fes enfans qui auront vécu pour lui fur la terre..) En continuant la priere fainte, il y trou vera d'abord ce que c'eft que vivre de Dieu & pour Dieu, comme doivent vi vre fes enfans pour imiter leur Pere; que c'eft vivre dans la fainteté, en fe féparant de tout ce qui eft indigne de la fainteté du nom de Dieu qui a été invoqué fur & en defirant d'en être tout-à-fair féparez pour trouver dans fon fein la parfaite fanctification qu'il ne peut efperer eux, ici-bas. C'est dans cette vûë qu'il foupire après le moment où il efpere voir le regne de Dieu parfaitement établi, fa volonté pleinement accomplie, fes deffeins fur font Eglife confommez, & le voir lui-même fe donner à fes Elûs, non plus comme un pain qui fe donne jour à jour & avec mefure, mais comme le pain de ce jour éternel où il fe donnera & fe répandra tout entier & fans referve dans les ames, pour les raffafier & les faire vivre pleinement de lui-même. Celui qui eft brûlé de cette faim & de cette foif de la juftice, du regne & de la volonté de Dieu, & de Dieu même, & qui fe voit fi peu en état & fi peu affure d'en être raffafié par l'indignité de fa vie paffée, par la mifere des tentations préfentes, & par tout ce qu'il a à craindre à l'avenir de la part du diable, du monde, & de fa propre cupidité ; avec combien d'ardeur defire-t-il & demande-t-il à Dieu l'abfolution generale & irrévocable de tous fes pechez, la pleine victoire de toutes les tentations, & la délivrance parfaite de tout ce qu'il y a à craindre de la malignité du diable, de la contagion du monde, & de cet homme de peché qu'il porte au fond de fes entrailles? Me voilà tombé infenfiblement dans les fujets de ces exercices que j'ai deffein, MADAME, de propofer à votre pieté. Car la priere du Seigneur eft proprement le fond fur lequel ils fubfiftent & la matiere dont ils font compofez, & ils n'en font qu'une paraphrafe & une explication rapportée & accommodée à la foi, à l'efperance & à l'amour de la vie bienheureuse. Si c'eft un défaut de ne pouvoir s'empêcher de jetter les yeux fur cette fainte priere, quand on eft obligé de s'appliquer à quelque chofe de la Religion, j'avouë, MADAME, que c'est le mien: & loin de me trouver difpofé à m'en corriger, je me fais un devoir de le communiquer aux autres quand Dieu m'ent donne l'occafion. Cette priere ne doit feulement pas faire le fond de ces exercices de piété, c'eft encore un exercice particulier qui doit commencer & finir tous les autres, à l'exemple de l'Eglife, qui commence & finit toujours par-là toutes fes prieres, fes loüanges, & les cérémonies facrées. Ce ne font pas feulement fes miniftres qui l'ont continuellement en la bouche, c'est même presque la feule priere qu'elle donne aux plus fimples de fes enfans. Heureux fi en la recevant de la main de leur Mere, ils ne s'en fervoient jamais que dans fon efprit, & qu'ils la recitaffent avec plus d'attention, plus de refpe&t, & plus de fentiment de Religion! Car en verité il eft difficile de n'être pas émû ou d'indignation ou de compaffion, quand on voit le commun des fideles dire cette priere fi fainte, fans foi, fans goût, fans réfléxion, par une pure routine, & d'une maniere tout-à-fait indigne & de la Majefté du Dieu à qui ils offrent ce facrifice de leurs lévres, & de la bonté du Sauveur qui la leur a donnée, & de la fainteté de l'efprit qui a été envoyé dans leurs cours pour former en eux l'adoration & le ge miffement dont elle devroit toujours être animée. Eft-ce donc qu'ils n'ont jamais remarqué comment l'Eglife, l'Eglife même de Jefus-Chrift; cette Epoufe qu'il aime uniquement, qui par lui a droit de s'approcher de Dieu & de lui parler avec une pleine confiance, & que Dieu ne fçauroit ne point écouter, parce que c'eft fon Efprit qui prie en elle : comment, dis-je, il femble qu'elle n'ofe ouvrir la bouche pour prononcer cette priere augufte, au milieu même des faints Myfteres où Jefus-Chrift rendu prefent fur les Autels par par fon miniftere & comme fa victime, lui doit donner une plus grande liberté, qu'elle ne le fait qu'avec une veneration profonde & une crainte religieufe, & qu'en s'excufant par une préface pleine d'humilité & de tremblement, de fa hardieffe, fur le commandement falutaire que Dieu lui a fait de s'en fervir, & fur ce qu'il a plû à Jefus-Chrift la composer & la lui apprendre lui-même pour lui donner un moyen de s'adreffer à fon Pere dans fes befoins, & de lui rendre fes devoirs ? Je conjure donc tous ceux qui liront ceci, de se souvenir de ne dire jamais cet te priere qu'après s'être recueillis pour s'élever à Dieu, s'unir à Jesus-Christ, & lui demander fon Efprit ; afin d'entrer dans le refpect qu'on doit à celui qu'on prie, comme à fon Dieu, & dans la confiance qu'on doit avoir pour lui, comme pour fon Pere, Saint Jean l'Evangelifte difoit du précepte de la charité chrétienne, que c'eft le commandement du Seigneur, & qu'il fuffit feul pourvû qu'on l'accompliffe. Je dis la même chofe & avec autant de verité du PATER : c'eft la priere du Seigneur, & elle fuffit feule pourvû qu'on la life bien. §. 4. Quel tems eft plus propre que CEUX qui voudront fe fervir de ces Exercices, prendront le tems qui leur fera le plus commode, & où ils pourront plus facilement fe féparer de ce qui les peut diffiper. Mais je goûte fort l'avis donne fur ce fujet le livre divin de l'Imitation de Jefus-Chrift: Qu'il eft bon de travailler vers les principales Fêtes à fe renouveller dans fes exercices, implorant pour cela avec plus d'ardeur le fecours des |