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avait dirigée contre lui'. Il y attaqua une phrase du discours de La Parisière, où il était dit que le règne de Sa Majesté est fondé sur la catholicité. C'était sur ce principe que des papes s'étaient appuyés pour déposer les rois. Le Parlement commença des procédures contre le discours de l'évêque de Nimes; mais le roi évoqua l'affaire à son conseil, c'est-à-dire qu'il voulut qu'il n'en fût plus parlé.

La Parisière ne signa point la lettre de l'assemblée au roi : les uns ont cru que c'était par suite de ses scrupules ultramontains; d'autres ont pensé qu'il ne voulait point se poser officiellement en adversaire de Colbert, afin de pouvoir être son juge au concile de Narbonne, dont il espérait la convocation.

Caylus, évêque d'Auxerre, s'était d'abord pourvu au Parlement contre le bref du pape qui avait condamné son mandement contre la légende. Son pourvoi était appuyé sur une consultation d'un grand nombre d'avocats. Le bref qui le condamnait ayant été supprimé, il adressa, comme Colbert, une lettre au roi pour lui dénoncer l'entreprise ultramontaine ".

L'office de Grégoire VII donna ainsi occasion d'étendre la discussion relative à la bulle; de remonter aux principes et d'examiner la nature de l'autorité dans l'Église. Colbert, Caylus et leurs adhérents se posèrent nettement sur le terrain du gallicanisme, prirent la défense des quatre articles et démontrèrent que cette doctrine traditionelle et légale de la France catholique avait été foulée aux pieds sous prétexte de Jansénisme. Les plus vifs partisans de la Constitution essayèrent de répondre. Ce fut alors que Vintimille donna sa fameuse ordonnance contre la consultation des quarante avocats qui s'étaient prononcés en faveur des trois prêtres du diocèse d'Orléans. Tencin publia aussi une instruction pastorale. Malgré leurs précautions pour ne pas blesser la doctrine gallicane, ils furent obligés d'émettre, pour défendre la cause de la Constitution, des principes qui lui étaient opposés. Aussi le procureur-général fut-il reçu par le Parlement de Paris, appelant de l'ordonnance de Vintimille; l'instruction pastorale de Tencin fut

1 V. OEuvres complètes de Colbert, évêque de Montpellier.

• Requête de l'évêque d'Auxerre, etc.; Mémoire à consulter, et Consultation de MM. les avocats du Parlement de Paris, etc., 10 pag. in-4.0.

V. les OEuvres de Colbert, évêque de Montpellier, et de Caylus, évêque d'Auxerre.

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supprimée, et un mandement de l'évêque de Laon sur le même sujet fut déclaré abusif1. Les évêques réclamèrent publiquement contre ces arrêts. Le Parlement condamna leurs nouveaux écrits3. Le roi n'osa pas le contredire; mais, le 10 mars 1731, il rendit, en son conseil, un arrêt qui ordonnait un silence absolu sur toutes les questions agitées. Il adressa, en outre, deux circulaires aux évêques l'une pour reconnaitre leur autorité; la seconde pour les guider dans leur conduite à l'égard de la bulle Unigenitus. Il les engage à ne pas se servir, pour la caractériser, du titre de Règle de foi, mais de celui de Jugement dogmatique de l'Église universelle. On voit que Fleury tenait à ce qu'il avait dit déjà dans une autre occasion que la bulle n'était pas une règle de foi. Ces mesures de la cour n'eurent aucun résultat; les évêques condamnés et l'évêque de Marseille publièrent une foule de réclamations que le Parlement flétrit. La guerre entre ces évêques et la magistrature était d'une vivacité extraordinaire3.

Vintimille était puissant à la cour; il s'y plaignit de la conduite du Parlement et adressa un mémoire au roi, qui évoqua l'affaire à sa propre personne. Les avocats étaient fort maltraités dans le mémoire de l'archevêque, et leur doctrine déclarée hérétique. Ils protestèrent contre ces imputations et contre l'évocation, qui était une manière indirecte de les soustraire à la justice, pour les briser sous l'arbitraire. Ils fermèrent leurs cabinets et toutes les affaires judiciaires furent interrompues. Dix des plus ardents furent exilés, mais cette sévérité ne produisit aucun résultat. Les autres restèrent fermes, et l'on fut obligé de négocier avec eux. Le 26 novembre ils rentrèrent au palais. Le lendemain, le roi reconnut dans un arrêt de son conseil qu'ils n'avaient pas soutenu les faux principes que leur avait reprochés Vintimille dans son ordonnance.

