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CHAPITRE X

Conspiration du 19 août.

Naissance du duc de Bordeaux.

- Élections.

Extérieur.

Ouverture de la session de 1821. Lettres, arts, sciences.
Débats législatifs. Congrès de Laybach. Loi des dotations.

la session. Mort de Napoléon.

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§ I. CONSPIRATION DU 19 AOUT. Les éléments ne manquaient pas. Quelques essais de sociétés secrètes ou de complots avaient été ébauchés entre diverses groupes de citoyens, lorsque l'explosion et les premiers succès de la révolution militaire provoquée, en Espagne, par les généraux Riégo et Quiroga, tournèrent l'attention des libéraux de France vers l'armée. Il y avait là bien des mécontentements à exploiter. La loi de Gouvion Saint-Cyr avait fait rentrer dans l'armée bon nombre d'anciens militaires de tout grade. Mais beaucoup d'officiers, ayant de longs services, obéissaient impatiemment à de jeunes gentilshommes qui n'avaient jamais vu le feu. Ceux-ci étaient nombreux, surtout dans les corps priviligiés de la garde, où les sous-officiers de l'ancienne armée n'avaient été admis qu'en déposant leurs galons. La préséance de la garde sur la ligne froissait cette dernière. D'autre part, les officiers gentilshommes n'acceptaient pas de bon cœur cette même loi, qui mettait obstacle aux avancements de faveur, et ils en annonçaient hautement la prochaine abrogation. C'était une menace à tous ceux que la loi avait fait rentrer.

Des relations se nouèrent facilement entre quelques députés, parmi lesquels Lafayette, et un certain nombre d'officiers de la garnison de Paris, qui se firent fort de soulever leurs régiments. Le but était de chasser les Bourbons et d'appeler la nation à se prononcer sur le choix d'un gouvernement. Le mouvement devait s'accomplir durant la nuit du 19 au 20 août 1820. Mais, comme dans toutes les conspirations françaises, il y eut des défaillances, des lâchetés, des trahisons. Le gouvernement, averti, fit arrêter quelquesuns des conjurés militaires, d'autres parvinrent à échapper aux recherches. Ceux que l'on tenait furent déférés à la cour des Pairs et condamnés à des emprisonnements plus ou moins longs.

La conspiration du 19 août ne fit courir au gouvernement aucun péril réel et sérieux, mais elle donna le signal d'autres projets sem

blables dont le seul résultat trop positif fut le grand nombre d'exicutions capitales qui ont ensanglanté les années suivantes.

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§ II. NAISSANCE DU DUC DE BORDEAUX. Les inquiétudes des royalistes disparurent bientôt dans la joie d'un événement qui semblait assurer l'avenir de la dynastie. Le 29 septembre, la duchesse de Berry mit au monde un fils qui reçut les noms de Henri-Dieudonné et le titre de duc de Bordeaux. Le berceau de cet enfant fut salué avec bonheur, non-seulement par sa famille, mais encore par beaucoup de gens qui avaient salué avec autant de bonheur le roi de Rome et devaient, plus tard, saluer avec non moins de bonheur la naissance d'autres princes tous destinés, comme ceux de 1811 et de 1820, à hériter du même trône.

§ III. ÉLECTIONS. — La nouvelle loi électorale n'avait rien changé au mode de renouvellement de la Chambre ; il y avait donc, en 1820, une nouvelle série sortante de 52 députés, à quoi il fallait ajouter 172 députés nouveaux pour compléter le total de 430 fixé par la loi du double vote. Les colléges d'arrondissement étaient convoqués pour le 4 novembre, ceux des départements pour le 24. Il y avait, en tout, 224 nominations à faire et l'on allait pouvoir juger à cette première expérience les effets de la loi. Ils furent désastreux pour l'opposition libérale qui, dans la Chambre modifiée, ne compta plus que 70 à 75 voix sur 430 députés et dut renoncer à l'espoir d'entraîner désormais assez de voix des centres pour arriver à balancer la majorité à quelques voix près.

SIV. OUVERTURE DE LA SESSION. -- Cette cérémonie se fit tristement. Eile eut lieu, le 18 décembre, au Louvre, le roi n'étant plus en état de se transporter, même en voiture, au Palais-Bourbon. Louis XVIII était malade, fatigué des luttes de l'année, chagrin encore du départ de M. Decazes, peu satisfait de ses ministre actuels, inquiet de l'avenir. Son discours se ressentit de ces dispositions, il fut vague, insignifiant, glorifiant la naissance du duc de Bordeaux et faisant à l'union de tous un de ces appels toujours stériles.

Le 21, une Ordonnance royale nommait MM. Lainé, de Villèle et Corbière ministres d'État ; ils n'avaient pas encore de portefeuilles, mais voix au conseil des ministres : c'était l'avénement officiel de la droite au gouvernement; c'était, pour les libéraux, l'annonce d'une guerre à outrance: ils s'y préparèrent.

