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core, à l'époque du congrès de Vienne, aussi considérables que celles d'aucun autre établissement semblable en Europe. Par suite du nouveau démembrement de la Pologne, elles se trouvaient réparties sur les divers territoires de Cracovie, du royaume de Pologne, de l'Autriche, de la Prusse et de la Russie; elles formaient un capital qui, sur le territoire de Cracovie, se montait, tant en revenus de terres qu'en rentes perpétuelles, à 575,580 florins de Pologne, et 993 ducats; dans le royaume de Pologne à 1,022,987 florins, 4,193 ducats, 5,169 marcs d'argent; dans l'empire de Russie à 400,000 florins, 3,000 ducats ; dans l'empire d'Autriche à 1,946,787 florins, 13,150 ducats et 2,201 marcs d'argent; en Prusse enfin à 59,994 florins et 300 marcs; c'est-à-dire à un total de 4,769,600 florins, près de trois millions de francs, en évaluant les ducats et les marcs d'après leur cours. En outre, les dîmes à percevoir par l'Université formaient un revenu annuel de 19,466 florins; les redevances de ses fermages un revenu de 72,084 florins; quatre-vingt-huit bénéfices, dont la nomination dépendait d'elle, lui rapportaient 60,000 florins: on estimait ses biens territoriaux ( 9 villages) à 409,000 florins; enfin, le revenu des bâtiments de l'Université non occupés par les établissements et musées, produisait annuellement 2,157 florins, ce qui, calculé sur le pied de 5 pour cent et ajouté aux sommes mentionnées plus haut, élevait le capital des biens de l'Université de Cracovie à la somme totale de 8,234,762 florins, c'est-à-dire, à plus de cinq millions de francs'. Il serait superflu de s'étendre ici sur l'importance d'un établissement scientifique du premier ordre, possédant des ressources matérielles aussi considérables, et dont les priviléges et la sphère d'activité se trouvaient garantis par des traités solennels.

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Examinons maintenant ce que la Commission organisatrice a

Le calcul susmentionné est fondé sur un travail fait en 1836 par ordre de la cour des comptes de Cracovie.

fait pour cette institution dont la prospérité se liait si indissolublement à celle du nouvel état de Cracovie.

Si l'article x du traité additionnel, concernant les relations commerciales de Cracovie, fut mis en oubli par la Commission, l'article xv, relatif à l'Université, fut au contraire amplement développé par elle. Cet établissement se trouvait, en 1815, dans une position peu avantageuse sous plusieurs rapports. A la suite de l'incorporation de Cracovie au duché de Varsovie, en 1809, une réaction politique, naturelle mais momentanément fâcheuse, avait éloigné des chaires de l'Université la plupart des anciens professeurs qui étaient autrichiens, et le besoin d'ouvrir au plus vite les cours d'études avait forcé la direction de l'instruction publique de confier ces places à des sujets souvent peu propres à les bien remplir. Il était donc urgent de commencer la réorganisation de l'Université de Cracovie par une sage épuration du corps des professeurs, d'appeler dans son sein des hommes vraiment dignes et renommés par leur science, et de confier ensuite à ce corps nouveau de professeurs le soin de rédiger les modifications à introduire dans le règlement intérieur de l'Université.

La Commission livra l'organisation de l'Université au commissaire prussien baron de Reibnitz, qui, lié d'amitié avec le recteur de cet établissement, gagné par ses instances et même séduit, dit-on, par des motifs moins purs, employa toute son influence auprès de la Commission pour rédiger les statuts de l'Université d'après les besoins et les intérêts personnels du corps des professeurs de cette époque. En vertu de ces statuts, la hiérarchie universitaire ainsi que le plan des études furent dérobés non-seulement à la surveillance, mais même à toute influence de l'autorité suprême du pays. Le recteur de l'Université devint une sorte de proconsul scolaire, juge de toutes les infractions aux lois qui pourraient être commises soit par les membres de l'Université, soit par la jeunesse des écoles,

tant au dedans qu'au dehors de leur enceinte, juge en dernière instance et sans appel. Le plan des études fut abandonné à la décision de chaque professeur pour sa partie. Le budget de l'Université, qui assurait à ses membres de fortes pensions, fut arrêté en même temps que les statuts, avec injonction de ne point le changer sans l'assentiment des trois puissances protectrices; en un mot, les statuts firent de la hiérarchie universitaire une sorte de gouvernement indépendant, un état dans l'état, et devinrent le germe de ces débats scandaleux qui durent amener bientôt l'intervention des puissances, et furent ainsi la première cause de la violation de l'indépendance politique du pays. On se demande sans doute comment une pareille organisation a pu être adoptée dans un pays qui possédait déjà un gouvernement constitué; comment ce gouvernement a pu ne pas y apporter l'attention nécessaire; pourquoi il n'a pas employé son influence et son autorité à modifier un ordre de choses qui mettait en question les intérêts les plus précieux de l'état. L'explication de cette énigme exigerait de longs détails sur le caractère et la capacité des personnages qui formaient alors le gouvernement de Cracovie; nous nous bornerons donc à dire que c'étaient en général des hommes bons, loyaux, mais de peu de portée dans l'esprit, ayant confiance entière dans la Commission organisatrice, persuadés qu'elle n'agissait que d'après la volonté expresse des trois Cours, convaincus d'ailleurs que cette volonté avait le droit de remplacer jusqu'aux stipulations du traité de Vienne lui-même; enfin, que tout effort pour se mettre en opposition avec elle serait non-seulement inutile, mais préjudiciable aux intérêts bien entendus du nouvel état. Le Gouvernement de Cracovie considérait d'ailleurs cette organisation de l'Université comme un objet secondaire, et semble n'avoir pas compris combien la solution convenable de cette question se liait au bien-être matériel et moral des habitants, et même à l'existence politique

