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trouvé possible de prélever sur le pays, au milieu de circonstances bien autrement faites pour favoriser sa prospérité.

« Voilà deux années que, séquestrés en quelque manière dans nos étroites frontières, nos rapports de libre communication ont été interrompus avec les États limitrophes, et surtout avec le royaume de Pologne, en sorteque les produits de notre industrie ont un débit difficile et restreint, tandis que les objets d'exportation des États voisins trouvent un libre marché sur notre place.

<«< L'Université de Cracovie qui, par la fréquentation de la jeunesse des pays limitrophes, conformément au traité de Vienne, aurait pu assurer au pays un certain bien-être et l'avantage d'un mouvement scientifique important, se trouve aujourd'hui dégarnie d'étudiants, par la défense faite à la jeunesse des provinces limitrophes d'y faire ses études. Cette mesure est maintenue, quoique l'Université ait été réorganisée d'après les intentions des Souverains protecteurs, et que les concours pour les chaires de professeurs soient soumis à la décision d'universités situées dans les États des Puissances protectrices de Cracovie.

<«< Comment s'étonner que le crédit, l'industrie et le commerce aient disparu dans ce malheureux pays où chaque mois, apportant de nouveaux changements dans ses institutions, rend son existence toujours plus problématique et plus in

certaine.

<< Bien que la Constitution n'ait éprouvé, en septembre de l'année dernière, que de légères modifications, cependant les changements apportés en même temps dans les statuts organiques ont eu pour effet de créer une foule de pouvoirs et de juridictions indépendantes les unes des autres, de sorte que, dans cette confusion, les habitants de la ville libre de Cracovie et de son territoire ne savent plus à quels pouvoirs ou lois ils doivent avoir recours. Ces changements, ôtant à la Chambre des Représentants l'élection des fonctionnaires publics, attribution qui lui avait été garantie par la Constitution, elle se trouve aujourd'hui privée d'un de ses droits les plus essentiels. Ces changements enfin ont dépouillé le gouvernement de la

force et de la considération morale, si nécessaires au maintien de l'esprit d'ordre, et à la confiance que l'autorité doit inspirer. « L'état des choses introduit en 1833 par la volonté spontanée de nos augustes protecteurs, a été soumis derechef à des modifications d'autant plus inquiétantes que le pays ignore encore jusqu'où elles doivent s'étendre. Les fonctions les plus importantes ont été confiées à des étrangers qui ne sont ni soumis ni responsables à notre gouvernement, et qui même se sont refusés à prêter serment aux lois du pays.

<< Il faut donc que des hommes malveillants et désirant le malheur de ce pays, aient réussi à le rendre suspect auprès de ses augustes protecteurs, pour que, le jugeant indigne des priviléges dont la jouissance lui avait été accordée, les hautes Cours aient trouvé nécessaire d'en soumettre l'exercice à de nouvelles et humiliantes restrictions.

« L'Assemblée des Représentants s'est empressée d'accepter toute proposition où elle a cru apercevoir la volonté de nos augustes protecteurs ; et, dans tous ses actes, elle n'a cessé d'avoir en vue le vif désir de les porter à la connaissance des hautes Cours par l'entremise de leurs Représentants, qui assis taient à ses délibérations.

<< Bien plus, partageant avec la généralité des habitants de cet État cette profonde conviction que tout le bonheur et tout l'avenir de notre pays dépend de ses augustes protecteurs, l'Assemblée des Représentants vient recommander à leurs gracieux et paternels égards le peuple au nom duquel elle élève la voix, et qui, par son mandat, lui a confié ses plus chers intérêts. Elle vient supplier Vos Majestés d'avoir pitié de la misère immense de ce pays, de daigner considérer ses habitants avec les mêmes sentiments de bienveillante générosité qu'elles portent à leurs propres sujets.

<< Nous ne venons, aujourd'hui, réclamer aucune espèce de nouvelle prérogative constitutionnelle; tous nos vœux se réduisent à ceux qu'il est permis de former aux fidèles sujets de Vos Majestés; tous nos désirs ne tendent qu'à pouvoir jouir avec une certaine sécurité d'une existence calme et tranquille, dans un bien-être procuré par un travail assidu et productif.

<<< Nous supplions Vos Majestés de déléguer une nouvelle Commission aussi impartiale que consciencieuse pour vérifier l'état des choses actuel et constater notre innocence.

<<< Nous vous supplions de restituer au Sénat gouvernant son ancienne autorité, et, en le replaçant en tête de tous les pouvoirs, de rétablir l'unité de gouvernement qui n'existe plus aujourd'hui.

<< Daignez permettre qu'il soit apporté des allégements dans les rapports de commerce et les échanges journaliers que nous faisons avec les habitants de vos États. Permettez enfin que la jeunesse des provinces limitrophes puisse fréquenter nos écoles et notre Université, organisées conformément aux bases que vous-mêmes avez tracées.

