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» Qu'elles n'avoient jamais supposé qu'on devoit les » tenir quittes pour venir seulement à la messe, pen>> dant qu'ils montreroient une répugnance invincible >> aux autres pratiques de l'Eglise, autant et plus né» cessaires.

» Que ce n'est pas dans la messe seule que con>> siste l'exercice de la catholicité.

» Il demandoit pourquoi on ne proposoit pas d'em» ployer la même contrainte pour obliger les héréti» ques à se confesser que pour les obliger d'aller à la » messe; que c'étoit sans doute parce qu'on ne les y » croyoit pas disposés, et qu'on craignoit de les en» gager à un sacrilége, en les engageant à la confes» sion contre leur conscience; qu'on les mettoit donc au >> rang des mécréants; et que, si on les mettoit en ce >> rang, on ne pouvoit les forcer d'aller à la messe, où » ils ne pouvoient assister avec édification, sans com» mettre ce qu'ils jugeoient être une idolàtrie. »

D'où Bossuet concluoit « qu'on ne pouvoit présumer » de la bonne foi dans les nouveaux convertis, que » quand ils se soumettoient également à tous les exer»cices de la religion catholique.

» Que, dès que l'on convenoit que les mécréants ma» nifestes ne doivent pas être admis à la messe, on doit » prendre pour marque certaine de mécréance une » répugnance invincible à se confesser et à commu>> nier.

>> Qu'il falloit cependant distinguer entre exclure les » hérétiques de la messe, ou les y contraindre; qu'il »> ne faut pas les exclure, quand on peut présumer >> qu'ils viennent de bonne foi, ou du moins avec » quelque bon commencement des dispositions né>> cessaires.

» Mais que, lorsqu'on les voyoit déterminés à re>> fuser la confession et ses suites, on devoit prendre >> une pareille détermination pour une marque évidente » d'incrédulité, et que les contraindre à la messe en » cet état, c'étoit les induire à erreur, avilir la messe

» dans leur esprit, déroger aux actes plus nécessaires, » comme la confession, et leur faire croire que la religion catholique consiste en un culte extérieur auquel mème on peut annoncer qu'on ne croit pas. »

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XXIII.- Réplique de M. de Basville à Bossuet.

M. de Basville crut devoir répliquer à la réponse de Bossuet; il lui disoit « qu'il l'avoit mal entendu, s'il avoit supposé qu'on prétendoit exempter les nouveaux >> convertis de tous les autres exercices de la religion, » pourvu qu'ils fussent à la messe ; que c'étoit au con» traire pour leur apprendre les exercices de la reli»gion et les règles de la discipline, qu'on désiroit si » fortement leur assistance à la messe; que c'étoit là » qu'on leur faisoit voir que la religion ne consiste pas » dans un culte extérieur, et qu'on leur montre à » adorer Dieu en esprit et en vérité.

» Qu'on n'avoit jamais prétendu que ce fût dans la » messe seule que consiste l'exercice de la catholicité; >> mais qu'on avoit appuyé sur la messe, parce que c'est >> une des principales fonctions de la religion que d'y >> assister; que la messe a toujours été un signe et un » caractère de distinction entre le huguenot et le ca>> tholique, parce que l'assistance au sacrifice appro>> che davantage de la participation du sacrement; parce » que c'est un exercice de la religion catholique qui » se réitère plus souvent; enfin, parce que la messe » est accompagnée de prônes, de sermons, d'instruc» tions, et de tout ce qui peut augmenter et nourrir la >> foi. >>>

Bossuet avoit demandé « pourquoi on consentoit à » ne pas contraindre les nouveaux convertis à se con» fesser, tandis qu'on vouloit les contraindre à aller à >> la messe?»>

M. de Basville répondoit « que ce raisonnement sem>>bloit trop prouver, et qu'on ne l'avoit jamais fait, » lorsqu'il avoit été question d'éteindre les hérésies.

>> Qu'une expérience journalière montroit que leur

>> conversion n'avançoit pas, quand ils ne venoient pas » à l'église et à la messe........ Au lieu que, quand ils » étoient modérément pressés d'aller à la messe, il ar>> rivoit que tous les jours quelqu'un d'entre eux se dé>> tachoit, se faisoit sincèrement catholique, et deman>> doit lui-même les sacrements; qu'on ne les lui accor>> doit que lorsqu'on le jugeoit suffisamment disposé; >> que si l'on demandoit pourquoi les obliger à aller à » la messe sans les obliger à recevoir les sacrements, >> c'est qu'on ne pouvoit espérer de les rendre sincère>>ment catholiques, sans faire ce premier pas; que le » progrès de la religion demande du temps; que si l'on >> renvoie souvent les anciens catholiques, même pour » la communion pascale, pourquoi ne seroit-on pas » autorisé à la différer aux nouveaux catholiques?

>> Un principe n'est pas bon, lorsqu'il tend à la des>>truction de l'ouvrage qu'on veut perfectionner. Or >> exclure les nouveaux convertis de la messe, parce » qu'ils ne participent pas aux autres sacrements, c'est » détruire l'œuvre des conversions. Car il suit de là que >> tout homme qui dira qu'il ne veut pas les recevoir, » doit être laissé dans l'ignorance des principes et des >> pratiques de la religion, qu'il a déclaré lui-même >> vouloir embrasser.

