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Nous souhaitons vivement que l'examen de ce traité puisse être enfin abordé par la Chambre et que les progrès qu'il est destiné à réaliser ne soient pas plus longtemps retardés.

Nous ne faisons que signaler deux autres traités d'extraditions conclus : l'un, le 28 mars 1877, avec le Danemark; l'autre, le 14 décembre 1877, avec l'Espagne.

Ces traités seront prochainement soumis aux Chambres : nous aurons alors l'occasion de les examiner,

II.

Les colonies ont été l'objet particulier de plusieurs dispositions législatives importantes.

Nous avons déjà rendu compte des travaux qui ont précédé et amené la loi du 8 janvier 1877 substituant au Code pénal colonial le Code métropolitain 7.

Nous avons dit comment cette loi, applicable seulement à la Martinique, à la Guadeloupe et à la Réunion, a été, sauf une disposition

Art. 15. Si dans une cause pénale, la comparution personnelle d'un témoin est nécessaire, le gouvernement du pays où réside le témoin l'engagera à se rendre à l'invitation qui lui sera faite. Dans ce cas, des frais de voyage et de séjour, calculés depuis sa résidence, lui seront accordés d'après les tarifs et règlements en vigueur dans le pays où l'audition devra avoir lieu, il pourra lui être fait, sur sa demande, par les soins des magistrats de sa résidence, l'avance de tout ou partie des frais de voyage, qui seront ensuite remboursés par le gouvernement intéressé. Aucun témoin, quelle que soit sa nationalité, qui, cité dans l'un des deux pays, comparaîtra volontairement devant les juges de l'autre pays, ne pourra y être poursuivi ou détenu pour des faits ou condamnations criminels antérieurs, ni sous prétexte de complicité dans les faits, objets du procès où il figurera comme témoin.

Art. 16. Il est formellement stipulé que l'extradition par voie de transit à travers le territoire de l'une des parties contractantes d'un individu livré à l'autre partie sera accordée sur la simple production en original ou en expédition authentique, de l'un des actes de procédure mentionnés à l'art. 5, pourvu que le fait servant de base à l'extradition soit compris dans le présent traité et ne rentre pas dans les prévisions des art. 13 et 11.

Art. 17.

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La présente convention sera exécutoire dix jours après la publication qui en sera faite dans les formes prescrites par les lois des deux pays.

Elle demeurera en vigueur jusqu'à l'expiration d'une année à compter du jour où l'une des hautes parties contractantes aura déclaré vouloir en faire cesser les effets.

Elle sera ratifiée et les ratifications en seront échangées le plus tôt que faire se pourra.

Est abrogé l'art. 18 de la convention relative à l'Union douanière et aux rapports de voisinage entre la France et la principauté de Monaco, conclue le 9 novembre 1865.

7. V. le texte de la loi du 8 janv. 1877 et notre Commentaire; J. cr., art. 10022.

J. cr., JANVIER 1878.

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spéciale (art. 4), étendue par deux décrets du 6 mars 1877 aux colonies de l'Inde, du Sénégal, de Saint-Pierre et Miquelon, de Mayotte et de Nossi-Bé, de la Cochinchine, de la Nouvelle-Calédonie et de l'Océanie. Il nous reste à parler des décrets qui ont complété, sur ce point, assimilation entre la mère patrie et la France coloniale.

Un troisième décret, aussi du 6 mars 1877, a déclaré la loi du janvier 1877 applicable en son entier à la Guyane française 3.

Le 20 septembre 1877, un décret a modifié pour certaines colonies et a raison des distances, le délai imparti au gouverneur pour faire convertir en décrets du chef de l'Etat les arrêtés et les décisions édictant des peines pécuniaires ou corporelles qui excéderaient celles du droit commun.

Ce délai a été porté à six mois pour la Cochinchine, Mayotte et Nossi-Bé, et à huit mois pour la Nouvelle-Calédonie et Taïti 9.

Comme conséquence de la promulgation du Code pénal métropolitain, diverses lois spéciales ont elles-mêmes été étendues aux colonies, telles sont :

La loi du 27 juin 1866 portant modification des art. 5, 6, 7 et 187 du C. d'inst. crim. 10.

Celle toute récente du 28 juin 1877 modificative des art. 420 et 421 du même Code 11 et qu'un décret a étendue aux colonies de la Martinique, la Guadeloupe, la Réunion, la Guyane, du Sénégal et dépendances et des îles Saint-Pierre et Miquelon1, qui seules jouissent des lois métropolitaines au point de vue du pourvoi en cassation en matière correctionnelle et criminelle.

