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Il recherchera, d'autre part, si les conditions dans lesquelles se trouvent l'enfant, si les actes auxquels il a été mêlé ne sont pas de nature à faire provoquer d'office l'application des lois protectrices de l'enfance: foi scolaire, loi sur le travail des femmes et des enfants, loi du 24 juillet 1889 sur la protection des enfants maltraités ou moralement abandonnés, loi du 19 avril 1898 sur la répression des violences, voies de fait, actes de cruauté et attentats commis envers les enfants, etc.

En un mot, il s'efforcera non seulement d'établir la matérialité des faits reprochés au jeune prévenu, mais encore de mettre en lumière les moyens les plus propres à le prémunir contre lui-même et contre les influences fàcheuses dont il aura pu être la victime.

Le juge d'instruction n'hésitera d'ailleurs pas à user, toutes les fois que la situation de l'enfant le commandera, du pouvoir nouveau que lui confère l'article 4 de la loi précitée du 19 avril 1898.

L'enquête approfondie à laquelle il aura ainsi procédé fournira aux magistrats les éléments d'une décision éclairée et conforme aux véritables intérêts du jeune prévenu.

Si l'enfant a des antécédents judiciaires, ou s'il apparaît qu'à raison de son état moral, il y a danger pour lui d'être laissé en liberté, il appartiendra au Ministère public de provoquer son renvoi en police correctionnelle et de requérir, s'il y a lieu, par application de l'article 66 du Code pénal, son acquittement et son placement dans une maison de correction pendant un temps assez long pour qu'il soit possible d'espérer son amendement.

Je saisis cette occasion de remettre sous vos yeux le vœu émis à cet égard par le Conseil supérieur des prisons, dans sa session de 1888, et tendant à ce que le « Garde des Sceaux appelât la plus sérieuse attention des tribunaux sur le danger des condamnations, même courtes, à l'emprisonnement, prononcées contre les mineurs de seize ans, ainsi que sur les graves inconvénients qui résultent de leur envoi en correction pendant un temps trop court ».

Je n'ignore pas que certains tribunaux, mal renseignés ou obéissant à une fausse sentimentalité, répugnent parfois à prononcer l'envoi en correction, pour un temps prolongé,

de jeunes prévenus traduits à leur barre, et qui ne sauraient cependant être rendus sans danger à leurs parents.

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Ce sera le devoir de vos substituts de leur rappeler, à l'occasion, que la sévérité apparente de semblables décisions est singulièrement tempérée, dans la pratique, par le droit qui appartient à l'autorité administrative et dont elle use de la façon la plus libérale de prononcer, en tout temps, la libération provisoire ou le placement, chez des particuliers, des jeunes prévenus ayant donné des gages sérieux de repentir et d'amendement.

Ils voudront bien, au surplus, se reporter à cet égard aux termes de la circulaire précitée de mon prédécesseur, en date du 4 janvier 1889.

Si, au contraire, les faits reprochés au jeune prévenu ne révèlent pas un mal profond, si l'enfant paraît avoir cédé à un entraînement accidentel et passager plutôt qu'à des instincts pervers, l'information pourra être close par une ordonnance de non-lieu. Il conviendra alors, suivant les cas, ou de rendre l'enfant à sa famille, à la condition que rien ne motive contre elle une instance en déchéance de la puissance paternelle, ou de le confier, si ses parents y consentent, soit à l'Assistance publique, soit à une Société de patronage offrant toutes les garanties désirables.

Cette procédure, adoptée depuis plusieurs années au tribunal de la Seine et qui tend à se généraliser de plus en plus, a produit, partout où elle a été suivie, les résultats les plus féconds.

Aussi, tout en faisant la part des nécessités imprévues du service, j'en recommande avec insistance l'application aux magistrats de votre ressort.

Je vous prie, en conséquence, Monsieur le Procureur général, d'adresser des instructions en ce sens à tous vos substituts et d'exercer, sur toutes les affaires concernant les mineurs de seize ans, une surveillance personnelle et attentive.

En se conformant aux règles qui viennent d'être tracées, les magistrats s'associeront à une œuvre d'un haut intérêt social; ils seconderont en même temps, de la façon la plus utile et la plus fructueuse, les généreux efforts des Sociétés de patronage et des Comités de défense des mineurs de seize ans. traduits en justice, qui se sont constitués pour la protec

tion et le relèvement de l'enfance coupable et en danger moral.

Vous voudrez bien m'accuser réception de la présente circulaire, dont vous trouverez, sous ce pli, des exemplaires en nombre suffisant pour tous vos substituts et pour tous les juges d'instruction de votre ressort.

Recevez, Monsieur le Procureur général, l'assurance de ma considération très distinguée.

