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comme la mesure de l'amour que nous devons à Dieu eft de l'aimer fans mefure; de même les bornes de l'attachement que nous devons à fa loi, eft de n'y mettre aucunes bornes. Ainfi il faut aimer Dieu & fa loi de plus en plus tous les jours; les aimer de tout notre cœur, de toute notre ame & de toutes nos forces; c'est-à-dire, en nous rendant fidéles à lui rapporter toutes les pensées de notre efprit, tous les mouvemens de notre cœur, toutes les actions, tous les deffeins & toutes les circonftances de notre vie : tout cela étant à lui par tant de titres differens. C'est ce que S. Paul exprime en ces termes :(a) Soit que vous mangiez, foit que vous buviez, & quelqu'autre chofe que vous falliez, faites tout pour la gloire de Dieu.

Cet amour doit être fi dominant & fi fouverain en nous, que tout ce que nous faifons en foit animé, n'ait point d'autre fin que Dieu; & que cet objet fouverainement aimable, nous attire toujours à lui, & avec nous tout ce que nous aimons, fans qu'il fe faffe aucun partage, ni que le moindre petit ruiffeau fe détourne de cette fource de vie & d'amour.

Car quoique l'amour du prochain

(a) 1. Cor. 10. S re

nous foit auffi commandé dans ce précepte, il ne peut affoiblir notre amour pour - Dieu, puifque c'eft Dieu que nous devons aimer dans notre prochain. Quand donc nous aimons nos freres comme nous. les devons aimer, & comme nous nous. devons aimer nous-mêmes, nous les portons, autant que nous pouvons, à aimer Dieu de tout leur coeur & de toutes leurs forces. Le bien que nous devons fouhaiter à nos amis, c'eft Dieu même, & c'eft pour Dieu que nous leur devons fouhaiter un fi grand bien. Ainfi l'amour de Dieu doit être le principe, la regle, la mefure & la fin de notre amour envers le prochain. Si on examine à la lumiere de cette verité la plupart de ceux qui font profeffion ou de charité ou d'amitié envers le prochain, je ne fçarfi on en trouvera beaucoup qui l'aiment d'une maniere vraiment chrétienne, & qui falfent leur devoir pour aider leurs amis à devenir les amis de Dieu. Lifez dans le chap. 15.de la 1. aux Corinthiens, les qualitez de la charité envers le prochain; & dans le 5. chap. du 3. Livre de l'Imitation de J. C. celles de l'amour de Dieu :& puis voyez fi vous êtes en état de pouvoir dire, comme faint Auguftin: Seigneur, je fuis

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affûré que je vous aime, & je n'en puis ,, douter. Vous avez frappé mon cœur de votre parole, & je vous ai aimé. Je ne fçai s'il y a encore au monde des cœurs faits comme celui de faint Auguftin,pour pouvoir parler comme lui Mais au

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moins, fi la parole de Dieu, qui avoit ,, frappé fon cœur, a trouvé dans les vôtres (c'eft lui-même qui parle, quelque étincelle du pur amour de Dieu, conservez & entretenez-la: & pour la faire ,, croître en vous, travaillez-y par la » priere de l'humilité, par la douleur de la penitence, par l'amour de la juftice, », par les bonnes œuvres, par des gemiffe,, mens finceres, par une vie bien reglée, , par une amitié fidelle. Soufflez ,, en vous cette étincelle du bon amour, ,, nourriffez-la dans votre coeur. Quand elle y aura fait quelque progrès, & que devenant une grande flamme, elle l'embrazera d'un amour de Dieu, digne de ,, Dieu même, alors elle y confumera ,, tout le foin & toute la paille des cupiditez charnelles. C'eft alors que vous vous trouverez dans une fainte impatience de jouir de Dieu, & que la vie vous devenant à charge, parce qu'elle vous fépare de fa préfence, vous direz

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دو

رو

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peut-être avec le même Saint (a). Don-« nez-vous à moi, ô mon Dieu, rendez-« vous à moi: car je vous aime ; & fi je ne « vous aime point affez, faites que je vous aime davantage. «

Comme donc le defir d'un amour de Dieu parfait & confommé nous doit porter à defirer la mort; auffi la vûë de la mort nous doit faire defirer d'avancer dans l'amour de Dieu & du prochain. Marchons & travaillons pendant qu'il eft. jour; la nuit va venir, & alors il n'y aura. plus moyen d'avancer. S'il y a quelque avantage en cette vie, c'eft de pouvoir toujours croître dans la charité. La mort arrêtera tous nos progrès, & la mefure d'amour de Dieu & du prochain où nous nous trouverons alors arrivez, fera la regle de la Sentence de notre Juge, la mesure de notre amour pour l'éternité, & le fujet de notre confiance à l'heure de la mort & du jugement, comme l'Apôtre de la charité nous l'apprend (b). Et au contraire une marque que la charité parfaite n'eft point en nous, c'est de ne pas defirer ce jour, & de n'y penfer qu'avec une crainte d'efclaves & de rebelles.

(a) Conf. liv. 13. c. 8, (b) 1. Ep. de S. Joan. c. 4.

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CONCLUSION.

Examen. Humiliation. Priere. Pour fe bien examiner, & enfuite s'humilier & prier utilement, il faut non feulement confiderer fi nous aimons Dieu, mais encore fi notre amour eft auffi reglé & auffi fort qu'il le doit être : & l'on peut for mer fon examen fur ces paroles de faint Augustin : » Celui-là vit dans la justice & » dans la fainteté, qui prife & regle tout » avec équité; & celui-là le fait, qui a » un amour bien reglé, en forte qu'il ne » lui arrive point ou d'aimer ce qu'il ne » faut point aimer, ou de ne point aimer » ce qu'il doit aimer, ou d'aimer trop ce qu'il faut moins aimer, ou d'aimer éga>lement ce qu'il faut plus ou moins ai>mer, ou d'aimer trop ou trop peu ce qu'il doit également aimer.

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Le Pfeaume 114. Dilexi quoniam. Et le Pfeaume 35. Dixit injuftus. Lecture, chap. 10. de S. Luc, jufqu'au verfet 38.

PSEAUMI

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