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15 juin 1831, et qu'il n'aurait dès lors encouru que la peine de police portée par l'art. 471, § 15, du C. pén.; - attendu qu'en publiant un ancien règlement du lieutenant de police, le préfet n'a fait qu'user du droit qui lui est conféré par l'art. 46 du titre Ier de la loi des 19-22 juillet 1791 et par l'art. 2 de l'arrêté des consuls du 12 messidor au VIII; que l'ordonnance par laquelle il a fait cette publication ne peut être substituée à l'ancien règlement dont elle se borne à rappeler les prescriptions, et qui subsiste dans toutes ses dispositions non contredites par le C. pén. ou par une loi postérieure; que c'est donc avec raison que le demandeur a été poursuivi pour avoir contrevenu à l'ordonnance du 8 nov. 1780, en n'inscrivant pas sur son registre l'achat par lui fait au sieur Labbé; que le seul point qu'il importe d'examiner est celui de savoir si la pénalité édictée par l'ordonnance du 8 nov. 1780 doit être maintenue, ou si elle a été remplacée par la peine prévue par l'art. 471, § 15, du C. pénal; attendu que, s'il est de principe que les anciens édits et règlements de police locale sur des matières attribuées par la législation actuelle au pouvoir réglementaire de l'administration n'ont aujourd'hui pour sanction que les peines de simple police portées par les art. 471, § 15, et 474 du C. pén., il n'en est pas de même quand lesdits édits et règlements traitent une matière qui ne rentre pas dans les attributions, soit de l'autorité municipale, soit de toute autre autorité administrative; qu'aux termes de l'art. 484 du C. pén., ces règlements particuliers doivent continuer à être observés tant qu'ils n'ont pas été remplacés par une loi; qu'il en est ainsi des art. 2 et 3 de l'ordonnance du lieutenant de police du 8 nov. 1780, dont les dispositions n'ont été abrogées ni expressément, ni tacitement et qui sont, dès lors, toujours en vigueur; attendu, en effet, que le droit d'imposer aux revendeurs ou brocanteurs l'obligation de tenir un registre destiné à l'inscription de leurs achats, ne rentre pas dans le cercle du pouvoir réglementaire qui appartient à l'autorité administrative; que ce n'est pas là une mesure de sûreté générale ou de police locale et qu'elle ne pourrait être prise actuellement qu'en vertu d'une disposition de loi spéciale; attendu que l'art. 2 de l'arrêté des consuls du 12 messidor an VIII ne confère au préfet de police que le droit de publier de nouveau les lois et règlements de police et de rendre les ordonnances tendant à en assurer l'exécution; que, si l'art. 32 du même arrêté lui donne le pouvoir de surveiller certaines professions, notamment celles des revendeurs ou brocanteurs en boutique, il ne l'autorise pas à prescrire à ces marchands la tenue d'un registre, dans les conditions de l'ordonnance du 8 nov. 1780, mesure qui excède manifestement les limites d'une simple surveillance; attendu, il est vrai, que l'arrêt attaqué a condamné le demandeur à 100 fr. d'amende, en vertu de l'art. 3 de ladite ordonnance, tandis qu'en réalité c'est la peine de 400 fr. d'amende, édictée par l'art. 2, qui aurait dû être prononcée; qu'en effet, l'art. 3 n'est relatif qu'aux brocanteurs ambulants et autres marchands forains, alors que l'art. 2 concerne tous les marchands et artisans qui, comme Delion, achètent, revendent ou échangent à leur domicile des effets et marchandises de hasard; mais que le demandeur ne peut se faire un grief de l'application d'une peine inférieure à celle qu'il avait encourue et qui est, d'ailleurs, justifiée par l'art. 411 du C. d'inst. crim.; attendu que l'arrêt est régulier en la forme; — rejette le pourvoi.

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Du 1er fév. 1878. C. de cass. M. de Carnières, prés.

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M. Sallantin, rapp. — M. Lacointa, av. gén.

Mo Brugnon, av.

ART. 10231.