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Margarine. - Oléo-margarine.

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Répression des fraudes. -Avis de poursuites. - Expertises.

(1 juin 1898.)

Monsieur le Procureur général,

M. le Président du Conseil, Ministre de l'agriculture, vient de me transmettre le texte d'une circulaire qu'il a adressée, le 13 février dernier, à MM. les Préfets concernant l'application de la loi du 16 avril 1897 et du décret du 9 novembre de la même année sur la répression de la fraude dans la fabrication et le commerce de la margarine, de l'oléo-margarine et du beurre.

A ce document se trouve annexé le texte d'un arrêté en date du 16 mars 1898, par lequel M. le Ministre de l'Agriculture désigne, conformément à l'article 14 de la loi précitée les chimistes-experts chargés de procéder à l'analyse des échantillons de margarine et de beurre prélevés par les inspecteurs et les agents qui ont pour mission de surveiller ces

commerces.

M. le Président du Conseil m'a signalé l'intérêt qui s'attache

à ce que les infractions à la loi du 16 avril 1897 soient sévèrement réprimées. Il m'a également exprimé le désir d'être tenu au courant des poursuites exercées en cette matière.

Pour satisfaire à cette demande, je vous prie, Monsieur le Procureur général, d'inviter vos substituts à tenir la main à la stricte observation de la loi précitée. Il conviendra, d'autre part, chaque fois qu'une infraction à cette loi aura fait l'objet d'une poursuite dans votre ressort, de m'aviser de son résultat, et, au cas où la décision intervenue serait de nature à intéresser M. le Ministre de l'agriculture, de me faire parvenir une expédition de ladite décision.

Vous voudrez bien transmettre à vos substituts une copie de l'arrêté, en date du 16 mars 1898, dont je vous adresse, sous ce pli, un exemplaire, et leur faire savoir que la circulaire du 14 février 1898, également ci-jointe, a été insérée au Journal officiel du 17 février dernier.

Je vous prie de m'accuser réception de la présente circulaire, dont je vous transmets des exemplaires en nombre suffisant pour tous les chefs de parquet de votre ressort.

Recevez, Monsieur le Procureur général, l'assurance de ma considération très distinguée.

Le Garde des sceaux,

Ministre de la justice et des cultes.

Par autorisation :

Le Directeur des affaires criminelles et des grâces,

COUTURIER.

ANNEXE.

Circulaire du Ministre de l'agriculture relative à l'application de la loi du 16 avril 1897. Décret du 9 novembre 1897. - Arrêté du 16 mars 1898 désignant les chimistes-experts.

Monsieur le Préfet,

(13 février 1898.)

Un règlement d'administration publique du 9 novembre dernier, inséré au Journal officiel du 11 novembre, est venu

compléter la loi du 16 avril 1897 sur la répression de la fraude dans le commerce du beurre et la fabrication de la margarine.

Les mesures édictées par cette loi et ce règlement ne présentent aucun caractère d'ambiguïté. Néanmoins, je crois utile de vous donner quelques instructions à l'effet de vous en faciliter l'application et de vous guider, quant à la procédure à suivre, pour résoudre aussi rapidement que possible les difficultés d'interprétation auxquelles pourraient donner lieu certains points de détail.

Économie de la nouvelle législation.

Je dois tout d'abord attirer votre attention, Monsieur le Préfet, sur le caractère essentiellement préventif, plutôt que répressif, de la nouvelle législation.

Elle ne se borne pas, comme la loi aujourd'hui abrogée du 14 mars 1887, à punir le mélange frauduleux du beurre et de la margarine, elle tend à l'empêcher.

La première préoccupation du législateur devait donc être l'établissement entre les deux produits d'une démarcation suffisamment tranchée pour ne laisser subsister dans l'esprit de l'acheteur aucune illusion sur la nature réelle de la denrée qui lui était offerte et pour enlever en même temps au vendeur toute possibilité d'exciper, à l'occasion, de son ignorance et de sa bonne foi. Tel est l'objet des deux premiers articles de la loi du 16 avril 1897.

Distinction légale entre le beurre et la margarine.

L'article 1 ne reconnaît comme « beurre » et ne permet de vendre comme tel que les produits faits exclusivement, soit avec du lait seul, soit avec de la crème provenant du lait, soit avec un mélange de lait et de crème, avec ou sans sel, avec ou sans colorant, en dehors du sel et des colorants spécialement désignés par la loi, aucune autre substance, même sous prétexte d'en assurer la conservation, telle que l'acide borique ou les borates de soude, par exemple, ne peut être introduite dans le beurre.

L'addition d'une substance quelconque, quelque inoffensive qu'elle soit, aurait pour conséquence de faire perdre au

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