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Envifageons fouvent cet état, & difons avec le cœur de cet homme de defirs & » de gémiffemens: (a) Quand je vous » ferai uni de toute mon ame, ô mon » Dieu, je ne ferai plus fujet ni au travail, » ni à la douleur ; & ce fera alors que » ma vie toute remplie de vous feul fera » vraiment vivante. Maintenant où rien »ne fe foutient & ne s'éleve à vous qu'autant que vous le rempliffez, je fuis à » charge à moi-même, parce que je ne » fuis pas entierement rempli de vous. II.

L'AME eft faite pour Dieu, & elle n'aura jamais de repos jufqu'à ce qu'elle l'ait trouvé en Dieu. Tout le monde cherche ce repos, mais tout le monde ne le cherche pas en Dieu. On le cherche dans les créatures où il ne peut être. Ceux qui le cherchent en Dieu, le trouveront ; mais ce n'eft pas ici-bas qu'ils trouveront un repos parfait & exempt de trouble & d'inquiétude. Le repos des Saints de la terre fe trouve dans la douceur, dans. l'humilité, & dans la fidelité à porter joug du Seigneur. Ils ne peuvent manquer de le trouver - là, puifque c'est JESUS-CHRIST même qui leur pro(a) Aug. Confeff. l. 10. c. 28.

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met qu'ils y trouveront le repos de leurs ames; mais c'eft un repos paffager, un repos de voyageur, & qui ne peut contenter celui qui cherche un repos éternel & fans viciffitude, un repos de jouiffance, un repos d'établiffement qui le rende heureux en le mettant en poffeffion de fon païs & de fon héritage qui eft Dieu même.

Voilà le repos où nous afpirons; mais où nous ne pouvons arriver tant que nous ferons voyageurs. Nous pouvons nous repofer fur la providence & fur les foins paternels de fa bonté par une confiance filiale. Nous pouvons nous repofer dans fa loi & dans fa volonté en la pratiquant avec amour. Nous pouvons nous repofer à l'ombre de fes aîles dans nos afflic tions jufqu'à ce que l'iniquité foit paffée mais ce repos eft accompagné de travail, & n'eft pas exempt de crainte & de tentation. Il faut toujours chercher le Seigneur & fans relâche jusqu'à ce qu'il nous ait caché dans le fecret de fa face adorable, après nous avoir tirez du trouble de la terre qui met fi fouvent le trouble dans nos cœurs: Abfconde me, Domine, in abfcondito faciei tua, à conturbatione hominum : CA

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CHEZ-moi, Seigneur, & mettez-moi à couvert du tumulte des hommes charnets, en me retirant dans le fecret de votre face. C'eft la priere que nous devrions faire fans ceffe, fi nous defirons de bonne foi le repos refervé au peuple de Dieu, fi nous le cherchons de tout notre cœur & de toute l'ardeur de notre ame. In pace in idipfum dormiam & requiefcam. » paroles charmantes, (a) s'écrie S. Auguftin du fond de fon coeur, 8 paix incomprehenfible, ô repos defirable, re"pos en Dieu même, repos dans l'Etre » immuable, repos qui fait oublier tou»tes les peines, repos qui fait toute notre efperance: Car rien n'eft égal à vous, » Seigneur, & tout ce qui n'eft pas ce » que vous êtes, n'est pas digne d'être »le repos de mon ame. Donnez-nous » donc, ô mon Dieu, votre paix & votre repos, le repos de ce Sabbat éternel » qui fera comme un clair-midi toujours » permanent & toujours fixe, fans être » fuivi d'aucun foir. (b) Et faites, s'il sᎨ

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vous plaît, que nous travaillions fans » relâche durant les fix jours de cette » vie, à accomplir votre volonté, afin

( a ) Aug. Confess. l. 9. c. 4.
(b) Ibid. l. 13.6. 35.

36.

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qu'après avoir achevé nos œuvres, qui « ne font bonnes que parce que ce font «< en nous des dons de votre grace,, nous « nous repofions en vous dans ce glorieux «< jour de Sabbat de la vie éternelle & «< bienheureuse. «

III.

Si l'ame eft vuide quand Dieu ne la remplit pas, & qu'elle ne puiffe être que dans l'inquiétude quand elle ne fe repofe pas en Dieu; difons encore qu'elle est malheureuse fi Dieu ne la rend heureuse par lui-même & de lui-même. Il n'y a point de nature fpirituelle fur la terre(a), il n'y a point de Saint dans le ciel,il n'y a point d'Ange, quelque excellent qu'il foit, qui puiffe rendre notre ame heureuse; bien loin qu'elle le puiffe devenir par aucune des créatures fenfibles & corporelles. Ces dernieres peuvent flater & châtouiller les fens du corps, & à caufe de la liaison étroite qui est entre le corps & l'ame. L'ame peut être touchée de quelque plaifir à l'occafion de ce chatouillement du corps; mais rien ne peut rendre heureufe que la participation de la vie toujours vive de la fubftance éternelle & immuable, qui est ta) Aug. tr. 23. in Joan, n. 7.

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Dieu. Car elle ne peut trouver fon bonheur que dans ce qui lui eft fuperieur. Or elle n'a rien au-deffus d'elle que Dieu qui l'a faite ; & toutes les créatures fenfibles & corporelles étant au-deffous d'elle, ne fçauroient la faire vivre heureuse.

Voilà, dit S. Auguftin, en quoi confifte la Religion chrétienne telle qu'elle eft prêchée par tout le monde. Mais helas, que cette union avec Dieu eft foible en cette vie ! Et telle qu'elle eft, à combien de viciffitudes n'eft-elle point fujette? à quels perils n'eft-elle point expofée? quelles furieufes attaques n'at-elle point à foûtenir ? de combien d'ennemis n'a-t-elle point à fe défendre ? Tant il eft vrai que cette vie est un com bat, une tentation & une mifere continuelle. La mort feule nous en peut délivrer. Et celui qui a de la foi, loin de la regarder comme fon ennemie, & de la fuir comme fon malheur, devroit aller au-devant d'elle par fes defirs, & la recevoir, quand elle fe prefente, comme fa liberatrice & comme une amie qui la décharge d'un fardeau pefant & incommode, pour la faire paffer d'un païs ennemi dans un lieu de fûreté, & de la re-gion de la mort au séjour aimable & de

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