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>> archevêques et évêques veulent bien leur recomman» der d'éviter dans leurs instructions des choses fausses, » douteuses ou puériles; de tâcher de rendre aux »> nouveaux convertis la piété aimable, de ne point » exiger d'eux des pratiques capables de les éloigner, » et que l'Eglise ne commande pas, jusqu'à ce qu'ils >> soient assez forts pour se porter d'eux-mêmes aux » œuvres de surérogation; d'établir et de développer » sur toute chose les principes solides de la religion; de » s'étendre beaucoup sur le détail de la morale chré» tienne; de la prêcher dans toute sa pureté ; d'expli» quer, le plus qu'ils pourront, l'Ecriture, pour laquelle >> on sait que les nouveaux convertis ont beaucoup de >> goût, et d'y joindre les sentiments des Pères; d'expo>> ser d'une manière claire et simple, en parlant des >> mystères, la doctrine de l'Eglise; et s'ils se croient » obligés de réfuter les erreurs, le faire sans aigreur ni >> contention, sans déclamation, ni invectives, et sans >> même faire sentir qu'ils en veulent à leurs audi>>teurs; de traiter quelquefois les grands principes de » l'autorité et de l'unité de l'Eglise, du défaut de mis>>sion des prétendus réformés, de la variation et de >> la contradiction de leurs sentiments; et autres preuves » claires et incontestables, qui vont à saper les hérésies » par le fondement, et qui n'ont besoin que de la rai» son du sens commun, et de tâcher de conférer le >> plus qu'ils pourront en particulier avec les nou» veaux convertis sur cette matière.

» De faire quelques instructions hors le temps de la >> messe, afin que les nouveaux convertis y viennent >> plus volontiers dans les commencements, jusqu'à » ce qu'ils aient commencé de comprendre et de goû» ter les vérités de la religion catholique.

» Si à cette manière d'instruire, les curés et autres >> ecclésiastiques joignent une conduite pleine de dou>> ceur et de charité envers les nouveaux convertis; si, >> loin de se rendre leurs délateurs, ils prennent le » parti d'intercéder et de demander grâce pour eux

>> dans les occasions; s'ils les aident dans leurs be>> soins, et s'ils s'appliquent à attirer leur confiance, » et à gagner leurs cœurs, ils auront sans doute la >> consolation d'en faire avec le temps de bons catho>> liques. >>

Les avis et les instructions que renferme ce mémoire, montrent assez combien les principes sur lesquels on devoit travailler désormais à la réunion des protestants étoient différents de ceux qu'on avoit suivis jusqu'alors.

Mais on éleva, en Languedoc, quelques objections sur l'exécution de l'article V de la déclaration de 1698. Le Roi, dans cet article, se bornoit à exhorter les nouveaux convertis à l'assistance la plus exacte qu'il seroit possible, au service divin, et à l'observation des commandements de l'Eglise. On prétendoit que cette simple voie d'exhortation tendoit à rendre inutiles les moyens mêmes d'instruction que l'on demandoit pour les nouveaux convertis, et à compromettre le succès d'une entreprise commencée et soutenue avec tant d'éclat depuis treize ans.

XX.- De M. de Basville.

M. de Lamoignon de Basville régnoit alors en Languedoc, car il en étoit regardé plutôt comme le viceroi que comme l'intendant. Le gouvernement, qui lui avoit abandonné la direction presque absolue des affaires de cette grande province, y jugeoit sa présence si nécessaire, que l'on voit, par une de ses lettres à Bossuet1, que, depuis dix-huit ans, il n'avoit pu obtenir de la cour un congé de trois mois, pour venir régler ses affaires personnelles à Paris. La tradition même rapporte qu'il fut vingt-sept ans sans en obtenir la liberté.

Tant de confiance et tant d'autorité, joint à l'extrême fermeté de son caractère, ont exposé la mémoire de ce célèbre magistrat à de vifs reproches de la part des protestants; sa famille et ses amis se sont toujours

Du mois de juin 1700. Œuvres de Bossuet, t. x1. p. 33 et

montrés bien éloignés de penser qu'il les eût mérités. Le président de Lamoignon, son frère, qui possédoit au degré le plus éminent toutes les vertus héréditaires dans sa famille, et dont la réputation de sagesse et de douceur étoit généralement établie, écrivoit à Bossuet, en lui envoyant un mémoire de M. de Basville : « Je » vous supplie que ce mémoire ne soit que pour vous; » car je ne veux pas, comme j'ai eu l'honneur de vous » le dire, qu'on me donne ici, et à mon frère, le ca>>ractère d'un homme qui veut être le persécuteur » des huguenots.

