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parvenue que par celui dont j'ai profité pour en informer Votre Altesse. »>

Marie-Louise apprit avec beaucoup de peine la mort de sa grand'mère, et malgré le peu de temps que dans sa vie elle avait passé auprès d'elle, sa douleur fut vive et profonde. Avec la reine Marie-Caroline disparaissait une des figures les plus curieuses du siècle.

IV

MARIE-LOUISE A AIX-EN-SAVOIE.

le

Marie-Louise avait quitté Schoenbrunn 29 juin 1814, pour aller prendre les eaux d'Aixen-Savoie. Ce n'était pas sans difficulté qu'elle avait obtenu l'autorisation de son père, avant d'entreprendre un voyage qui ne laissait pas que d'être étrange. En 1814, la Savoie appartenait encore à la France, et l'ancienne impératrice des Français allait habiter, en simple particulière, une ville dont elle était la souveraine trois mois auparavant. Napoléon sentait très bien ce qu'il y avait d'anormal dans un pareil séjour. Le général Bertrand écrivait, de Porto-Ferrajo, à M. de Méneval, le 3 juillet 1814 : « Si l'impératrice a attendu à Vienne la réponse à sa lettre, l'empereur désire qu'elle n'aille pas à Aix, et, si elle y est déjà rendue, qu'elle n'y passe qu'une saison, et qu'elle revienne, le plus tôt possible,

en Toscane, où il y a des eaux qui ont les mêmes qualités que celles d'Aix. Elles sont plus près de nous, de Parme, et elles donneront à l'impératrice le moyen d'avoir son fils auprès d'elle. Quand M. Corvisart conseillait les eaux d'Aix, il raisonnait comme si on était à Paris; d'ailleurs, il ne connaissait pas les eaux de Toscane, qui ont les mêmes propriétés. Le voyage d'Aix plaît d'autant moins à l'empereur qu'il n'y a plus probablement de troupes autrichiennes, et qu'alors l'impératrice peut être exposée aux insultes de quelques aventuriers, et que, d'ailleurs, ce voisinage ne doit pas plaire aux souverains de ce pays. Il n'y a aucun de ces inconvénients en Toscane. »

Marie-Louise s'était bien gardée d'attendre l'autorisation de son époux pour se mettre en route. Elle tenait absolument à se rendre à Aixen-Savoie, dont elle croyait les eaux indispensables à sa santé, et où elle avait donné rendez-vous à la duchesse de Montebello, qu'elle considérait alors comme sa meilleure amie. Elle laissa son fils à Schoenbrunn, sous la garde de la comtesse de Montesquiou, et partit, accompagnée du baron de Méneval et de la comtesse de Brignole. Elle voyageait sous le nom de comtesse de Colorno, qui était le nom d'un de ses châteaux du duché de Parme. En passant par Munich, elle trouva au relai de poste le prince Eugène de Beauharnais et sa femme, qui la fi

rent souper avec eux et la princesse royale de Wurtemberg, destinée à devenir bientôt la quatrième femme de l'empereur d'Autriche.

Le 10 juillet, Marie-Louise arrivait à l'auberge de Sécheron, à la porte de Genève. Elle y vit son beau-frère, le roi Joseph, qui habitait alors la villa Prangins, sur les bords du lac, et qui lui fit le meilleur accueil. Comme elle paraissait regretter de ne pas avoir donné des ordres pour avoir des chevaux de selle pendant son séjour à Aix-en-Savoie, Joseph lui offrit un des siens qui pouvait lui convenir, et, pendant tout le voyage, elle n'en monta pas d'autre. Elle fit à Chamouny et dans les environs, une excursion qui dura six jours. Le 17 juillet elle arrivait à Aix-en-Savoie.

Au moment où elle allait entrer dans la ville, un homme à cheval, en uniforme de général autrichien, se présenta devant elle, et, après lui avoir fait un profond salut, l'escorta. Sans doute, elle aurait été bien surprise, si quelqu'un lui avait prédit le rôle que cet homme devait jouer dans son existence. Il avait quarante-deux ans vingt ans de plus qu'elle. Il était borgne. Un bandeau noir cachait la profonde cicatrice de la blessure qui l'avait privé d'un œil. Son aspect, au premier abord, n'était rien moins que séduisant. Il se nommait le général comte de Neipperg. Il avait rempli auprès de Marie-Louise les fonctions de chambellan, pendant le séjour

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