Nous espérons voir les autres colonies bénéficier bientôt de ces lois et en même temps des dispositions de la loi nouvelle.

Celle du 20 mai 1863 sur l'instruction des flagrants délits devant les tribunaux correctionnels déclarée applicable aux colonies de la Guyane, du Sénégal, de l'Inde, de Mayotte et dépendances et de SaintPierre et Miquelon 13.

Les changements apportés par la promulgation du Code pénal

8. J. off. du 5 mars 1877.
9. B. des Lois, 352, no 6295.

10. Décret du 14 nov. 1876 :

Art. 1er.

La loi du 27 juin 1866, portant modification des art. 5, 6, 7 et 187 du Code d'instruction criminelle, est déclarée applicable aux colonies.

Art. 2. Le ministre de la marine, etc.

11. V. J. cr., art. 9894, et suprà, note 2.

12. Décret du 5 sept. 1877, B. des Lois, 351, no 6285.

13. Décret du 4 oct. 1877, B. des Lois, 353, no 6308.

métropolitain à la quotité des peines appliquées sur les territoire coloniaux, a nécessité une modification du Code d'instruction criminelle colonial quant aux taux du dernier ressort en matière correctionnelle; aussi un décret du 9 septembre 1877 a-t-il étendu les dispositions de l'art. 172 du C. d'instr. crim. métropolitain aux colonies de la Martinique, de la Guadeloupe et de la Réunion 1.

Un décret du 4 août 187715 a également rendu applicable aux mêmes colonies les dispositions du décret du 30 août 1875 réglant, en exécution de la loi du 23 janvier 1874 16, le mode d'exercice de la surveillance de la haute police.

Avant de quitter les colonies, nous devons dire quelques mots d'un projet de loi qui a été repoussé, mais à l'occasion duquel se sont soulevées de très-intéressantes questions de droit pénal.

Le gouvernement, sur le vœu exprimé par le conseil général de la Martinique, avait présenté au Sénat un projet de loi déclarant l'art. 408 du Code pénal applicable aux détournements et dilapidations qui seraient commis sur les domaines situés aux colonies et hypothéqués à une société anonyme, le Crédit foncier colonial.

Dans la discussion qui s'est engagée au Sénat et dans le sein de la Commission sénatoriale, les hésitations et les scrupules juridiques de plusieurs membres ont amené de notables modifications au projet du gouvernement.

On a tout d'abord fait observer avec beaucoup de raison que la proposition présentée tendait à appliquer une disposition pénale à un fait absolument différent de celui prévu par cette disposition même, car l'art. 408 du Code pénal prévoit le divertissement, la dilapidation de la chose d'autrui, tandis qu'au contraire, le projet prévoyait le détournement, la dilapidation du propriétaire sur sa propre chose.

Pour débarrasser le sujet des difficultés qui auraient pu se produire,

14. Décret du 9 sept. 1877 :

Art. 1er. Les jugements rendus en matière de police par les juges de paix des colonies de la Martinique, de la Guadeloupe et de la Reunion, y compris ceux qui seront prononcés par application de l'art. 5 de la loi du 8 janv. 1877, pourront être attaqués par la voie de l'appel lorsqu'ils prononceront un emprisonnement, ou lorsque les amendes, restitutions et autres réparations civiles excéderont la somme de 5 fr. outre les dépens.

L'art. 172 des ordonnances du 19 déc. 1827 et du 12 oct. 1828, portant application sous certaines modifications du C. d'inst. crim. métropolitain, la première à l'île de la Réunion, la seconde à l'île de la Martinique et à l'île de la Guadeloupe et ses dépendances, est abrogé.

15. Décret du 4 août 1877, B. des Lois, 348, no 6196.

16. V. cette loi, J. cr., art. 9765, p. 4.

des questions d'assimilation qu'on aurait pu agiter devant les tribunaux, on a pensé qu'il convenait d'édicter une pénalité spéciale frappant les détournements et dilapidations commises par le propriétaire sur sa propriété hypothéquée.

Puis, ne voulant pas créer un monopole pénal au profit d'une société particulière, le Sénat a étendu le bénéfice du projet de loi à tous les prêteurs, à tous les créanciers hypothécaires.

