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nagements conseillés par la prudence, inspirés par bonté, suggérés peut-être par la foiblesse ou la timidité, agissent sur ceux mêmes qui ne veulent suivre que les règles invariables de la justice; et les mouvements de tant d'intérêts, qui se choquent et se combattent, viennent donner tout-à-coup aux controverses religieuses les tristes couleurs des discordes profanes. Mais c'est précisément du récit de toutes les agitations des hommes que se compose l'histoire; et elle n'a pas le droit de les dissimuler, lorsque les événements, placés dans un long éloignement, ont laissé à toutes les passions le temps de se calmer, et qu'il est permis de dire la vérité, sans craindre de blesser aucune vanité, de réveiller aucun ressentiment, et d'appeler de nouveaux combats.

Mais, au milieu de toutes les variations des passions et des pensées des hommes, la vérité conserve toujours ses droits et fait respecter son autorité.

<«< Dieu, comme dit Fénélon lui-même 1, veille tou>> jours afin qu'aucun motif corrompu n'entraîne ja>> mais contre la vérité ceux qui en sont les dépositaires. >> Il peut y avoir dans le cours d'un examen certains >> mouvements irréguliers, mais Dieu en sait tirer ce » qu'il lui plait ; il les amène à sa fin, et la conclusion >> promise vient infailliblement au point précis qu'il a » marqué. »

Ces paroles sont remarquables dans la bouche de Fénélon. On ne peut guère douter que, lorsqu'il s'exprimoit avec cette pieuse conviction de l'autorité et de l'infaillibilité de l'Eglise, sa pensée ne l'ait ramené à cette époque de sa vie où il s'étoit persuadé peut-être que certains mouvements irréguliers s'étoient mélés à l'examen de son livre. Mais la conclusion qu'il tire contre lui-même, devient un nouveau témoignage de la sincérité de sa soumission au jugement qui l'avoit condamné.

Ceux en effet qui, s'élevant au-dessus de toutes ces 'Instruction pastorale du 2 mars 1705.

considérations mobiles et passagères, aiment à suivre les vues et la marche de la Providence, reconnoîtront dans les résultats de la controverse du quiétisme, l'un des événements les plus remarquables dans l'histoire de l'Eglise, et les plus honorables pour l'Eglise gallicane en particulier.

Le jugement du saint Siége, qui condamna les erreurs de Fénélon, reçut toute sa force du concert des évêques avec le chef de l'Eglise. Ce grand exemple servit à montrer qu'il existe dans l'Eglise catholique un centre d'unité et d'autorité, dont l'action suffit pour réprimer toutes les hérésies, lorsque l'entêtement et la mauvaise foi ne sont pas unis à l'erreur.

<< La soumission de l'archevêque de Cambrai, dit le >> chancelier d'Aguesseau 1, est un exemple peut-être >> unique dans l'Eglise, d'une querelle de doctrine ter>> minée sans retour par un seul jugement qu'on n'a >> cherché depuis ni à faire rétracter, ni à éluder par >> des distinctions; la gloire en est due à la sagesse et à >> la supériorité du génie de l'archevêque de Cambrai. >>

Bossuet, en assurant le triomphe de la vérité contre une doctrine qui n'étoit pas exempte de danger pour la règle des mœurs et le véritable esprit du christianisme, eut aussi la satisfaction de voir toute l'Eglise gallicane se réunir avec le concert le plus unanime dans l'application des célèbres maximes qu'il avoit proclamées dans l'assemblée de 1682.

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« Il s'excita, dit le chancelier d'Aguesseau 2, >> louable émulation entre les différentes provinces (ec» clésiastiques). Chacun voulut avoir l'honneur d'avoir >> mieux soutenu le pouvoir attaché au caractère épis» copal, de juger ou avant le pape, ou avec le pape, » ou après le pape, et le droit dans lequel sont les évê>>ques de ne recevoir les constitutions du pape qu'a>> vec examen et par forme de jugement. Ce qu'il y eut » de plus remarquable dans ce témoignage solennel >> que l'Eglise gallicane rendit à sa doctrine, c'est qu'il 'Mémoires du chancelier d'Aguesseau, tom, XIII,—2 Ibid,

» fut placé dans un temps où nous n'avions aucun dé» mêlé avec la cour de Rome, et où le Roi vivoit dans >> une parfaite intelligence avec le Pape, dont il ne >> craignoit rien, et n'avoit rien à craindre, en sorte que » ce fut à la vérité seule, et non à la nécessité des >> conjonctures, qu'on fut redevable d'une déclaration >> des sentiments du clergé si authentique et si una>> nime. >>>

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XXV. Bossuet est nommé conservateur des priviléges de l'université de Paris.

Pendant le cours de la controverse du quiétisme, Bossuet avoit reçu plusieurs témoignages aussi flatteurs qu'éclatants de la considération publique et de la bienveillance particulière de Louis XIV.

