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que nous demandons dans cette priere eft la verité même, qui s'eft mêlée avec notre chair, & s'eft comme changée en lait pour la nourriture des enfans,& pour nous faire croître & nous fortifier de telle forte que nous puiffions nous en nourrir,comme les forts s'en nourriffent dans le ciel.

Penfons donc à ce pain celefte toutes les fois que nous difons à Dieu : Notre Pere qui êtes dans le ciel, donnez-nous au→ jourd'hui notre pain, ce pain plus que fubftantiel. Donnez-le nous dans ce jour, ce jour éternel du Sabbat & du repos que yous refervez, felon votre Apôtre, au peuple élû; ce jour du faint & parfait loifir, après lequel l'amour de la verité foupire pour la contempler fans distraction, & la goûter dans toute fa douceur.

Penfons-y fur-tout quand nous rece vons le pain euchariftique, qui eft un gage mysterieux qui nous eft donné pour commencer à nous faire vivre dès ce monde de la vie de Dieu, en attendant que nous foyons arrivez à l'abondance inépuisable de cette heureuse region où la verité eft la viande incorruptible dont Dieu repait éternellement fes Saints & fes Elûs. (a) Ne ceffons de le demander comme (a) Aug. 9. Conf.c. 10.

des enfans affamez,jufqu'à ce que nous en foyons nourris; que nous foyons pleinement raffafiez, & comme enyvrez de la joye de la verité qui fait la vie bienheureufe (a): Beata quippe vita eft gaudium de veritate.

POUR LE MATIN.

Vertu.

LE DESIR DE VOIR DIEU

А

LA vie des Anges, dit S. Auguftin

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c'eft de voir Dieu : la vie d'un Chrétien eft d'afpirer à la vue de Dieu, & c'est commencer dès ici-bas la vie des Anges (b), que de defirer ardemment cette vûë beatifique. Rien donc ne fait plus connoître & toucher au doigt la corruption du cœur de l'homme, que ce dégout, ou tout au moins le peu de defir & de goût qu'il a pour la vie du ciel, & l'indifference où il paroît être pour un bonheur vers lequel il devroit foupirer jour & nuit. Le Chrétien porte dans le fond de fon

(a) Aug. Conf. l. 10. c. 23.

(b) Inchoafti ipfo defiderio vitam Angelorum Aug. in Joan. Tr. 38.

με

être un defir naturel d'être heureux. La raifon & l'experience lui apprennent & le convainquent que tous les plaifirs & tous les biens de ce monde ne le peuvent rendre heureux. La foi lui fait connoître qu'il ne le peut être que par la joüiffance de Dieu. Il fait tous les jours profeffion dans le Symbole de croire & d'efperer la vie éternelle: Credo vitam æternam. Cette vie eft enfermée dans l'avenement du royaume de Dieu, qu'il demande auffi tous les jours. Il fçait que rien n'égale ce bonheur, & que l'efprit de Dieu fi fecond en expreffions magnifiques femble n'en point trouver pour exprimer la gloire des Saints. C'eft, felon fes expreffions, poffeder un heritage incorruptible & inalterable: c'eft regner avec Dieu, & être comme affis fur fon trône : c'eft être confommé dans l'amitié de Dieu; être rempli & penetré de fa Majefté, jouir de fon repos; être dans fon fein; être abreuvé du torrent de fa joye; être fon heritier &le coheritier de fon Fils: c'eft participer à la gloire de ce Fils qui eft glorifié dans fes membres: c'eft contempler la gloire de Dieu, & par cette vûë être comme transformé en fa reffemblance : c'est voir Dieu tel qu'il eft, & devenir semblable à

fui. Ce font toutes expreffions des Apôtres & de Jefus-Chrift même, fur lefquelles S. Paul femble encherir, en difant quo perfonne ne peut comprendre ce que Dieu a préparé à ceux qui l'aiment.

Cependant la faim & la foif de ces biens celeftes eft fi rare que rien plus dans les ames mêmes qui font profeffion do pieté; & quoiqu'on ne puiffe douter que ce ne foit une grande faute & une infidelité confiderable, je ne fçai s'il y en a beaucoup qui s'en accufent, ou qui y faffent même reflexion. A peine des Chrétiens s'entretiennent-ils ensemble du bonheur où ils afpirent, au lieu qu'ils devroient oublier tout le paffé,pour ne penfer qu'aux biens à venir, comme S. Auguftin raconte qu'il faifoit avec fa fainte mere peu de jours avant la mort de cette Veuve incomparable. Nous cherchions, « dit-il, en votre prefence, ô immuable « verité, quelle fera la vie éternelle des «< Bienheureux; cette vie que nul oeil n'a « jamais vûë, que nulle oreille n'a jamais « entendue, & que le cœur de l'homme n'a jamais comprise : & les bouches «< de nos cœurs s'ouvroient avec avidité s vers la fource des eaux celeftes, de cette « fource de vie qui eft en vous, & qui eft «

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vous-même ; afin qu'en étant arrofez, , autant que nous en étions capables ,, nous puiffions en quelque forte nous re, prefenter une chofe fi incomprehensible.

Imitons ces Saints, oublions la terre & parlons du ciel. Que le defir de voir Dieu rempliffe nos efprits & embrafe nos cœurs, & les éleve dès maintenant à ce fouverain bien. En y penfant & en aimant d'en parler, en recherchant avec ardeur cette vie bienheureufe, dit S. Auguftin, nous parvinmes jufqu'à la fentir la goûter en quelque forte par un prompt élancement de notre cœur. Puis foupirant de n'en pouvoir encore jouir, il ne nous refta autre chofe que d'y demeurer unis par cet efprit dont nous avons reçu les prémices. Ne ceffons donc de dire avec ce cœur fi ardent du defir de voir Dieu : Mon Dieu, donnezvous à moi. Faites que je coure avec impetuofité & fans relâche dans votre fein; car fans vous & hors de vous je fuis malheureux, & tous les biens qui ne font pas mon Dieu, ne font que pauvreté & que mifere.

CONCLUSION.

Examen. Humiliation. Priere.
Reciter le Pfeaume 26. Dominus illu

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