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sitions suivantes que nous continuons à mettre en parallèle avec celles qui cessaient d'être en vigueur :

Selon l'article VII de la Constitution, le Sénat gouverne le pays; l'article XII prescrit le mode de voter pour les sénateurs et fixe le nombre des votants nécessaire pour que la décision soit obligatoire. La Note du 9 septembre 1837 ordonne que, «dans des circonstances graves, » que l'on se garde de préciser, une décision prise par le Sénat au complet, pourra être suspendue dans son exécution par le président, qui est tenu, dans ce cas, de faire son rapport à la conférence des résidents. Ceux-ci auront plein pouvoir de statuer définitivement sur la matière.

Selon l'article XI de la Constitution, le Sénat nomme à tous les emplois, ceux de maires, juges et sénateurs seuls exceptés, qui sont laissés au choix de la Chambre des représentants. La Note du 9 septembre 1837 ordonne que le commandant de la milice et le directeur de la police ne pourront être ni nommés, ni suspendus, ni révoqués de leurs fonctions par le Sénat, sans que le président ne se soit préalablement concerté à cet effet avec les résidents.

D'après l'article xv de la Constitution, le Sénat a le droit de déléguer deux de ses membres pour faire partie de la Chambre des représentants, et son droit à cet égard n'est soumis à aucune restriction. L'article XII dų statut organique amendé par la conférence en 1837, prescrit au contraire, que le Sénat sera tenu, avant de procéder à ce choix, de demander l'avis des trois résidents, qui peuvent s'opposer à la délégation de tel ou tel sénateur.

L'article VII de la Constitution porte, que le Sénat gouverne le pays; il est donc nécessairement chargé des attributions inséparables de tout gouvernement, et doit avoir la haute main sur la police qui, sans cela, cesse d'être un instrument d'ordre et de protection pour les gouvernants comme pour les gouvernés. L'article xvi du statut modifié en 1837, met la police en

dehors des attributions du Sénat et en confie la direction exclusivement au président, ce qui, dans l'état actuel des choses à Cracovie, veut dire qu'il la soumet aux résidents. Cette assertion est même directement justifiée par l'article xvII du nouveau statut, qui prévoit le cas où le président du Sénat ordonnerait au directeur de la police quelque chose de contradictoire avec les ordonnances en vigueur, ou qui pourrait nuire au service dont il est chargé; ce fonctionnaire est dès lors ténu de suspendre l'exécution de cet ordre et de s'en référer à la décision des résidents.

Selon l'article XXVI de la Constitution, le maintien de l'ordre public, et par conséquent la direction et l'emploi de la milice du pays, sont confiés au président du Sénat. Le statut amendé autorisé le commandant de cette milice à ne pas obéir aux ordres du président, s'il les trouve en contradiction avec « les règlements en vigueur, » ou préjudiciables au bien du service. Dans l'un et l'autre cas, les résidents se sont réservé la décision suprême.

L'article xv de la Constitution confie au Sénat l'initiative, tant pour les lois nouvelles que pour les amendements à introduire dans celles qui restent en vigueur. L'article xxvi du nouveau statut prescrit, qu'avant d'user de cette prérogative, le Sénat aura à communiquer à la conférence les projets de loi pour qu'ils puissent vérifier s'ils ne renferment rien de contraire à la loi fondamentale et aux bons rapports de la ville libre avec les puissances limitrophes.

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Outre tous ces amendements, d'autres encore, également incompatibles avec l'indépendance d'un gouvernement, furent imposés c'est ainsi que l'article 1v du statut introduit dans les délibérations du Sénat le vote à haute voix, pour que la conférence puisse connaître l'opinion individuelle de chaque sénateur; l'article vi prescrit que les opinions de chacun seront consignées au procès-verbal. L'article XVI autorise le président

à établir un bureau de correspondance diplomatique et de haute police, dont le Sénat n'aura rien à connaître; le même article lui accorde le droit d'arrêter tout individu, l'obligeant seulement à en informer le Sénat dans l'espace de trois jours. L'article xvii établit un fonds spécial à la disposition du président, pour servir à récompenser les fonctionnaires zélés, sans aucune participation du Sénat, et un fonds séparé pour l'établissement d'une police secrète. Enfin l'article xxvi soumet à la censure du président du Sénat les procès-verbaux de la Chambre des représentants, s'ils doivent être imprimés, et soumet cette censure elle-même au contrôle des trois résidents. Il serait superflu de nous étendre davantage sur un pareil ordre de choses.

Mais pour reconnaître toute la portée de l'anarchie que la ville libre de Cracovie est condamnée à subir, il nous faut jeter encore un coup d'œil sur l'organisation nouvelle de la milice et de la police. On se souvient qu'au moment de l'occupation du pays en 1836, la conférence prévint le Sénat que la garnison étrangère ne serait retirée qu'après que les résidents des trois Cours auraient accompli la réorganisation de la police de la ville libre et de sa milice.