<«< Quelle que soit la décision qu'il plaira à Vos Majestés de prendre au sujet de cette humble pétition de l'Assemblée des Représentants, le pays et les habitants de Cracovie la recevront avec respect et reconnaissance, habitués qu'ils sont à attendre d'elles seules le soulagement des maux et des souffrances d'un État qui jouit de l'immense bonheur de se trouver sous leur gracieuse protection, protection dont les heureux effets ne tarderont certainement pas à rejaillir sur lui et à cicatriser les plaies que le temps et un malheureux concours de circonstances ont occasionnées.

<< Fait à Cracovie, à la séance de l'Assemblée des Représentants de la ville libre de Cracovie, le 7 du mois de février 1838.

« Signé VINCENT WOLFF, président; FRANÇOIS LIPCZYNSKI, ANTOINE HELZEL, assesseurs de la Diète; HILAIRE MENCISZEWSKI, secrétaire de la Diète. »

Extrait de la Note des Résidents des trois hautes Cours à S. E. le Président et au Sénat de Cracovie.

« Les soussignés, etc., ayant pris connaissance de l'adresse à leurs augustes Souverains, que le Sénat de la ville libre a bien voulu leur communiquer en copie, et qui a été votée par la Chambre des Représentants, se trouvent dans la pénible nécessité

de déclarer que cette pièce ne leur paraît pas de nature à être. portée au pied des trônes de LL. MM., et s'empressent de prévenir (S. E. M. le Président) que cette adresse est à regarder comme

non avenue. »

་་

Signé HARTMANN, baron STERNBERG, LIEHANN.

« Cracovie, le 14 mai 1838.>>

Adresse des Habitants de la ville libre de Cracovie aux Gouvernements de LL. MM. le Roi des Français et la Reine de la Grande-Bretagne.

AU GOUVERNEMENT FRANÇAIS.

MONSIEUR LE PRÉSIDENT DU CONSEIL DES MINISTRES,

Les infortunes qui accablent la ville libre de Cracovie et ses habitants sont telles, que les soussignés ne voient plus pour eux et leurs concitoyens d'espoir que dans la protection puissante et éclairée des Gouvernements de France et d'Angleterre.

La création de l'État de Cracovie comme ville libre, indépendante et neutre fut un des actes du traité général que les représentants de la France et de la Grande-Bretagne signèrent à Vienne, en 1815, et par lequel ils contractèrent, au nom de leurs Gouvernements, l'engagement de faire respecter l'existence de cet État.

La France a pris part au grand pacte qui, en 1815, fixa l'avenir de tous les États européens. Signataire de cet arrangement, elle est devenue, comme les autres grandes Puissances, garante des conditions stipulées en faveur de chacun des États qui furent alors constitués. Observatrice scrupuleuse de ces traités, là même où elle était appelée à de pénibles sacrifices, la France s'est acquis doublement le droit d'exiger de toute autre Puissance un respect égal d'engagements réciproques.

Le Mémoire ci-joint a pour but de montrer que les stipulations concernant l'État de Cracovie n'ont point été respectées comme elles auraient dû l'être, et d'exposer la situation déplorable dans laquelle ses habitants se trouvent aujourd'hui placés par suite de ces violations.

Nous osons recommander à l'attention impartiale des Gouvernements de France et d'Angleterre ce Mémoire, qui trace un tableau fidèle de la condition douloureuse où nous nous trouvons réduits, qui en démontre les causes et indique les mesures dont l'adoption tendrait à amoindrir le mal.

Daignez, monsieur le Président du Conseil, prendre connaissance de cet exposé.

La situation dans laquelle nous nous trouvons, nous donne le droit d'invoquer l'intervention de toute Puissance signataire du traité de Vienne.

Les Gouvernements de la France et de la Grande-Bretagne nommément, sont en droit de répondre à cet appel.

La démarche que nous leur demandons serait, de leur part, l'accomplissement d'un devoir solennellement contracté.

D'après cela, monsieur le Président du Conseil, nous nous plaisons à espérer que vous voudrez bien vous faire, auprès du Monarque qui vous honore d'une auguste confiance, l'interprète de nos vœux, et déposer aux pieds de son trône les demandes suivantes que nous lui adressons respectueusement:

1°. Que la France s'entende avec la Grande-Bretagne pour exiger une révision fondamentale des conditions qui fixent l'existence de l'État de Cracovie, tant pour l'intérieur que pour ses rapports avec ses voisins. Qu'une commission (ou conférence) soit désignée à cet effet par l'Autriche, la France, la Grande-Bretagne, la Prusse et la Russie; que ces cinq Puissances arrêtent de concert, ainsi qu'elles le firent en 1815, et d'une manière définitive, les bases fondamentales de son organisation intérieure et les mettent d'accord avec les règlements organiques postérieurs par lesquels sa constitution originaire a été modifiée, quoique cette constitution, insérée textuellement dans l'acte général du congrès de Vienne, eût dû rester intacte, autant que les autres stipulations du même traité ;

2°. Que les délégués de la ville libre de Cracovie soient admis, avec voix consultative, aux délibérations de cette conférence;

3°. Que la Conférence arrête les mesures destinées à procurer aux habitants de Cracovie, dans leurs rapports commer

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