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rieuse nécessité, et un danger pressant pour l'Eglise peuvent seuls conseiller et commander.

XX.

- Le bref d'Innocent XII est soumis à l'acceptation des assemblées métropolitaines.

Le projet de soumettre l'examen et l'acceptation du bref d'Innocent XII aux assemblées des provinces ecclésiastiques du royaume fut suggéré par l'archevêque de Reims. Mais il survint une difficulté qui pouvoit donner la plus grande défaveur à cette acceptation; quelques ministres eurent la fantaisie de proposer Louis XIV de déléguer les commissaires pour assister en son nom à cette assemblée. C'est à cette occasion que Bossuet présenta au roi un Mémoire1 qui fit sentir à ce prince toute l'irrégularité d'une pareille mesure. XXI.- Mémoire de Bossuet au sujet des commissaires royaux.

« Qu'est-ce que ces commissaires y feroient? disoit » Bossuet. Ils n'y seroient pas pour délibérer avec nous, >> ni pour nous aider de leurs lumières; ils ne pour>> roient donc passer que pour des inspecteurs envoyés » par le roi, afin de nous contenir, pour ainsi dire, » dans notre devoir comme si Sa Majesté, se défiant » de ceux de notre ordre, croyoit devoir nous faire >> tous veiller par des laïques, et ne pouvoit s'assurer » de notre fidélité que par cette précaution qui nous » déshonoreroit dans l'esprit des peuples, et aviliroit » notre ministère dans nos diocèses !..... Suivant nos » maximes, un jugement du Pape en matière de foi >> ne peut être publié en France, qu'après une accepta» tion solennelle de ce jugement faite dans une forme >> canonique par les archevêques et évêques du » royaume. Une des conditions essentielles à cette ac»ceptation, c'est qu'elle soit entièrement libre. Passe>> roit-elle de bonne foi pour l'être, si les peuples » voyoient des commissaires du roi dans nos assem>> blées? >>

Le 18 avril 1699.

Ces considérations firent une telle impression sur Louis XIV, que, lorsque ses ministres voulurent encore insister sur leur première idée, ce prince se contenta de leur répondre : Non, je me fie aux évêques1

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«

L'assemblée métropolitaine de Paris avoit été convoquée pour le 13 de mai; et Bossuet alla passer les fêtes de Pâques à Meaux. Il en revint huit jours avant l'assemblée, pour se concerter avec le cardinal de Noailles sur la matière qui alloit être l'objet de leurs délibérations. Quoique tout fût disposé avec toutes les précautions » de mesure et de sagesse que les circonstances prescri>> voient, le jour même de l'assemblée (13 mai 1699), » M. de Meaux, dit l'abbé Ledieu, me parut fort préoccupé et avec le maintien d'un homme que la supériorité de son génie n'empêche pas de craindre de >> rencontrer de l'opposition, et qui en conséquence » cherche à tout prévoir : c'étoit la première fois où il >> alloit se trouver dans une assemblée ecclésiastique >> avec l'archevêque de Paris (Noailles), que sa qua»lité de président, et le sentiment de la faveur et du » crédit dont il étoit en possession, pouvoient inviter à >> exercer une sorte de domination sur une assemblée >> si peu nombreuse. Et d'ailleurs, ajoutoit Bossuet, qui >> pouvoit se flatter de gouverner l'évêque de Chartres, qui se montroit toujours fort touché de compassion » pour M. l'archevêque de Cambrai ?

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» Mais heureusement tout se passa dans le plus grand >> calme et avec un concert parfait. Tout fut arrêté, >> sans aucune contradiction, dans la séance du matin; >> et le procès-verbal fut signé, dans celle de l'après» dînée, par tous les prélats et le député d'Orléans *; » et M. de Meaux revint chez lui avec un visage gai et » ouvert, content du succès, comme un homme déchargé d'un grand fardeau.

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Mts. de Ledieu.

Le cardinal de Coislin, évêque d'Orléans, ne pouvant, en sa qualité de cardinal, assister à une assemblée dont il n'étoit pas le président, y avoit député un de ses grands vicaires pour le représenter.

» Les résolutions de cette assemblée étoient d'autant >> plus délicates, qu'il falloit concilier à la fois l'autorité » de Rome et les droits des évêques, les maximes et les >> libertés de l'Eglise gallicane avec la jalousie du par>>lement; on doit ajouter que l'assemblée de Paris de>> voit servir de modèle aux autres assemblées du >> royaume. »

Lorsque toutes les assemblées métropolitaines de l'Eglise gallicane eurent unanimement adhéré au jugement qui condamnoit le livre des Maximes des saints, le roi fit expédier des lettres patentes pour faire enregistrer au parlement le bref d'Innocent XII. Ce fut M. d'Aguesseau, alors avocat général, et depuis chancelier de France, qui porta la parole en cette occasion.

