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tiennent, à l'égal des trois puissances voisines de Cracovie, des représentants accrédités auprès de cet État. >>

Telles sont les demandes des habitants de Cracovie. L'examen impartial des faits racontés dans le Mémoire qui suit, prouvera que ces demandes sont indiquées par la plus urgente nécessité, et que ces mesures peuvent seules porter remède au mal.

Je n'ajouterai qu'un mot : Ceux qui sont informés de l'historique des faits dont Cracovie fut récemment le théâtre, pourront observer de nombreuses omissions dans le Mémoire que je présente au public. Au nombre de ces omissions, je me hâte de le remarquer, se trouve l'épisode entier de la persécution exercée contre le vénérable évêque de Cracovie, de sa résistance et de son expulsion, mesure, dont la violence et le machiavélisme ne sont égalés que par la résignation indomptable du digne prélat, le deuil et le dommage causé aux fidèles et à l'Église par son absence prolongée. Cette circonstance et d'autres, qui n'ont cessé de causer des perturbations plus ou moins graves, ont été omises ici parce que ce Mémoire a eu pour but exclusif d'appuyer les demandes adressées aux gouvernements de France et d'Angleterre par les habitants de Cracovie.

pour

Il a dû cela être renfermé dans les limites que ces demandes mêines avaient tracées, et qui ne portent que

sur des points susceptibles de devenir l'objet de démarches diplomatiques de la part des puissances signataires du traité de Vienne.

Puisse la Providence inspirer favorablement celles de ces puissances en qui nous avons placé notre espoir!

MÉMOIRE

SUR

L'ÉTAT ACTUEL DE LA VILLE LIBRE

DE CRACOVIE.

DANS la déclaration de Chaumont, publiée le 10 mars 1814, par les puissances alliées, c'est-à-dire la Russie, l'Autriche, la Prusse et l'Angleterre, on lit les paroles suivantes :

<«< Les nations respecteraient désormais leur indépendance réciproque ;... on n'élèverait plus d'édifices politiques sur les ruines d'états jadis indépendants et heureux;... l'alliance des monarques les plus puissants de la terre avait pour but de prévenir les envahissements qui, depuis tant d'années, avaient désolé le monde,... et enfin » une paix générale, digne fruit de leur alliance et de leurs victoires, assurerait les droits, l'indépendance et la liberté de toutes les nations... La justice des Gouvernements qui ont garanti ces maximes salutaires pourra être tardive, mais ses résultats s'accompliront tôt ou tard. Le devoir des états faibles et méconnus est de l'invoquer sans cesse et de l'attendre avec confiance et courage. »

Par cette déclaration solennelle, les puissances alliées ont annoncé au monde leur engagement de veiller désormais, nonseulement sur la stricte exécution de leurs traités définitifs, mais aussi sur la liberté et l'indépendance de toutes les nations et des états faibles et méconnus en particulier; indiquant à ces derniers la voie à suivre pour réclamer le redressement de leurs griefs, leur prescrivant le devoir positif d'en appeler sans cesse aux puissances co-signataires, promettant enfin, que tôt

ou tard justice leur sera rendue. C'est en s'acquittant de ce devoir que le peuple cracovien, faible et opprimé, s'adresse à la France et à l'Angleterre, comme à des puissances garantes de son existence et de ses institutions fondées par le congrès de Vienne. Par l'organe de sa chambre des représentants, il avait d'abord présenté la même requête aux trois puissances immédiatement protectrices de son pays; mais leurs résidents, réunis en conférence diplomatique à Cracovie, décidèrent que cette adresse de la représentation nationale ne se qualifiait pas à être mise sous les yeux de leurs souverains, refusant ainsi au peuple cracovien jusqu'au droit de pétition. Un appel aux autres puissances garantes des traités est donc la seule voie qui lui reste; voie extrême, mais décidément la seule qui lui permette d'espérer quelque adoucissement à son sort.

La position tout à fait extraordinaire de l'état soi-disant libre de Cracovie sous le point de vue politique et les maux de ses habitants, même sous le point de vue matériel, paraissent n'avoir pas été jusqu'ici connus dans toute leur étendue par les gouvernements de France et d'Angleterre, si nous en jugeons par les débats parlementaires qui ont eu lieu dans les deux pays à ce sujet. D'ailleurs il n'en pouvait pas être autrement, puisque ces deux gouvernements n'entretiennent à Cracovie ni résidents ni consuls, et qu'ainsi, tous les renseignements qui leur parviennent doivent passer ou par l'entremise des trois puissances protectrices, parties intéressées dans le débat, ou par la voie, souvent inexacte et quelquefois si mensongère, de la presse.

En appuyant aujourd'hui la demande des habitants de Cracovie, qui ont sollicité une intervention des gouvernements de France et d'Angleterre, nous croyons indispensable d'exposer d'abord l'historique précis des vues et des stipulations du congrès de Vienne à l'égard de Cracovie, ainsi que de leur exécution subséquente; nous présenterons ensuite, dans un tableau

exact et fidèle, les empiétements successifs des trois puissances protectrices sur les droits de cette république, et son état actuel, comme étant en contradiction flagrante avec les traités existants et les intérêts les plus essentiels de sa population.

L'existence politique de Cracovie date de l'année 1815. Le traité de Vienne, en assurant la liberté et l'indépendance de ce pays, a défini également ses limites, la forme de son gouvernement et la nature de ses relations avec les puissances voisines. Les causes dont ces stipulations furent la conséquence ont été si légèrement appréciées ou si mal comprises par la plupart des publicistes, que l'Europe semble avoir été induite à ne considérer Cracovie que comme une bizarre anomalie politique, comme le résultat d'un caprice chevaleresque de l'empereur Alexandre, qui, ayant amené les autres puissances à souscrire à un nouveau partage de la Pologne, se plut en même temps à conserver Cracovie comme le foyer et le siége de l'ancienne nationalité de ce pays, dont il pourrait se servir comme d'une sorte de démonstration contre l'Autriche '.

Cependant, quand on juge de la destinée d'un état qui, faible débris d'un ancien corps politique, n'a dû son indépendance qu'à des traités à la rédaction desquels il ne prit aucune part, d'un état, dont la circonscription territoriale n'a été motivée

ni

par des limites naturelles, ni par la langue de ses habitants, il semble qu'on devrait mettre d'autant plus de soin à ne pas égarer l'opinion publique à son sujet, que la position ellemême d'un pareil état ne lui laisse d'autre protection que son bon droit. Cette considération, nous l'espérons, nous fera pardonner de nous étendre ici quelque peu sur les causes qui ont donné naissance à la république de Cracovie.

Lors du partage du ci-devant duché de Varsovie et du re

Voyez le Journal des Débats, du 7 mars 1836.

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