Circulaire du ministre de l'intérieur sur le colportage 1.

Monsieur le préfet,

Paris, le 23 mars 1878.

La loi du 9 mars 1878 doit avoir pour effet, comme elle a eu pour but, d'assurer la liberté entière et complète de distribution et de colportage, sous ses différentes formes, des journaux, en décidant que les dispositions des lois des 16 fév. 1834 et 27 juil. 1849, concernant le colportage, ne s'appliquent plus à la presse périodique. Le principe essentiel de cette loi consiste dans la substitution du système de la déclaration à celui de l'autorisation.

L'art. 3 de la loi du 29 déc. 1875 laissait le colportage des journaux soumis au régime de l'autorisation préalable. Mais cette disposition légale avait eu pour but, dans la pensée du légistateur, de placer tous les journaux, quelle que fût leur couleur politique, sur un pied d'égalité parfaite, au point de vue de l'autorisation: c'est ce qu'expliquait clairement une circulaire de M. Ricard, en date du 5 mai 1876. Toutefois, cette disposition favorable de la loi a pu être méconnue dans son esprit la loi nouvelle a pour but de faire cesser toute équivoque à ce sujet.

Toute personne peut aujourd'hui colporter et distribuer librement tous les journaux français, quels qu'ils soient, moyennant une simple déclaration faite soit à la sous-préfecture, soit à l'administration municipale qui, après l'avoir enregistrée, devra la transmettre à la sous-préfecture. Aux termes de la loi, la déclaration faite à la sous-préfecture produira son effet pour toutes les communes de l'arrondissement.

Le déclarant doit faire connaître son domicile, attester qu'il est Français et qu'il n'a pas été privé de ses droits civils ou politiques. Cette simple déclaration suffit, et vous n'avez aucune preuve à réclamer à l'appui. La déclaration peut être reçue, même lorsqu'elle émane de femmes et de mineurs, bien qu'ils n'aient pas de droits politiques et qu'ils ne jouissent que d'une partie des droits civils; car il suffit que l'on atteste n'avoir pas été privé de ces droits par jugement.

L'autorité à laquelle est remise la déclaration doit en donner immédiatement récépissé, et ce récépissé, qui équivaut à la permission délivrée aux colporteurs, doit être représenté à toute réquisition des agents de l'autorité. MM. les maires devront tenir un registre spécial, sur lequel ils inscriront le contenu des déclarations et la date de la transmission à MM. les préfets, ou sous-préfets.

Les infractions commises à ces dispositions sont punies des peines édictées dans les art. 2 et 3 de la loi. Afin de mettre les magistrats

1. V. suprà la loi du 9 mars 1878 (J. cr., art. 10222), et notre commentaire (art. 10223).

du parquet en mesure de poursuivre les contrevenants, MM. les maires devront vous donner avis des déclarations et de leur contenu aussitôt qu'ils les auront reçues, et vous tran mettrez vous-mêmes ces avis à MM. les procureurs de la République près les tribunaux d'arrondis

sement.

Je vous prie de porter cette circulaire à la connaissance de MM. les sous-préfets et maires et de m'en accuser réception.

Recevez, monsieur le préfet, l'assurance de ma considération trèsdistinguée. Le ministre de l'intérieur, Signé DE MARCÈRE.

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1o Est entaché de nullité l'arrêt d'une Cour d'assises rendu dans une affaire où, l'accusé étant Indien et ne comprenant pas le français, un interprète avait été nommé et avait prêté serment, alors qu'il résulte des énonciations du procès-verbal que cet interprète n'a traduit qu'une seule des dépositions entendues.

2o Lorsqu'un pourvoi a été formé en matière criminelle, correctionnelle ou de police, par le condamné, celui-ci peut-il exiger que les pièces du dossier soient transmises à la Cour de cassation en minutes et non en copies? (non rés.) 1. .

3° N'y a-t-il pas nullité d'un arrêt de Cour d'assises coloniale lorsqu'il a été donné lecture de la déposition écrite de l'un des témoins et que ce témoin a été ensuite entendu, ce fait constituant une violation du principe que le débat doit être oral? (non rés.) 2.

