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traversions les extrêmes frontières, envoyèrent des députations de grands-officiers de leurs couronnes; il ne manquait que des arcs de triomphe pour se croire encore sur le terrain fidèle et soumis de l'ancienne Confédération du Rhin. Après avoir admiré la fameuse chute du Rhin près de Schaffouse, les beaux lacs de Zurich et de Constance, nous arrivâmes dans le Tyrol. Là, les populations saluèrent l'auguste voyageuse avec des transports de joie et d'enthousiasme qui allèrent jusqu'au délire.

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Le Tyrol, que Napoléon, en dépit du vœu des habitants, avait annexé à la Bavière, appartenait encore à cette puissance, mais il allait, dans quelques semaines, faire retour à l'Autriche. Il considéra le passage de Marie-Louise comme un moyen de faire éclater ses sentiments d'affection et de loyauté pour la dynastie des Habsbourg. A Fuessen, à Reitli, à Inspruck, à Salzbourg, l'ivresse fut générale. En vain la neige tombait. Rien ne refroidissait l'enthousiasme. Ce brave et loyal peuple du Tyrol, qu'Alfred de Musset a qualifié de

peuple héroïque et fier,

Montagnard comme l'aigle, et libre comme l'air,

fêtait comme un signal de délivrance l'arrivée de la fille de l'empereur d'Autriche. On dételait les chevaux de sa voiture et de celle de son fils

pour les traîner à bras. C'étaient sur toute la route des feux de joie, des fanfares auxquelles répondaient des troupes de chanteurs, placées comme des échos dans le lointain. Les villes étaient illuminées. A la porte des châteaux où se reposaient la femme et le fils de Napoléon, les Tyroliens montaient la garde avec leurs chapeaux jaunes ornées de plumets verts. Jamais souveraine n'avait reçu plus chaleureux accueil.

Après avoir quitté Salzbourg, Marie-Louise se dirigea sur Vienne par Molck. Elle trouva dans l'abbaye de ce nom le prince Trautmansdorff, grand-écuyer, qui venait lui demander, de la part de l'impératrice d'Autriche, à quelle heure elle se proposait de partir le lendemain. Entre Saint-Poelten et Siegartskirchen, à quatre lieues de Vienne, elle vit apparaître, sur sa route, l'impératrice d'Autriche sa belle-mère, qui arrivait pour lui souhaiter la bienvenue, et qui était accompagnée de la comtesse Lazanski, l'ancienne grande-maîtresse de la maison de MarieLouise, avant son mariage avec Napoléon. Quand les voitures se rencontrèrent, l'impératrice d'Autriche céda la sienne à la duchesse de Montebello et à la comtesse Lazanski, et monta dans celle de sa belle-fille. Le soir même 18 mai 1814 Marie-Louise arrivait au château de Schoenbrunn, terme de son voyage. Elle y fut reçue par les archiducs, ses frères et ses oncles.

Ses sœurs, qui l'attendaient à la porte de son appartement, se jetèrent à son cou, et la félicitèrent de son retour comme d'un heureux miracle. En revoyant les endroits où s'était écoulée son enfance, l'ancienne impératrice des Français sentit se réveiller dans son âme tout son patriotisme allemand.

II

L'ARRIVÉE DE NAPOLÉON A L'ILE D'ELBE.

C'est le 2 mai 1814 que Marie-Louise avait franchi la frontière de la France, où elle ne devait jamais revenir. C'est le lendemain que Napoléon, sur la frégate anglaise l'Undaunted, était arrivé devant l'île d'Elbe. La manière dont il y serait reçu ne laissait pas que de l'inquiéter. La garnison française, commandée par le général Dalesme, gouverneur de l'île, lui remettrait-elle le territoire qu'elle gardait? Parmi les insulaires, les uns voulaient appeler les Anglais, les autres demeurer libres de tout maître. Sur quelques promontoires, on voyait flotter presque à côté l'un de l'autre le drapeau blanc et le drapeau tricolore.

Quand, le 3 mai, à l'entrée de la nuit, la frégate Undaunted approcha de Porto-Ferrajo, elle se mit en panne à un quart de lieue de la ville.

Quelques instants après, il s'en détacha une péniche, dans laquelle se trouvaient le général Drouot, commissaire de l'empereur, le comte Klamm et le lieutenant Smith, porteurs de l'ordre du gouvernement français, qui prescrivait au général Dalesme de remettre au général Drouot le commandement, la possession de l'ile, les forts et les munitions de guerre. Ce dernier, ayant débarqué, reçut du général Dalesme les clés de la ville, les forts et une artillerie de 325 canons. Cette remise une fois faite, le général Dalesme se rendit à bord de la frégate anglaise, avec toutes les autorités locales, qu'il s'empressa de présenter à leur nouveau souverain. Napoléon les questionna sur l'île et sur ses habitants, puis les congédia, après avoir donné au sous-préfet l'ordre de convoquer tous les curés et tous les maires. Déjà la population de Porto-Ferrajo, convaincue que l'empereur apportait de grands trésors, et disposée à le recevoir avec enthousiasme, s'était rassemblée sur la place, et attendait, non sans impatience, son illustre monarque. Mais, à onze heures du soir, Napoléon, après avoir louvoyé autour de l'île, fit dire au général Dalesme que la cérémonie de son entrée serait remise au lendemain 4 mai dans l'après-midi.

Le matin du 4 mai, en lisant sur les murs de Porto-Ferrajo cette proclamation du général Dalesme: «< Habitants de l'île d'Elbe, les vicissitudes humaines ont conduit au milieu de vous

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