Dans le même temps, cet archevêque publia un mandement con

1 Ordonnance et Instruction pastorale de l'archevêque de Paris, portant condamnation d'un écrit, etc. Paris, Pierre Simon, 1731; Mandement de l'archevêque d'Embrun, portant condamnation d'un écrit signé par quarante avocats, etc.; Mandement de l'évêque de Laon, sur la soumission due à la constitution Unigenitus, etc., in-4.o. Laon, 1730. L'archevêque de Cambrai donna aussi un Mandement dans le même sens.

V. les Arrêts du Parlement, ann. 1730 et 1731.

Nous ne pouvons indiquer tous les écrits et les arrêts qui parurent alors, il suffira de dire que nous en avons eu sous les yeux une collection complète et des plus curieuses.

tre un miracle attribué à l'intercession de François de Paris, diacre, mort le 1er mai 1727.

Pâris était fils d'un conseiller au Parlement', il préféra l'état ecclésiastique à la magistrature, et, après la mort de son père, il abandonna toute sa fortune à son jeune frère ; il fit pendant quelque temps le catéchisme à la paroisse de Saint-Côme, et se dévoua à l'instruction des jeunes clercs de cette paroisse. Le cardinal de Noailles songea à le faire curé de Saint-Côme; mais Paris n'avait pas renoncé aux charges et à la fortune de son père pour accepter des places élevées dans l'Église. Il prit la résolution de se cacher dans la solitude. Il en trouva une de son goût dans le faubourg SaintMarcel, et s'y cacha avec tant de soin que sa retraite fut ignorée de ses parents eux-mêmes. Il partagea son temps entre la prière, l'étude, les exercices de la pénitence et le travail des mains. Ce travail consistait à faire, au métier, des bas qu'il distribuait aux pauvres. Sa vie était celle des anciens pénitents de l'Église primitive, qu'il avait pris pour modèles. Son étude consistait à lire l'ÉcritureSainte, qu'il entendait dans les trois langues latine, grecque et hébraïque. On a de lui quelques commentaires très pieux. Il mourut à l'âge de trente-sept ans. Son frère, qui fut averti de sa dernière maladie, le visita dans son humble réduit, et lui fit ériger un mausolée dans le cimetière de Saint-Médard, où il fut enterré. François de Pâris avait adhéré à l'appel du cardinal de Noailles, son archevêque.

Quelque temps après sa mort, on répandit le bruit qu'il s'opérait des miracles à son tombeau. Le premier, qui fit beaucoup de bruit, fut celui que l'on disait avoir été opéré en la personne de la demoiselle Lefranc. Cent vingt témoins attestèrent le miracle. Mais comme François de Pâris avait été appelant, on donna bientôt ce miracle comme une preuve que Dieu se déclarait en faveur de l'appel. Ceux qui considéraient cet appel comme schismatique eurent recours, comme on le pense bien, à tous les moyens imaginables pour prouver la fausseté du miracle. Déjà cette discussion avait eu lieu, quelques années auparavant, à propos du miracle opéré sur la dame La Fosse, guérie subitement d'une maladie jugée incurable. Cette dame, en adorant le Saint-Sacrement, qui passait devant sa maison, le jour de la Fête-Dieu, se sentit subitement gué

1 Il existe trois Vies du diacre Pâris, qui ont été condamnées par Vintimille, archevêque de Paris, par son Mandement du 30 janvier 1732. Il est à reniarquer que Vintimille ne dit rien des vertus de ce diacre, et qu'il ne parle que des sentiments qu'on lui attribuait touchant la bulle et le Formulaire.

rie, et suivit la procession en rendant grâces à Dieu. Le miracle avait été constaté après une enquête minutieuse du cardinal de Noailles, et admis à peu près universellement par tous les Catholiques. Plusieurs constitutionnaires, cependant, essayèrent de le contester, parce que leurs adversaires firent observer que le clergé de la paroisse de Sainte-Marguerite, où le miracle s'était opéré, était appelant, et que la dame La Fosse communiquait avec ce clergé et en recevait les secours religieux. On tirait de là cette conséquence que Dieu ne regardait pas les appelants d'un aussi mauvais œil que les Jésuites. Mais cette question fut agitée avec beaucoup plus de vivacité à propos des miracles de François de Pâris'.