ARRÊT (Shadaya).

LA COUR; Sur le moyen relevé d'office et tiré d'une violation de l'art. 332 du Code d'inst. crim., en ce que l'interprète désigné par le président de la Cour d'assises, n'aurait point prêté son ministère pour traduire soit à l'accusé, soit à la Cour d'assises, les dépositions orales faites par plusieurs des témoins entendus: attendu qu'aux termes de l'art. 417 du Code colonial dc 1828, le moyen est recevable et qu'il y a lieu de l'examiner; attendu que, s'il résulte du procès-verbal des débats que l'accusé et quelques-uns des témoins ne parlant pas la langue française, le président de la Cour d'assises a nommé pour la traduction des diverses langues employées, un interprète qui a prêté le serment prescrit par l'art. 332, il en résulte également que l'interprète n'a traduit que la déposition d'un seul des cinq témoins qui ont été entendus; que, cependant, les dépositions des quatre

1 et 2. V. sur ces deux points non résolus par l'arrêt nos observations à la suite de cette décision (§ II et III).

autres témoins devaient être également traduites dans l'intérêt soit de l'accusé qui ne parlait pas la langue française, soit dans celui des magistrats et assesseurs composant la Cour d'assises, dont la plupart pouvaient ne point entendre la langue des témoins; attendu que

des termes mêmes du procès-verbal, il résulte que les dispositions de l'art. 332 applicables à tous les actes de la procédure, n'ont pas été observées; que ces dispositions sont prescrites à peine de nullité et que leur inobservation entraîne l'annulation des débats et de tout ce qui les a suivis; ainsi jugé, etc.

casse, etc.;

Du 28 fév. 1878. . C. de cass. M. de Carnières, prés. M. Vente, rapp. M. Lacointa, av. gén. Mes Horteloup et Laneyrie, av.

OBSERVATIONS. I. Le moyen de nullité sur lequel statue l'arrêt ci-dessus est intéressant à noter: autrefois, en effet, la jurisprudence admettait d'une manière constante que, par cela seul que le procèsverbal des débats constatait que l'interprète avait prêté serment et qu'il résultait de ses diverses énonciations, alors même que cela n'était pas expressément énoncé, qu'il avait assisté aux diverses parties du débat, il y avait présomption qu'il avait prêté son ministère toutes les fois que cela avait été nécessaire (V. C. de cass., 18 mai 1860, B. no 125, et 16 sept. 1869, B., no 214). Mais la Cour suprême admet aujourd'hui que cette présomption peut être détruite par une énonciation contraire du procès-verbal. C'est là une jurisprudence nouvelle inaugurée par un arrêt du 8 juin 1877, (J. cr., art. 10099) et affirmée non-seulement par cinq autres arrêts du même jour, 8 juin 1877, mais encore, et depuis, par un arrêt du 31 janvier 1878, et par celui que nous rapportons. On comprend qu'en présence de cette jurisprudence, les termes de chaque procès-verbal doivent être, dans des espèces de ce genre, scrupuleusement examinés pour savoir s'il en résulte que les dépositions des témoins ont été suffisamment traduites. Les arrêts des 8 juin 1877 et 31 janv. 1878 ont eu soin de relater les passages essentiels des procès-verbaux qui étaient soumis à la Cour. Il n'est donc pas inutile d'indiquer ici le passage du procèsverbal des débats d'où, dans l'espèce actuelle, l'on induisait la nullité sur laquelle a statué l'arrêt ci-dessus; il est ainsi conçu :

« Les témoins ont déposé oralement, après avoir prêté le serment prescrit par l'art. 317 du C. d'inst. crim. et avoir répondu à toutes les questions posées en conformité du § 2 dudit article; un d'entre eux à l'aide de l'interprète. » Or, disait le pourvoi, si l'interprète n'est intervenu qu'au moment de l'audition de l'un seulement des témoins, il est évident qu'il n'a pas prêté son ministère lors de la déposition des autres témoins. Il est donc certain que l'accusé, qui était Indien et ne comprenait pas le français (cela résultait du procès-verbal), n'a pas compris les dépositions de ceux des témoins qui ont déposé en français, sauf l'unique déposition qui avait été traduite, ou que la Cour n'a pas compris les dépositions des autres témoins qui ont déposé en langue tamoule. En d'autres termes, comme le dit l'arrêt, les dépositions des témoins devaient être toutes traduites, soit dans l'intérêt de l'accusé, soit dans celui de la Cour.

