déguisement, a recueilli en un seul » discours les vérités capitales de votre salut. »

VIII. Des missions.

Bossuet ne se bornoit pas à prêcher dans sa cathédrale et dans les autres paroisses de son diocèse, lorsqu'il y faisoit sa visite pastorale; il fit lui-même plusieurs missions dans le diocèse de Meaux.

La mémoire des succès qu'il avoit autrefois obtenus à Metz par des missions pour la conversion des protestants, le confirma dans la pensée d'établir des missions semblables dans le diocèse de Meaux.

A peine y fut-il arrivé, qu'il donna une mission dans les paroisses de la ville de Meaux. Il choisit pour coopérateurs dans cette pieuse entreprise l'abbé de Fénélon, l'abbé Fleury, et des Pères de l'Oratoire, qui en avoient contracté l'obligation par le titre d'union de l'abbaye de Juilly à leur maison de la rue Saint-Honoré.

Nous remarquons avec plaisir cette circonstance: elle nous montre déjà Bossuet associant Fénélon aux actes publics de son ministère. Leur liaison remontoit aux premières années de la jeunesse de Fénélon. Bossuet

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s'étoit plu à cultiver ses heureuses et naissantes dispositions et telle est la destinée de ces deux grands hommes, qu'on ne prononce jamais leurs noms qu'avec un égal respect, lors même qu'on pense aux tristes et affligeantes discussions qui répandirent tant d'amertume sur les dernières années de leur vie *.

IX.-Des conférences ecclésiastiques.

Bossuet donna une forme plus étendue et plus régulière aux conférences ecclésiastiques, qu'il trouva établies dans son diocèse. M. Séguier, l'un de ses prédécesseurs, avoit conçu l'idée de cette utile institution. Ce prélat avoit partagé le diocèse de Meaux en dix ou douze arrondissements, dont les curés et les vicaires se réunissoient une ou deux fois tous les mois pendant la belle saison pour conférer ensemble sur les points de morale et de discipline qui devoient les diriger dans l'exercice de leur ministère.

Mais le relâchement s'étoit introduit dans cette partie du gouvernement ecclésiastique du diocèse de Meaux. M. de Ligny, successeur de M. Séguier, s'en plaignoit déjà dans une lettre pastorale de 1670; et il fit tous ses efforts pour rendre à ces conférences tous leurs avantages, et y faire renaître une utile émulation. C'est ce

*Un manuscrit déposé à l'abbaye de Saint-Faron donne quelques détails sur cette mission.

« Le 27 février 1684, deuxième dimanche du carême, M. l'évêque de >> Meaux précha en l'église cathédrale; et un abbé nommé M. de la >> Mothe-Fénélon fit une exhortation qu'on nomme prière, à cinq » heures du soir, en ladite église, M. de Meaux présent, et continua » lesdites exhortations, où l'on récitoit les prières du soir, jusqu'au 12 » mars, qui étoit le quatrième dimanche du carême, que ledit seigneur » évêque précha, et fit les mêmes prières à cinq heures et demie du » soir; et le lundi et mardi uu autre prédicateur prècha à la même » heure, et fit les mêmes prières; le mercredi, ledit seigneur évêque » fit lui-même ladite prière, et prêcha à la même heure. Le jeudi et le » vendredi ce fut le même prédicateur du lundi ; et le samedi ce fut » M. l'abbé de Fénélon; le dimanche de la Passion, M. l'évèque précha » le soir, et fit la prière le lundi, M. de Fénélon; le mardi, M. l'abbé » Fleury; le mercredi, M. de Fénélon; le samedi, qui étoit le jour de » Notre-Dame, M. l'évèque. »

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que Bossuet lui-même reconnoissoit vingt ans après, en attestant le grand fruit qu'elles avoient produit.