» Il s'est répandu des bruits partout qu'on leur fai>> soit en Languedoc des violences extrêmes. Cepen>> dant je puis vous assurer qu'il n'y a point de province » dans le royaume, où ils aient été traités plus dou» cement. Quand vous aurez examiné le mémoire que » je vous envoie, vous jugerez vous-même si l'on peut » agir avec plus de douceur, puisqu'on ne demande >> autre chose que de pouvoir dire : Il faut aller à la » messe, sans qu'on use d'aucune violence contre ceux >> qui n'iront pas. >>

Ce fut là en effet le seul point de la discussion que nous allons voir s'établir entre Bossuet et les évêques de Languedoc. Dès que la religion ou la discipline étoient intéressées dans une question quelconque, et paroissoient demander une décision ou une règle de conduite, c'étoit toujours Bossuet qu'on interrogeoit comme un oracle vivant, comme l'interprète de la doctrine et de l'esprit de l'Eglise.

On peut assister avec d'autant moins de regret à cette discussion entre des hommes très-habiles et trèséclairés, que l'humanité n'a point à gémir sur la nature des conseils, ou des mesures qui en sont l'objet.

Car il est très-important de remarquer que, malgré la différence d'opinions sur quelques points, tous les évêques de Languedoc convenoient uniformément avec Bossuet, que, loin de forcer les nouveaux convertis à recevoir les sacrements, on ne devoit les y admettre

qu'après de longues épreuves sur la sincérité de leurs dispositions. On n'observe pas sur ce sujet la plus foible incertitude ni la plus légère variation dans les principes et dans la conduite qu'on se proposoit de suivre à l'égard des nouveaux convertis. Beaucoup d'écrivains ont trop souvent confondu l'assistance aux exercices de la religion, avec la participation aux sacrements, pour ajouter un caractère encore plus odieux à des faits et à des circonstances qu'on ne croyoit pouvoir représenter sous des couleurs trop défavorables.

XXI.- Mémoire de M. de Basville à Bossuet 1.

Le principal motif qui portoit M. de Basville, et ceux qui pensoient comme lui, à demander que l'on obligeât les nouveaux convertis à assister à la messe, étoit que, sans cette obligation, ils ne seroient jamais instruits, et ne s'accoutumeroient point aux exercices de la religion catholique; que, privés de leur ancien culte, étrangers à celui qu'ils étoient censés avoir adopté, puisqu'ils n'en rempliroient aucun des devoirs, « ils >> formeroient une espèce de corps dans l'état, séparé >> des autres sujets du Roi, qui demanderoit dans tous » les temps de grandes précautions.

» Rien ne conserve tant l'esprit de cabale qui règne >> encore parmi eux, disoit M. de Basville, que de >> vivre unis par la même aversion pour la religion >> catholique. Il ne faut pas douter qu'ils ne fassent » les derniers efforts, quand ils le pourront, pour ré>> tablir les exercices de celle qu'ils conservent dans le >> cœur, et qu'ils ne fassent ces exercices en secret >> autant qu'ils le pourront; au lieu que, s'ils sont une >> fois accoutumés à venir dans nos églises, ce sera de » tous les moyens le meilleur pour leur faire oublier » leur ancienne religion. L'habitude fait beaucoup, et >> presque tout, sur l'esprit du peuple et des paysans » pour la religion; et ces gens-là sont la meilleure >> partie des nouveaux convertis. »

1 OEuvres de Bossuet, tom. XI. pag. 33 et suiv.

M. de Basville avoit joint à ce mémoire le projet d'une déclaration très-modérée. Le gouvernement devoit s'y borner à renouveler les anciennes ordonnances sur l'observation des fêtes et dimanches, et l'assistance aux exercices de la religion catholique. Ce projet de déclaration ne condamnoit les réfractaires à aucune peine; elle ne paroissoit pas plus s'adresser aux nouveaux convertis qu'aux anciens catholiques : tant on étoit convaincu de l'intention bien prononcée de Louis XIV, de ne faire usage que des moyens de douceur et d'instruction pour achever l'ouvrage de leur conversion. M. de Basville avoit seulement inséré dans son projet de déclaration sur l'assistance aux exercices de la religion, les jours de fêtes et dimanches, la clause suivante qui la rendoit commune aux nouveaux convertis, comme aux anciens catholiques, « sans que les »> nouveaux convertis puissent s'en dispenser sous quel» que prétexte que ce soit. »>

Il invitoit enfin Bossuet à prendre l'avis des évêques de Languedoc sur la question de savoir « s'il est con» traire aux règles et à l'usage de l'Eglise de contraindre » les personnes qui ne croient pas aux mystères à y >> assister. » Il insistoit donc « pour qu'on réduisît la question, dans l'espèce présente, à l'assistance à l'Eglise et à la messe, et qu'on ne fût pas se perdre » dans des raisonnements inutiles, comme si on vou>>loit faire communier par force les nouveaux con»vertis, ce dont on est très-éloigné. »

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Bossuet répondit au mémoire de M. de Basville. Nous nous bornerons à donner la substance de ses rai

sons.

XXII.- Réponse de Bossuet à M. de Basville.

Bossuet disoit «< que les anciennes lois des empe>> reurs chrétiens, contre les hérétiques, n'avoient point » établi une distinction particulière de la messe, d'avec » les autres exercices de la religion.

1 OEuvres de Bossuet, tom. XI. pag. 41 et suiv.

II.

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