Le projet modifié par le Sénat était ainsi conçu :

« Art. 1er. Sera puni d'un emprisonnement d'un mois au moins, d'un an au plus, ou d'une amende de 16 à 500 fr., tout propriétaire, usufruitier, gérant, administrateur, ou tout autre représentant du propriétaire, tout fermier, métayer, ou locataire des propriétés hypothéquées sises dans les colonies qui aura frauduleusement détourné ou dissipé, en tout ou en partie au préjudice du créancier, hypothécaire, les matériaux faisant partie des constructions, les animaux, instruments ou objets d'exploitation placés à titre d'immeubles par destination sur la propriété hypothéquée.

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« Art. 2. L'article 463 du Code pénal est applicable aux cas prévus par la présente loi. »>

Mais, même après ces modifications, il présentait de très-grands inconvénients, et M. Le Royer disait avec raison: « Je vous avoue que, considérer comme un délit le fait de la disposition de sa chose, contrairement à un contrat civil, me paraît une énormité en droit pénal 17. »

Lorsqu'elle s'est présentée devant la Chambre des députés, la question n'avait plus le caractère particulier et restreint à une société financière que lui avait impliqué le gouvernement dans son projet ; modifié par le Sénat, ce projet avait un caractère plus général, devenait applicable à toutes les colonies et non plus, seulement, à celles dans lesquelles existe le Crédit foncier colonial (Guadeloupe, Martinique et Réunion), et ne se trouvait plus limité dans la durée de son application à la durée même de cette société.

Aussi souleva-t-il de nombreuses protestations 18 et fut-il l'objet de critiques très-vives et, nous devons le dire, justement fondées.

Au moment où le pouvoir législatif était saisi du projet de loi ayant pour but d'appliquer aux colonies le Code pénal métropolitain 19, il parut plus grave encore d'édicter une disposition aussi contraire

17. Séance du Sénat du 25 juil. 1876.

18. De la part notamment des députés de la Réunion, de la Guadeloupe et des Indes, MM. de Mahy, Lacascade et Godin.

19. Loi du 8 janv. 1867, J. cr., art. 10022.

aux principes mêmes de notre droit criminel, et applicable seulement à la France coloniale.

Punir de la prison et de l'amende l'emprunteur ou mieux le débiteur, quel qu'il soit, la loi ne distinguant pas entre l'hypothèque conventionnelle, judiciaire ou légale, le punir de peines correctionnelles a paru excessif alors qu'aucune peine correctionnelle, ni même la contrainte par corps supprimée en matière civile 20, ne serait applicable à un fait bien plus grave, le stellionat qui consiste nonseulement à dissimuler en tout ou en partie les hypothèques dont un bien est grevé, mais encore à hypothéquer et à vendre un immeuble dont on sait n'être pas propriétaire.

Aussi, ce projet présenté dans l'intérêt d'une compagnie financière, puis devenu une mesure générale, a-t-il été repoussé par la Chambre des députés, en sorte que les prêteurs restent, aux colonies comme sur le continent, protégés par les seuls principes de la loi civile et par les garanties spéciales accordées au Crédit foncier par le décret du 28 février 1852.

Nous ne pouvons qu'approuver le rejet de cette proposition.

La loi criminelle, en effet, ne peut intervenir pour réprimer l'abus que le propriétaire fait de sa chose que lorsqu'il n'a plus la libre possession de celle-ci, lorsqu'elle est, par exemple, placée par la saisie sous la main de justice et confiée à un gardien, serait-ce à luimême, ou lorsqu'elle a été remise en gage par lui pour assurer le paiement de sa dette (art. 400, C. pén.).

Mais on ne saurait admettre, sans des nécessités plus graves que celles invoquées à l'appui du projet, que le débiteur, quelle que soit d'ailleurs sa solvabilité, quelle que soit l'importance de l'objet diverti ou détruit par lui, puisse être l'objet d'une répression pénale pour avoir disposé de choses qui lui appartiennent, dont il a la possession et la libre jouissance.

III.

II ne nous reste plus à examiner que quelques projets de loi relatifs non plus aux colonies mais à la France continentale, projets dont quelques-uns présentent, il est vrai, un intérêt capital.

Parmi ceux-ci, nous citerons :

Un projet de loi destiné à combler une lacune de notre législation en matière de propriété industrielle et soumis au Sénat par M. Bozérian.

Cette proposition se bornait, dans le principe, a rendre applicables

20. V. Loi du 22 juil. 1867, relative à la contrainte par corps, J. cr., art. 8471, et nos observations sur cette loi, J. cr., art. 8524, p. 8.

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