>> Un principe dont les conséquences conduisent à >> des résultats extrêmes, doit être évité. Or il semble » que les deux plus grandes de toutes les extrémités >> suivent de ce principe : Tout ou rien : Tout, si on con>> traint les nouveaux réunis à tous les exercices; rien, » s'ils déclarent qu'ils ne sont pas disposés à recevoir >> les sacrements. N'y a-t-il pas un milieu entre ces >> deux fâcheuses extrémités? Ne peut-on prendre d'au» tre parti que de les abandonner, ou de les porter à des >> sacriléges? N'est-il pas plus à propos d'attendre, » d'espérer, de les instruire et de ne les pas condamner » comme mécréants? Ils viennent à la messe; il faut >> espérer qu'ils feront le reste. Ce raisonnement n'est» il pas plus doux, plus conforme à l'esprit de l'Eglise,

» que celui-ci : Ils viennent à la messe, ils ne veulent >> pas se confesser et communier; donc il faut les re>> trancher de l'Eglise ?»>

Bossuet avoit dit dans sa lettre à M. de Basville : « Ce » qui fait qu'on ne doit pas contraindre à la messe ceux » qu'on n'ose contraindre au reste des exercices, c'est » que la répugnance opiniâtre qu'ils montrent à les » pratiquer, fait voir qu'ils sont indignes de la messe » comme du reste.

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» Si l'on suit cette règle, répondoit M. de Basville, » l'ouvrage est abandonné. Car si l'on ne porte pas les » réunis à aller à la messe, que peut-on leur deman» der? Sera-ce d'aller à des instructions séparées de la » messe? L'usage et l'expérience font connoitre que l'on » ne gagne rien par ces instructions impraticables dans >> la plus grande partie des paroisses *. D'ailleurs, cette séparation des anciens et des nouveaux catholiques >> entretient entre eux une désunion dangereuse d'es» prit et de parti. On ne doit penser qu'à les unir et à >> les confondre les uns avec les autres. Quand on a >> fait de semblables instructions pour les nouveaux con>> vertis seulement, ou ils n'y ont pas assisté, ou ils >> les ont écoutées avec répugnance, comme des ex>> hortations vaines et ennuyeuses. L'expérience nous >> fait voir qu'ils profitent beaucoup plus à un sermon » qui se fait tous les dimanches à la messe; et que la » vue du mystère, la prière commune qui s'y fait, la » lecture de l'Evangile, et tout cet appareil de reli»gion qu'ils y voient, les désabusent plus que tout ce » qu'on peut leur représenter. Il seroit juste qu'on s'en >> rapportât un peu à ceux qui ont pratiqué toutes sortes >> de moyens, et qui ont sur cela une longue expérience.

>> M. de Meaux dira peut-être : Que veulent donc pré>> cisément ces gens de Languedoc? qu'ils s'expliquent >> clairement.

* On a vu, livre septième de cette Histoire, que Bossuet en avoit fait lui-même l'expérience, et qu'il s'étoit vu obligé de renoncer à ces instructions sous la forme de conférences,

» Voici, répond M. de Basville, ce que je voudrois en » mon particulier, et dont je serois très-content.

>> Premièrement, que le Roi continuât les secours » qu'il donne pour les missions, qui sont suffisants, et » qui s'emploient très-utilement.

>> Secondement, que l'on ne trouve pas mauvais que » les intendants pressent, sollicitent sans relâche les >> nouveaux convertis de pratiquer la religion catholi» que, qu'ils ont embrassée en faisant abjuration de la >> protestante; qu'ils s'en tiennent pourtant, dans leurs >> exhortations, aux termes d'assister aux instructions, » à l'Eglise, à la messe; qu'ils regardent la réception >> des sacrements comme une matière très-délicate qui >> doit uniquement dépendre des pasteurs de l'Eglise ; » qu'ils s'abstiennent même, autant qu'ils pourront, de >> parler nommément de la messe, et qu'ils se réduisent >> ordinairement à l'observation générale des exercices.

>> Troisièmement, en Languedoc, on ne s'est encore >> servi que de ces exhortations générales pour la messe. >> On n'a employé ni amendes, ni peines, ni logements » de gens de guerre. Mais on reconnoît qu'il y a cer>> tains cantons où le peuple, ignorant et grossier, n'é>> tant presque point capable de discipline et d'instruc» tion, ne sauroit perdre qu'avec peine la répugnance » qu'il a pour les exercices de notre religion, où il » trouve plus de difficultés et d'assujettissement que » dans celle qu'il professoit. N'auroit-on pas raison de » réduire, par de petites amendes, ces gens-là, qui >> ne se conduisent que par leurs intérêts, non pas pré>> cisément parce qu'ils n'assistent pas à la messe, mais >> parce qu'ils ne pratiquent pas les exercices de la reli»gion catholique? >>

Quelque modération que M. de Basville parût apporter dans les mesures qu'il proposoit, elles ne purent obtenir l'approbation de Bossuet.

Il écrivoit à l'évêque de Mirepoix : « Je suis fâché » de me trouver d'un avis différent du vôtre et de celui » de M. de Basville, sur la contrainte des mal convertis

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