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» que les revenus de son évêché ne le mettant point en » état de subvenir à tant de nécessités, il avoit cru pou» voir profiter de la ressource que lui mettoient en main » des bénéfices dont il consacroit les revenus à l'usage le » plus utile à l'Eglise, et à l'œuvre de charité la plus » pressante. >>

Bossuet n'avoit assurément pas besoin d'une pareille apologie. Sa conduite publique et privée le justifioit assez aux yeux de toute l'Eglise. Personne n'ignoroit en France et même dans toute l'Europe, que Germigny étoit un asile toujours ouvert, et presque toujours rempli de ministres, ou de protestants distingués, qui venoient puiser dans les lumières de ce grand homme la solution de leurs doutes, et dans sa générosité, les secours que leur situation rendoit indispensables 1.

X.- Visites pastorales.

Bossuet a été peut-être celui de tous les évêques qui, pendant tout son épiscopat, s'est montré le plus exact à visiter son diocèse, malgré les travaux de tous les genres, et les affaires importantes qui ont rempli sa

vie.

Il croyoit ne devoir s'en rapporter qu'à lui-même, pour acquérir toutes ces connoissances de détails, dont la variété est soumise à des circonstances locales, souvent même à des coutumes et à des dispositions singulières, qui exigent un emploi sage et mesuré du zèle, de la charité et de l'autorité.

C'est surtout dans les visites pastorales que se déploient d'une manière plus sensible aux regards, et sous une forme plus touchante, la dignité et la charité du ministère épiscopal. Les honneurs, dont la piété on la coutume se sont plu à environner les évêques dans ces occasions solennelles, les montrent aux yeux de la multitude sous un point de vue plus élevé, et impriment à leur autorité un caractère plus imposant. Lorsqu'on les voit ensuite descendre de leur chaire épiscoVoyez les Pièces justificatives ( n.o 1 ).

pale pour entrer dans la cabane du pauvre, offrir ou préparer des secours au malheur et à l'indigence, se conformer à l'exemple de Jésus-Christ en élevant jusqu'à eux la foible et timide enfance, pour graver dans de jeunes cœurs les premiers éléments de la religion et les premières leçons de la vertu; lorsqu'à la suite de ces soins religieux et paternels, on les voit exercer un ministère de paix, ramener l'union dans les familles, concilier les différends, calmer les haines, porter un regard attentif dans l'emploi des biens affectés au soulagement de toutes les infirmités humaines, le caractère épiscopal prend alors je ne sais quoi de touchant, d'auguste et de sacré, qui révèle sa divine institution. Combien de fois n'a-t-on pas vu des vieillards se plaire à conserver un long souvenir de ces pompes religieuses, et aimer à se rappeler l'époque où, jeunes encore, ils furent encouragés et distingués par leur evêque, et surtout par un évèque chargé d'années et de vertus!

Bossuet a tracé lui-même une belle image du ministère épiscopal dans ses jours de force et de foiblesse, de triomphes et de contradictions.

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<<< L'Eglise est fille du Tout-Puissant 1 : mais son Père, qui la soutient au dedans, l'abandonne souvent au » dehors; et, à l'exemple de Jésus-Christ, elle est obligée de crier dans son agonie: Mon Dieu, mon Dieu, pourquoi m'avez-vous délaissée?....... Semblable à >> une épouse désolée, l'Eglise ne fait que gémir : étran» gère, et comme errante sur la terre, où elle vient >> recueillir les enfants de Dieu sous ses ailes, le monde, qui s'efforce de les lui ravir, ne cesse de traverser >> son pèlerinage. Mère affligée, elle a souvent à se >> plaindre de ses enfants qui l'oppriment. On ne cesse >> d'entreprendre sur ses droits sacrés. Sa puissance cé>> leste est affoiblie, pour ne pas dire tout-à-fait éteinte. » On se venge sur elle de quelques-uns de ses ministres, >> trop hardis usurpateurs des droits temporels. A son Oraison funèbre du chancelier Le Tellier, OEuvres de Bossuet, tom. iv. p. 635.

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> tour, la puissance temporelle a semblé vouloir tenir » l'Eglise captive, et se récompenser de ses pertes sur » Jésus-Christ même. On ne songe pas au don particu» lier qu'a reçu l'ordre apostolique... Ce don nous est-il » seulement accordé pour annoncer la sainte parole, ou » pour sanctifier les âmes par les sacrements? N'est-ce » pas aussi pour policer les églises, pour y établir la discipline, pour appliquer les canons inspirés de Dieu » à nos saints prédécesseurs, et accomplir tous les de» voirs du ministère ecclésiastique? »

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C'est aux évêques comme aux magistrats que Bossuet adresse ces belles paroles: «Tout l'univers a les >> yeux sur vous; affranchis des intérêts et des passions, » sans yeux, comme sans mains, vous marchez sur la >> terre, semblables aux esprits célestes, ou plutôt >> images de Dieu, vous en imitez l'indépendance. »>

Bossuet ne se refusoit à aucun genre de fatigue et de travail dans le cours de ses visites pastorales. Il recevoit à la confirmation tous ceux qui lui étoient présentés par les curés, et qu'ils jugeoient suffisamment instruits pour recevoir ce sacrement.