Vintimille s'appliqua à enlever au miracle, que l'on disait s'être opéré sur la personne de la demoiselle Lefranc, une partie des témoignages qui avaient été donnés en sa faveur. Il provoqua des témoignages et des attestations contradictoires. De son enquête, il résulta que quarante témoignages sur cent vingt n'avaient pas toute la valeur requise. En conséquence, il publia son mandement pour défendre d'honorer la mémoire du diacre Paris. Ce jugement était un peu trop précipité. S'il était évident que le miracle était faux, Vintimille aurait dû rendre cette évidence tellement claire que tout le monde en eût été frappé. Si le miracle n'était que douteux, il eût été nécessaire, avant de se prononcer d'une manière aussi formelle, d'attendre des preuves plus fortes que celles que l'on avait. La demoiselle Lefranc appela du mandement de Vintimille comme lui étant injurieux2, et vingt-trois curés de Paris offrirent à l'archevêque de lui donner, en faveur de ce miracle et de plusieurs autres qui s'étaient opérés sur le tombeau du pieux diacre, toutes les preuves qu'il pouvait désirer. Vintimille ne fit examiner les procès-verbaux et les témoignages de ces miracles que cinq ans après, c'est-à-dire en 1735. Il déclara alors de nouveau que l'on ne devait pas y croire.

Languet, archevêque de Sens, et le Bénédictin La Taste furent ceux qui se déclarèrent le plus ouvertement contre les miracles de

1 On a publié un grand nombre de Recueils des miracles du diacre Pâris; on peut consulter, en outre, l'ouvrage de Carré de Montgeron, dont il est question ci-dessous.

• Nous avons sous les yeux une correspondance autographe entre Joly de Fleury, avocat-général, Chauvelin, garde-des-sceaux, et D'Aguesseau, chancelier, à propos de cet appel. Ces noms disent assez que l'affaire était plas sérieuse que certains écrivains ort voulu le faire croire.

François de Paris, avec Vintimille'. Soanen, Colbert, Caylus en prirent la défense. De la part de ces trois évêques, la discussion fut calme et sérieuse. Mais tandis qu'ils discutaient avec gravité, la foule était vivement émue et se portait au cimetière de Saint-Médard; amis et adversaires donnèrent libre carrière à leurs passions. La haine et l'enthousiasme mal réglé s'emparèrent d'actes qui ne demandaient qu'un examen sérieux et désintéressé. Les partisans des miracles passèrent les bornes et tombèrent dans la crédulité la moins raisonnable; les adversaires de l'appel se transformèrent en esprits forts et émirent des principes dont il était facile d'abuser contre les miracles les plus avérés.

L'école de Port-Royal se trouva divisée touchant ce qui se passait à Saint-Médard. Duguet et Petit-Pied, qui jouissaient d'une réputation méritée de piété et de science se prononcèrent, dès le commencement contre les miracles, tandis que les évêques appelants, Mésenguy et plusieurs autres s'en déclarèrent partisans, tout en rejetant les excès dont nous parlerons tout à l'heure.

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On a tant écrit pour et contre que l'historien impartial doit avouer qu'il est à peu près impossible de se former une opinion arrêtée sur cet objet. En retranchant de part et d'autre ce que la crédulité et la passion ont ajouté de circonstances aux faits, et en considérant ces faits en eux-mêmes, ainsi que les preuves, il en résulte pour l'historien cette conséquence: que de part et d'autre on n'a pas mis dans les témoignages et dans l'examen, la sagesse et la prudence si nécessaires lorsqu'il s'agit de faits de l'ordre surnaturel. C'est donc à tort que certains historiens ont cru pouvoir ne parler des miracles de saint Médard que d'une manière ironique, ainsi que des vertus, qui étaient incontestables cependant, du diacre Pâris; nous n'approuverons pas davantage ceux qui ont

1 Instruction pastorale de l'archevêque de Sens, au sujet des prétendus miracles du diacre de Saint-Médard, etc., 25 décembre 1734; Ordonnance de l'archevêque de Paris, au sujet des prétendus miracles, etc., suivie de pièces justificatives, 8 novembre 1735; Mandement de l'archevêque de Sens, pour publier dans son diocèse l'ordonnance de l'archevêque de Paris, 1736; Lettres théologiques, par D. La Taste, évêque de Bethleem.

En calculant approximativement ce que nous avons été obligé de parcourir pour ou contre les miracles de Saint-Médard et les Convulsions, nous estimons que ces écrits pourraient former environ de vingt à trente volumes in-folio. Nous ne citerons ici que l'ouvrage de Montgeron, les Recueils des paroles prononcées par les Convulsionistes et le Journal historique des convulsions. V. aussi les Recueils de miracles, et les Nouvelles Ecclésiastiques.

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