la

du pays; il ne supposa jamais que l'organisation défectueuse de l'Université pût amener des résultats aussi fâcheux pour chose publique que ceux que l'on vit par la suite. De plus, à l'époque où la commission organisatrice ou plutôt le comité des professeurs s'occupait de l'organisation de l'Université, l'attention du gouvernement était absorbée par l'organisation de la Chambre des représentants, pouvoir dont il ne savait comment concilier les prérogatives tracées par la Constitution avec celles qu'on s'efforçait de conserver au Gouvernement lui-même.

L'organisation de l'Université fut ainsi décrétée, transformée en statut organique, et confiée, pour son exécution, au Gouvernement, sans provoquer aucune représentation de la part de ce dernier. Il nous reste à dire quel sort échut aux priviléges et aux biens-fonds de l'Université, et ce qu'il arriva de la faculté promise à la jeunesse des pays limitrophes d'y faire ses études. Quant aux priviléges, nous avons dit plus haut qu'un seul fut conservé, celui qui conférait à l'Université le titre d'Université Jagellonienne. Pour les biens, la Commission organisatrice, ayant assuré aux professeurs des pensions considérables sur le trésor public, fit ainsi taire toute réclamation de leur part sur ce qui touchait au reste de la dotation universitaire. Et en effet, le statut rédigé par eux ne contient même aucune mention de cet objet. Le Sénat fit à la vérité, vers la même époque, des représentations à la Commission organisatrice, pour réclamer les propriétés conservées à l'Université par l'article xv du traité additionnel, quoique situées sur le territoire des trois Cours protectrices; mais dans les réponses qu'il reçut, on put dès lors reconnaître le ton de ceux qui se sentent les plus forts, et se croient par conséquent le droit d'admettre ou de rejeter la demande du faible, fût-elle fondée sur la plus rigoureuse justice. Le gouvernement russe fut le premier à se refuser à la restitution des biens de l'Université situés sur son territoire; il déclara que, dans son opi

nion, l'article xv du traité ne garantissait à l'Université que les capitaux et les biens situés sur le territoire de Cracovie '.

Le gouvernement autrichien motiva son refus sur une interprétation également sophistique de l'article xv du traité. Il la prétendait que cet article ne reconnaissait à l'Université que jouissance des biens qu'elle avait possédés d'une manière incontestée, à l'époque même du congrès de Vienne'; puis il affirmait que tous les biens-fonds et capitaux de l'Université placés en Gallicie se trouvaient déjà à cette époque aliénés, et s'appuyait sur ce que le traité de 1809 n'avait rien stipulé à leur égard 3.

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Enfin le gouvernement prussien reconnut de prime abord les droits de l'Université et promit de lui rendre ses biens 4, mais se ravisant un an plus tard, il déclara qu'après un plus mûr examen de l'affaire, il s'était convaincu que l'Université de Cracovie n'avait pas le droit de réclamer du magistrat de Dantzick la somme de 3,333 ducats, parce que 1o. le traité de Vienne ne maintenait l'Université que dans la propriété des terres et des capitaux hypothéqués, tandis que la somme en question provenant d'un don volontaire de la ville de Dantzick, n'avait jamais été de cette nature; 2°. parce que cette somme se trouve reconnue comme actif du trésor prussien par l'article xiii de la convention du 26 janvier 1797, entre la Russie et la Prusse, stipulation contre laquelle l'Université de Cracovie n'avait fait

Rescrit du prince lieutenant du royaume de Pologne en date du 25 janvier 1817.

* Rescrit de la Commission organisatrice du 13 juillet 1816.

3 Les terres et les capitaux formant la propriété universitaire dans la Gallicie autrichienne n'avaient jamais été aliénés, et jusqu'en 1815 l'Université se trouvait en leur possession incontestable; quoi qu'ils se trouvassent administrés par le gouvernement autrichien, aucun acte public n'avait jamais signalé leur aliénation; assurément le silence du traité de 1809 ne pouvait en tenir lieu.

4 Réponse du ministère des affaires étrangères de Prusse en date de Berlin, du 24 juin 1818.

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