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POUR LE MATIN.

Vertu.

L'ESPERANCE.

L n'y a gueres d'ambition qui ne fe bornât à la poffeffion d'un royaume & d'un empire; mais il n'y a gueres d'efperance humaine qui tende jufques-là, & qui fe flatte d'y pouvoir arriver. Il n'eft pas moins rare de vouloir bien partager fon efperance avec un autre, quand il eft question de regner ; & il n'y a peut-être jamais eu que l'impuiffance de regner feuls, qui ait porté quelques Empereurs à en faire regner d'autres avec eux. Il n'y a que l'efperance chrétienne qui infpire en même tems à tous les membres de Jesus-Chrift le defir de regner & de regner tous ensemble fur un même trône. C'eft cette efperance qui doit faire toute notre ambition. C'eft à ce royaume éternel qu'il faut tendre par le mépris de toutes chofes, & même de tous les empires de la terre, s'ils étoient en notre pouvoir.

Rien ne rend plus méprifable ce que l'on poffede, que l'attente de quelque chofe de plus grand. Celui qui fe voit def

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tiné à un empire, ne fçauroit être content de toute autre fortune. Rien auffi ne. doit détacher plus efficacement une ame chrétienne des plaifirs de la vie, de l'enyvrement des fauffes grandeurs & des richeffes du monde, & de tout ce que l'ambition fe peut figurer de plus grand, que l'efperance d'un royaume, dont l'empire de l'univers ne merite pas d'être l'ombre, & que l'attente de cette joye celeste & fouveraine qui fera le bonheur éternel. C'est ce que doit produire en nous l'efperance chrétienne. Et en vain nous nous flattons de l'avoir dans notre cœur, fi nous aimons les chofes de la terre auffi vivement que fi nous n'attendions pas le royaume de Dieu. Car elle n'eft point dans notre cœur fi elle n'y fait rien; & elle n'y fait pas ce qu'elle y doit faire, fi elle ne le détache de l'amour de la vie prefente; fi elle ne lui en donne du dégoût; fr elle ne lui fait defirer d'en voir bien-tôt la fin ; fi elle ne nous tient toû-. jours prêts à la quitter au premier ordre; femblables à ces anciens Peres de notre efperance auffi-bien que de notre foi, Abraham, Ifaac, & Jacob, qui demeuroient dans ce païs délicieux que Dieu leur avoit lui-même donné, comme dans

une terre étrangere, habitans fous des tentes parce que n'ayant que quelque centaine d'années à vivre,ils ne croyoient pas que cela valût la peine de s'établir fur la terre, en bâtiffant des villes & des maifons (a): car ils attendoient cette cité bâtie fur un fondement folide & inébranlable, dont Dieu même est le fondateur & l'architecte. Je ne fçai comment nous avons l'affûrance de dire que nous attendons auffi-bien qu'eux cette cité fainte, cette Jerufalem celefte, nous qui nous établiffons fur la terre comme fi nous ne la devions jamais quittér, & qui fommes peut-être auffi occupez des foins du fiecle, des commoditez de cette vie, des deffeins de fortune, du defir de nous élever aux honneurs, d'augmenter nos biens & nos richeffes, d'établir notre reputation en cette vie, que fi nous n'en attendions pas

une autre.

Si nous fommes dans cet affoupiffement, réveillons-nous; ranimons notre efperance (b); que tout nous femble une perte au prix des biens que nous attendons; que ce qui paroît un gain & -un avantage à ceux qui ont l'efprit du monde, nous paroiffe une perte & un desavan

(a) Heb. 11. 10. (b) Aux Philipp. chap. 3.

tage,

tage, à nous qui avons reçû l'efprit de Jefus-Chrift pour eftimér les dons de Dieu, & l'heritage qu'il nous deftine. Privonsnous de toutes chofes & les regardons comme des ordures, afin de gagner Jefus-Chrift: Efforçons-nous de parvenir à quelque prix que ce foit, à la bienheureuse refurrection des morts. Ne faifons point comme fi nous avions déja reçû ce que nous efperons, ou comme fi nous étions déja parfaits mais pourfuivons. notre course pour tâcher d'atteindre où le Seigneur Jefus-Chrift nous a destinez, en nous unissant à lui; & faifons état que tout ce que nous avons à faire en cette vie, eft d'oublier ce qui eft derriere nous, & de nous avancer vers ce qui eft devant nous, & de courir fans nous arrêter vers le but de la carriere, pour emporter le prix de la felicité du ciel, à laquelle Dieu nous a appellez par Jefus-Chrift.

CONCLUSION.

Examen.Humiliation. Priere.Le Pfeaume 4. Cum invocarem,& le Pfeaume 30. In te, Domine, fperavi.

Lecture, chap. 21. de S. Luc, depuis le verfet 25. jufqu'à la fin.

H

PSEAUME 4.

Cum invocarem, exaudivit me Deus.

"L

I. E Dieu de ma juftice m'a exaucé lorfque je l'invoquois : Vous m'avez mis au large lorfque j'étois dans l'affliction.

2. Ayez pitié de moi : & exaucez ma priere.

3. Enfans des hommes, jufques à quand aurez-vous le cœur pefant? Pourquoi aimez-vous la vanité, & cherchezvous le menfonge?

4. Sçachez que Dieu a rendu fon Saint admirable: le Seigneur m'exaucera lorfque je lui adrefferai mes cris.

5. Mettez-vous en colere & ne pechez pas parlez du fond de vos cœurs, & foyez touchez de regret fur vos lits.

6. Offrez au Seigneur un Sacrifice de justice, & efperez en lui: Plufieurs difent, Qui nous a promis des biens ?>

7. La lumiere de votre vifage, Seigneur, eft gravée fur nous : vous avez rempli mon cœur de joye.

8. Pour eux ils fe font multipliez par l'abondance de leur vin, & de leur huile. 9. Mais moi je dormirai & je me re

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