A la fin de 1695, l'université de Paris nomma Bossuet conservateur de ses priviléges. Elle s'étoit proposé de lui en donner le titre dès 1679, à la mort de M. Choart de Buzenval, évêque de Beauvais *. Mais M. de Harlay1, archevêque de Paris, ne permit pas à l'université de suivre son mouvement; et elle préféra de laisser la place vacante plutôt que de faire tomber son choix sur un autre : devenue libre enfin par la mort de M. de Harlay, elle déféra le titre de conservateur de ses priviléges à Bossuet, par une délibération du 14 décembre 1695, dans une assemblée générale présidée par le célèbre Rollin, alors recteur de l'université. Bossuet, retenu à Meaux pour les affaires de son diocèse, ne put prendre possession lui-même de cette dignité. 11 se fit représenter par l'abbé Bossuet son neveu, qui fut reçu, au nom de son oncle, dans une assemblée générale encore présidée par Rollin, le 2 janvier 1696; et on lut dans cette assemblée la lettre où Bossuet exprimoit sa reconnoissance et ses regrets. Ce titre de conservateur des priviléges de l'université de Paris donnoit

Nicolas Choart de Buzenval, 'nommé à l'évêché de Beauvais en 1650, mort en 1679, à l'âge de soixante-huit ans.

'Mts. de Ledieu.

des fonctions et une autorité assez étendues dans des temps plus anciens. Mais il n'étoit plus qu'un titre honorifique, presque toujours déféré à quelque prélat distingué; et comme Fénélon l'écrivoit1 avec sa grâce accoutumée à Bossuet lui-même, à l'occasion de sa nomination à cette place: Ces sortes de titres dorment sur certaines têtes; et sur d'autres, ils peuvent servir à redresser les lettres.

XXVI. Bossuet est nommé conseiller d'état (1697) et premier aumônier de madame la duchesse de Bourgogne.

Le 29 juin 1697, Louis XIV nomma Bossuet conseiller d'état; et il prit place au conseil le 3 juillet suivant.

Enfin, le 28 octobre 1697, Bossuet fut nommé premier aumônier de madame la duchesse de Bourgogne. Il en reçut la nouvelle le 30 octobre, étant à Vareddes, paroisse de son diocèse, où il étoit occupé à faire la visite de la maison des sœurs de la charité qu'il venoit d'y établir. «Il reçut cette nouvelle, écrit l'abbé Le» dieu qui étoit auprès de lui, simplement, sans aucune » démonstration de joie, sans aucune affectation d'in>>> sensibilité. »

Bossuet n'a pas cependant dissimulé qu'il avoit désiré cette place, et qu'il l'avoit même demandée dès 1696. On lit dans une de ses lettres à l'évêque de Mirepoix (M. de La Broue): « Vous aurez su la nomina» tion des dames et de quelques autres pour la future >> duchesse de Bourgogne. On n'a point parlé des >> charges d'Eglise. Je vous avoue sans hésiter que j'ai >> fait ma demande (de la place de premier aumônier ); » elle a été aussi bien reçue qu'il se pouvoit; et les >> apparences sont bonnes de tous côtés. Dieu sait ce » qu'il veut; et pour moi, je suis bien près de l'indif>> férence. >>

Lorsqu'il fut question de faire prêter le serment aux nouveaux officiers de la maison de la princesse, il survint une difficulté inattendue. Le Roi avoit fixé le Lettre du 18 décembre 1695.

31 décembre (1697) pour cette cérémonie. Le marquis de Dangeau, nommé chevalier d'honneur, prétendit prêter le serment le premier. Louis XIV ne voulut point prononcer sans entendre Bossuet, qui se borna à rappeler au Roi, que lorsqu'il avoit été nommé premier aumônier de madame la dauphine, il avoit été admis sans difficulté à prêter serment avant tous les autres officiers de la maison; que, dans tous les états de la maison du roi, des princes et princesses, on plaçoit toujours les officiers de la chapelle au premier rang; que ce n'étoit point un honneur déféré aux personnes, mais un hommage que la piété des rois se plaisoit à rendre à la religion dans ses ministres. Bossuet présenta ensuite à Louis XIV l'article de la gazette de France du 10 mars 1681. On y lisoit « que M. l'évèque de >> Condom, premier aumônier de madame la dauphine, » prêta le serment le premier; et après lui, la du>> chesse de Richelieu, dame d'honneur, la maréchale » de Rochefort, première dame d'atours, la marquise » de Maintenon, seconde dame d'atours; et ensuite le >> duc de Richelieu, chevalier d'honneur, » qui, par un sentiment de politesse, céda son rang aux dames de la maison de madame la dauphine.

Le marquis de Dangeau, quoique d'un rang inférieur au duc de Richelieu, qui étoit pair de France, voulut encore insister, malgré l'autorité d'un exemple aussi récent. Il passoit à la cour pour avoir beaucoup de vanité, et attacher beaucoup de prix à l'éclat et à la représentation. Le duc de Saint-Simon n'a pas manqué de le tourner en ridicule sur l'appareil et l'ostentation qu'il affectoit de déployer dans la réception des chevaliers de l'ordre de Saint-Lazare, dont il étoit grandmaître. Louis XIV voulut consoler un peu la vanité du marquis de Dangeau, en décidant « qu'on ne pouvoit >> refuser à M de Meaux de prêter son serment le pre» mier en considération de son grand mérite. » Mais le marquis de Dangeau ne put se résoudre à paroître le second dans une cérémonie où il ne pouvoit pas se

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