Il avoit l'attention, pour ne pas arracher le peuple à ses travaux, de placer toujours ses visites aux époques de l'année où il est le moins occupé, à Noël, à Pâques, à la Pentecôte. Il y trouvoit d'ailleurs l'avantage de le voir mieux disposé par les instructions religieuses qui accompagnent ces grandes solennités de l'Eglise.

Au milieu de ce travail et de ce mouvement d'esprit et de corps, son extérieur n'annonçoit que le calme et le recueillement de la religion, il étoit appliqué tout entier aux actes de son ministère; aucune circonstance extérieure ne venoit le distraire de son attention. Jamais il ne parloit, jamais il ne portoit ses regards errants autour de lui. Il abandonnoit aux ecclésiastiques qui l'accompagnoient, le soin de régler toutes les dispositions nécessaires pour établir l'ordre et la décence

1 Oraison funèbre du chancelier Le Tellier, OEuvres de Bossuet, tom. IV. p. 634.

au milieu de ce concours nombreux. Pour lui, il demeuroit, pour ainsi dire, renfermé dans le sanctuaire de ses pensées. Sa gravité, sa patience et sa modestie imprimoient le respect à tous les assistants. On pouvoit observer facilement combien il étoit pénétré de la sainteté des fonctions qu'il alloit remplir.

Bossuet n'étoit pas naturellement porté à entrer dans la discussion des comptes des fabriques. Il avoit toujours eu une espèce d'aversion singulière pour ces sortes de détails. Mais comme cette partie étoit cependant un des devoirs de son ministère, il confioit l'examen et la vérification des comptes des fabriques à l'un des grandsvicaires ou des archidiacres qui l'accompagnoient; et lorsqu'il s'élevoit quelque difficulté, on venoit lui en faire le rapport; il écoutoit les parties, et tranchoit ensuite d'autorité toutes ces discussions.

XI.- Des hôpitaux.

Il apportoit cependant une attention particulière à l'administration des hôpitaux de son diocèse. C'étoit alors qu'il se croyoit obligé d'entrer dans les recherches les plus minutieuses pour tout ce qui concernoit le traitement des malades et la nourriture des pauvres. Il s'attacha, autant qu'il le put, à en conficr le soin aux sœurs de la Charité.

L'hôpital général de Meaux recevoit de lui chaque année des aumônes abondantes; et, dans une année de disette, il les augmenta avec une telle profusion, que son intendant, inquiet et effrayé, crut devoir l'exhorter à les modérer. La réponse de Bossuet fut : << Pour les diminuer, je n'en ferai rien ; et pour faire de >> l'argent à cette occasion, je vendrai tout ce que j'ai. »

C'est ce que rapporte l'abbé Ledieu, présent à cet entretien. I continua donc à répandre ses aumônes avec la même abondance, et, pour mieux assurer l'exécution de ses ordres, il voulut assister lui-même à la distribution des secours de tous les genres qu'il avoit destinés aux malheureux.

XII.- Des Synodes.

Pendant les vingt-deux années de son épiscopal, Bossuet n'en laissa écouler aucune sans tenir un synode. Il ne dérogea qu'une seule fois à cette règle invariable, ce fut l'année (1703) qui précéda sa mort. Il conserva même jusqu'au dernier moment l'espérance de remplir un devoir si cher à son zèle. Presque mourant sur un ·lit de douleur, il ne céda qu'à regret à la violence des maux qui le retenoient à Paris.

Plusieurs de ces synodes furent remarquables par des ouvrages importants qu'il y publia.

Ce fut dans le synode de 1686 qu'il publia son Catéchisme ; dans ceux de 1688 et 1691, différentes ordon→ nances; en 1695, les trente-quatre articles d'Issy; en 1699, le bref d'Innocent XII, portant condamnation du livre des Maximes des saints; en 1700, la Censure du clergé de France contre la morale relâchée, et sa première Instruction sur les promesses de l'Eglise.

Après dix ans d'expérience et d'observations, Bossuet rédigea des Statuts synodaux. Jusqu'alors, c'est-àdire jusqu'en 1691, on ne trouve de lui que deux ordonnances synodales, l'une sur la résidence des curés, qu'il publia au synode de 1688, et l'autre touchant l'habit des ecclésiastiques, publiée au synode de 1690. Elles se trouvent comprises dans le recueil des Statuts synodaux qu'il promulgua en 1691.

Ces statuts renferment trente-trois articles dont les dispositions embrassent tout ce qui est le plus propre à maintenir la régularité du clergé, et à assurer l'instruction du peuple.

Les curés peu fidèles à leurs devoirs, et qui n'avoient point profité des avis charitables que Bossuet leur avoit donnés en particulier, recevoient en plein synode les reproches que leur indocilité avoit rendus nécessaires.

Il n'est personne qui ne sente l'impression profonde que devoit laisser dans tous les esprits cette espèce de monition canonique, prononcée par Bossuet devant

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