Il s'attacha à perfectionner encore davantage une institution dont il sentoit et prévoyoit mieux que personne les heureux résultats. Il voulut se charger de tracer de sa propre main l'ordre des matières qui devoient former le sujet de chaque conférence; et il se proposa d'y faire entrer successivement tous les points de morale et de discipline qui se représentent le plus souvent dans la direction des consciences et dans la conduite des âmes.

Il appuyoit par l'autorité de son exemple l'assiduité qu'il demandoit aux ecclésiastiques de son diocèse. Il étoit exact à se trouver aux conférences qui se tenoient dans sa ville épiscopale, soit qu'il fût à Meaux, soit qu'il fût à sa maison de campagne de Germigny. Il se rendoit même souvent à celles des autres cantons du diocèse, sans autre motif que d'aller y présider, régler le travail des curés, et s'établir en quelque sorte le guide et le directeur de leurs études.

Ce qui étoit alors bien remarquable en Bossuet, c'étoit la simplicité qu'il montroit dans la réunion de ces différentes portions de son clergé répandues dans les campagnes, et loin du commerce des hommes. Il encourageoit ceux qui parloient, pour exciter les autres à s'exercer à parler en public avec facilité. Dans ces occasions, il ne laissoit apercevoir que la simplicité évangélique. Il leur traçoit par le langage familier et populaire qu'il adoptoit, le modèle de celui dont ils devoient euxmêmes se servir pour parler à des hommes simples et ignorants.

Après avoir entendu la discussion des différentes matières qui formoient l'objet de la conférence, Bossuet prononçoit lui-même sa décision sur les questions dif ficiles, douteuses ou importantes.

On a conservé longtemps dans le diocèse de Meaux le souvenir de la décision que donna Bossuet sur un point très-important de la discipline ecclésiastique.

C'étoit dans la paroisse de Ravoy, prieuré, dont les Pères de l'Oratoire étoient titulaires. On y traitoit de la question de la pluralité des bénéfices. Elle fut examinée et discutée en présence de Bossuet. On la résolut par l'autorité des canons. Il loua la décision, la confirma, et l'appuya par de nouvelles preuves. Cependant l'abbaye de Saint-Lucien, et deux prieurés * qu'il possédoit avec son évêché de Meaux, formoient contre lui-même une objection très-naturelle. Il sentit bien qu'elle se présentoit involontairement à la pensée de tous ceux qui venoient d'entendre sa décision. Il ne chercha ni à la dissimuler, ni à l'affoiblir. Il prit la parole, et déclara hautement que sa conduite personnelle sembloit démentir les maximes qu'il venoit d'établir et de consacrer si solennellement. « Il exposa ingénument les rai>> sons qui le portoient à présumer qu'il étoit dans le » cas d'une légitime dispense; qu'il se trouvoit chargé » par une disposition marquée de la Providence, de >> l'instruction d'un grand nombre de protestants, qui >> s'adressoient à lui non-seulement en France, mais de >> toutes les parties de l'Europe; que dans ce grand » nombre il se trouvoit beaucoup de ministres; qu'il » étoit non-seulement obligé de les recevoir chez lui » pour leur donner une retraite, mais encore de leur >> donner des secours, sans lesquels ils seroient exposés » à des regrets ou à des séductions, dont la charité vou>> loit qu'on les garantit; qu'il falloit aider des fugitifs » qui demandoient à revenir dans le royaume, et à qui >> tous les moyens manquoient, parce qu'ils avoient » perdu leurs biens en abandonnant leur patrie, et » qu'ils renonçoient aux avantages qu'ils trouvoient et » qu'ils pouvoient espérer dans les pays étrangers; que >> c'étoient quelquefois des familles entières, dont il fal»loit faciliter le retour, et qu'il étoit nécessaire encore » de faire subsister jusqu'à ce qu'ils pussent, ou ren» trer dans leurs biens, ou obtenir des bienfaits du Roi; Le prieuré du Plessis-Grimaux et celui de Gassicourt, d'un revenu assez médiocre,

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