Cette Note de la conférence renfermait de plus les bases de cette réorganisation'. Avant d'en venir à l'application de ces principes, la conférence voulut s'assurer du concours d'une personne capable de s'acquitter de la direction de la future police de Cracovie. Pour l'honneur de cette ville, il faut dire que la conférence n'y trouva pas d'individu capable de la satisfaire. Elle insinua donc au Sénat de réclamer l'appui de la conférence pour remédier à cette inhabileté des Cracoviens. Les négociations qui s'ensuivirent, valurent à M. Gut, commissaire de

La Note de la conférence du 2 juin 1836, ainsi que les bases de la réorganisation de la milice et de la police de Cracovie, se trouvent publiées dans la traduction française du Port Folio de Londres, t. IV, p. 85 et suivantes.

police autrichienne à Podgorze, la permission d'échanger sa place contre celle de directeur et organisateur de la police de Cracovie. Il est bon de remarquer, que la nomination de ce personnage, d'une si funeste célébrité depuis, a été due entièrement à la conférence, qui n'a pas même jugé à propos de la faire revêtir de la signature du président du Sénat. Conséquemment, M. Gut ne prêta pas le serment prescrit pour tous les fonctionnaires publics; il ne fut pas rétribué sur le budget de Cracovie; aussi ne se reconnaissait-il ni obligation ni responsabilité envers l'État, dont il était censé fonctionnaire.

Pendant les vingt-cinq ans d'existence politique de Cracovie, on n'y avait jamais entendu parler de complots, de conspirations, ni de menées secrètes contre la sûreté des trois grandes puissances limitrophes. Toute idée pareille semblait inadmissible, ne fût-ce que comme parfaitement ridicule. Deux mois suffirent au nouveau directeur de la police pour découvrir et constater à Cracovie toutes ces énormités. Chaque jour était marqué par une nouvelle visite domiciliaire, ou par des arrestations politiques; et bientôt Cracovie vit non-seulement ses prisons regorger de prisonniers, mais ses principaux hôtels garnis même occupés par ce nouveau genre de locataires. La police traita la ville comme si elle eût été en état de siége; le Gouvernement nominal du pays n'eut même pas la faculté de demander la cause des arrestations, ni de connaître le nombre des prisonniers. Les noms des victimes lui demeuraient inconnus, et pourtant un grand nombre appartenaient à des familles respectables et domiciliées à Cracovie; c'étaient pour la plupart des étudiants de l'Université ou des colléges, âgés généralement de onze à dix-huit ans.

Sans preuves pour charger ses victimes, la police résolut de s'en procurer à tout prix. On employa donc contre les jeunes prisonniers les moyens les plus cruels et les plus vils pour leur arracher des aveux. D'une part les menaces, la faim, les coups;

de l'autre les promesses, l'emploi de boissons spiritueuses et des offres d'argent, amenèrent plusieurs d'entre les détenus à convenir de tout ce qu'on voulut d'eux. Enfin, lorsque la police crut avoir complété son œuvre, il fallait encore la porter devant les tribunaux. La procédure judiciaire fit bientôt justice de ces faussetés. Délivrés du système de terreur qui avait pesé sur eux, les accusés devoilèrent unanimement les moyens dont on s'était servi pour leur arracher des aveux, et l'instruction démontra que que tant de persécutions, de violences et de cruautés, n'aboutissaient pas même à prouver l'existence d'intentions condamnables. L'acquittement des prévenus ne pouvait donc être douteux. Le tribunal criminel de première instance déclara tous les accusés innocents, ordonna leur mise en liberté, et faisant fonction de ministère public, formula une accusation contre le directeur de la police par devant les tribunaux supérieurs, pour abus d'autorité.

Pour jeter encore plus de jour sur l'impartialité de ce jugement, il n'est pas inutile de faire la remarque que la législation pénale autrichienne est obligatoire à Cracovie.

Toutefois, si l'indépendance des tribunaux fut mise au jour dans cette affaire, le sort des accusés ne changea point pour cela. Selon la procédure criminelle en vigueur à Cracovie, le droit d'appel appartient à l'accusé seul; la conférence ordonna, néanmoins, au Sénat d'interjeter appel contre le décret du tribunal de première instance, et à la police de ressaisir et remettre en prison les malheureux accusés. Depuis, et jusqu'au moment où nous écrivons, ces infortunés attendent leur sort, qui, comme nous l'expliquerons plus loin, va désormais dépendre d'une Commission spéciale, composée d'étrangers et convo

Voir les Pièces du procès des étudiants accusés d'appartenir à des sociétés secrètes; entre autres les dépositions de Bylicki et d'autres prisonniers. Les détails dépassent toute idée et constatent un état de choses qui serait incroyable s'il n'était aussi bien constaté.

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