Lorsqu'on a lu le discours qu'il prononça pour requérir l'enregistrement du bref du Pape, on ne sait ce qu'on doit le plus admirer « dans ce monument im» mortel de la solidité des maximes de l'Eglise de >> France 1, » ou de la sagesse et de l'éloquence avec laquelle il concilia les véritables principes de l'Eglise et de l'état; ou, ce qui étoit peut-être plus difficile encore dans la circonstance où il parloit, de sa juste admiration pour le génie et les talents de Bossuet, à laquelle il sut mêler l'expression touchante de l'intérêt que la vertueuse soumission de Fénélon venoit d'exciter dans tous les cœurs; on ne peut que répéter avec le président Hénaut, que ce discours est fait pour honorer à jamais la mémoire de ce grand magistrat.

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Bossuet en avoit porté le même jugement que la postérité «<M: de Meaux, écrit l'abbé Ledieu, ne ces» soit de le louer. Il en a longtemps vanté la saine et >> exacte doctrine sur le centre d'unité, qui est le Pape; » la supériorité des conciles généraux, l'autorité des évêques de droit divin, et le saint concours de toutes » les églises pour faire une décision infaillible. Il disoit

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'Paroles du président Hénaut.

* Il paroit par les manuscrits de l'abbé Ledieu, que M. d'Aguesseau s'étoit concerté avec Bossuet sur le plan de son discours,

» que c'étoit précisément la doctrine de l'assemblée de >> Paris; il louoit l'éloquence, les tours, l'insinuation, » la douceur du réquisitoire, qu'il disoit être un ou>> vrage digne du zèle d'un évêque et d'un théologien, » plutôt que d'un magistrat, parce que messieurs du >> parlement n'ont pas coutume d'être si favorable à >> l'Eglise. Aussi attribuoit-il le succès de cette pièce » à la bonne éducation de M. d'Aguesseau, à sa piété, » à son zèle pour l'Eglise. Une seule chose qu'il n'ap>> prouvoit pas, étoit que l'auteur parlât comme de >> deux puissances, en parlant de celle du Pape et de >> celle des évêques, qui ne sont qu'une seule et même » puissance, sans compter quelques affectations dans » le style, qui ne méritent pas d'être relevées.

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Quand, dans la suite, on a dit que Rome se trou>> voit choquée de ce réquisitoire, et qu'elle pensoit à >> en faire justice: Il ne faut pas le craindre, dit M. de >> Meaux, après la satisfaction que Rome a marquée >> du procès-verbal de l'assemblée de Paris, puisque >> c'est la même doctrine; et c'est ce qu'on verra bien, » quand on le lira avec attention. C'est la commune doc>> trine de France, et les Romains savent bien qu'ils » ne nous la feront pas abandonner. >>

Toutes les assemblées métropolitaines, en adhérant par voie de jugement et d'acceptation au bref du Pape Innocent XII, étoient convenues que chaque évèque publieroit pour son diocèse un mandement particulier, conforme aux décisions prises dans les assemblées. C'est ce qui fut exécuté dans toute la France aussitôt que la déclaration du roi, pour autoriser la publication du bref du Pape, eut été enregistrée au parlement.

Le cardinal de Noailles donna le premier l'exemple; et Bossuet, en une heure de temps, dit l'abbé Ledieu, composa son mandement dans la matinée du 16 août (1699); et il le publia dans le synode de son diocèse, le 3 septembre suivant.

« Ce mandement 1, qui est très-court, explique avec

1 Mts. de Ledieu.

» netteté et précision deux points essentiels de la puis»sance ecclésiastique, mais avec tant de sagesse, que >> les Romains eux-mêmes en ont fait l'éloge, sans que >> leurs oreilles délicates en aient même été légèrement >> offensées. Ces deux points sont la force invariable des >> jugements ecclésiastiques dans l'union du corps de >> l'épiscopat avec le chef de l'Eglise qui prononce, et » cette même autorité regardée dans ses effets contre » les erreurs et les hérétiques qu'elle proscrit égale>> ment. >>>

Bossuet sut y amener l'éloge de Fénélon, en rappelant son édifiante soumission au jugement qui l'avoit condamné. Mais les expressions mêmes du mandement1 nous feront encore mieux connoître l'exactitude des principes qu'il s'attachoit toujours à établir et à confirmer.

XXII. - Mandement de Bossuet pour l'acceptation du bref d'Innocent XII.

« Dans l'obligation où nous sommes, disoit Bossuet, » de condamner les fausses doctrines; même dans les » livres où elles paroissent avec leurs plus belles cou>> leurs, quoique toujours sans l'autorité de l'Ecriture » et sans le témoignage de la tradition, nous parlerons >> avec d'autant plus de confiance, que cette condam>> nation est précédée d'une constitution apostolique, » où la foi de saint Pierre et de l'Eglise romaine, mère >> et maîtresse des Eglises, s'est expliquée...

>> Une censure si claire et si solennelle a eu tout l'effet » qu'on en pouvoit espérer. Le même esprit de la tra» dition, qui a fait parler le chef visible de l'Eglise, » lui a uni les membres. Toutes les provinces ecclé>> siastiques de ce royaume ont reçu et accepté la con>>stitution avec le respect et la soumission ordinaires; » et nous avons la consolation, tant désirée et tant es» pérée, de voir M. l'archevêque de Cambrai s'y sou» mettre le premier, simplement, absolument et sans 1Œuvres complètes de Bossuet, t. ix, sur la fin,

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