Il n'est pas inutile, d'ailleurs, de remarquer que la preuve résultant des énonciations de cette nature est tellement forte, qu'elle détruit même les énonciations contraires du procès-verbal. Dans

l'affaire qui a donné lieu à l'arrêt du 8 juin 1877, par exemple, le procès-verbal énonçait, à la fin de chaque audience, que l'interprète avait prêté le concours de son ministère quand il avait été utile. Néanmoins la Cour a cassé parce que le procès-verbal disait : « La plupart des témoins étant d'origine arabe et ne parlant pas le français, ont été entendus par l'intermédiaire de l'interprète judiciaire susdésigné, » et qu'il résultait de cette formule que les dépositions des autres témoins, faites en français, n'avaient pas été traduites, ce qui était indispensable pour l'accusé arabe et ne comprenant pas le français.

Ajoutons que depuis l'arrêt que nous rapportons, la Cour de cassation a persévéré dans sa jurisprudence par deux arrêts du 21 mars 1878, l'un au rapport de M. le conseiller Thiriot sur le pourvoi du nommé Sougalarayen, et l'autre sur le pourvoi de Nallatambi au rapport de M. Sallantin.

ÍÍ. En dehors de la question ainsi tranchée par la Cour de cassation, les avocats chargés du pourvoi avaient proposé des moyens de cassation que la Cour n'a pas eu à examiner, mais qui nous paraissent mériter d'attirer notre attention.

L'un d'eux soulevait une question absolument nouvelle et relative à la forme dans laquelle avaient été envoyées les pièces composant le dossier. L'art. 59 du décret du 18 juin 1811, contenant règlement pour l'administration de la justice en matière criminelle et tarif général des frais, est ainsi conçu : « Toutes les fois qu'une procédure en matière criminelle, de police correctionnelle ou de simple police devra être transmise à quelque cour ou tribunal que ce soit ou à notre grand juge, Ministre de la justice, la procédure et les pièces seront envoyées en minutes sans en excepter aucune 1.... » Or, le dossier de l'affaire soumis la Cour ne contenait aucune pièce en minute et était exclusivement composé de copies certifiées par le greffier en chef de la Cour de Saint-Pierre. Le pourvoi demandait à la Cour suprême de surseoir à statuer jusqu'à ce que le dossier fût régularisé à ce point de vue et, au besoin, d'ordonner l'apport des minutes: on faisait remarquer combien il est important, pour apprécier la régularité de la procédure en matière criminelle, que la Cour ait sous les yeux non pas les pièces interprétées, même de très-bonne foi, par le copiste, mais la physionomie mêine des pièces du dossier. On rappelait notamment que par arrêt du 19 janv. 1877 (J. cr., art. 10110), la Cour avait cassé un arrêt rendu par une Cour d'assises coloniale parce que les questions posées à cette Cour étaient non pas signées, mais simplement paraphées par le président des assises, fait que la vue seule des minutes avait pu révéler à la Cour suprême.

M. le conseiller rapporteur et M. l'avocat général ont l'un et l'autre exprimé la pensée que, quelle que fût l'importance de l'inspection des minutes de chacune des pièces, la règle posée par l'art. 59 du décret de 1811 n'avait qu'un caractère administratif et que son exécution concernait uniquement la chancellerie, sans que la Cour suprême dût

la contrôler.

1. Le décret de 1811 a été promulgué et déclaré applicable à la Martinique par décret colonial du 13 août 1835 : il pouvait donc, avec juste raison, être invoqué en la cause.

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