SV. LETTRES, ARTS, SCIENCES. Aussi vif que le mouvement politique était le mouvement intellectuel. Un nouveau nom et des plus illustres, s'inscrivait dans les Lettres françaises : Lamartine pu

bliait, en 1820, son premier volume, les Méditations poétiques et religieuses, destiné à rester, sinon le meilleur de ses ouvrages, du. moins celui qui devait conserver le privilége de produire les plus profondes, les plus durables émotions. Le succès en fut immense, incomparable et, du premier coup, plaça le jeune poëte à un des premiers rangs parmi les écrivains de la France.

Ce ne fut pas une moindre émotion que produisit dans le monde des arts l'arrivée en France d'un chef-d'œuvre inconnu de la grande antiquité grecque, l'admirable Vénus, dite de Milo, découverte dans la petite île de cè nom par M. de Marcellus, secrétaire de l'ambassade française à Constantinople, réservée à grand'peine par lui pour la France, puis expédiée au Louvre par les soins de l'ambassadeur, le marquis de Rivière. Le génie de l'art grec semblait venir assister à la régénération de l'art français.

Dans la science, Ampère, poursuivant le cours de ses études pour appliquer à la télégraphie les notions d'électro-magnétisme, découvertes par un savant étranger, le chimiste danois Oerstedt, constatait l'aimantation temporaire du fer par les courants électriques. C'était le principe de la télégraphie électrique.

Volney meurt le 25 avril 1820.

§ VI. EXTÉRIEUR. L'agitation politique, qui ne causait en France que de violentes discussions, des émeutes et des conspirations peu redoutables, avait, dans plusieurs pays étrangers, des effets d'une autre importance. Au mois de janvier 1820, une armée espagnole, prête à s'embarquer à Cadix pour aller soumettre les colonies d'Amérique, se soulevait, sous la direction des généraux Quiroga et Riégo et contraignait le roi Ferdinand VII à rétablir la Constitution de 1812. L'armée napolitaine proclamait à son tour la Constitution espagnole (juillet) et le roi, ne voulant pas la reconnaître, abdiquait en faveur de son fils qui la promulguait. Au mois d'août, la même révolution s'accomplissait en Portugal; le mouvement révolution naire se préparait dans le nord de l'Italie. Mais les souverains d'Autriche, de Russie et de Prusse, réunis à Troppau, pour conférer sur ces révolutions, convoquaient à Laybach un congrès des puissances européennes afin de concerter des mesures répressives.

§ VII. DÉBATS LÉGISLATIFS. Les élections faites sous la loi du double vote avaient ramené à la Chambre 60 à 70 de ces hommes qu'en avaient écartés les élections régies par la loi précédente. C'éftaient tous des fanatiques de 1815, dont la présence n'était pas aite pour rendre plus calmes les délibérations de la Chambre.

Aussi, presque chaque séance était-elle agitée par des scènes d'une violence extrême. Ce n'était plus une Assemblée cù se discutaient des opinions divergentes, c'était une arène où s'entrechoquaient des passions mortellement ennemies. Il suffisait de rappeler les services d'anciens militaires, de parler de la glorieuse cocarde tricolore, de prononcer le mot de Révolution pour que, soudain, quelque furibonde apostrophe partit de la droite. La Révolution n'était qu'une abomidable rébellion, une longue série d'horribles crimes où il n'y avait rien à excuser; ceux qui l'avaient suivie, défendue, qui en avaient porté les odieuses couleurs, étaient des révoltés, des coupables; ceux qui en plaidaient encore la cause étaient les ennemis du roi, de la société, de la religion, des provocateurs d'insurrection, des violateurs de la loi que la foi devait frapper. De tels discours n'étaient pas tenus seulement par des furieux comme M. de La Bourdonnaye, mais par le garde des sceaux lui-même, par M. de Serre, ministre de la justice.

Les repliques n'étaient pas moins véhémentes. Les libéraux opposaient à la Terreur de 1793 la Saint-Barthélemy, les dragonnades, la Terreur blanche. Ils revendiquaient les grandes institutions de la Constituante, glorifiaient les trois couleurs et les victoires de l'ancienne armée, célébraient les bienfaits de la Révolution et déclaraient bien haut qu'ils ne la laisseraient jamais insulter. Aux accusations de conspiration portées par M. de Serre contre les députés libéraux, Casimir Périer répondait que si le ministre de la justice y croyait, il manquait à son devoir en ne déférant pas les députés à la Cour des pairs et en ne faisant pas tomber les têtes des coupables.

Les ministres n'étaient pas à l'abri de violences pareilles. Des royalistes outrés leur reprochaient leur complicité dans l'ordonnance du 5 septembre, dans les lois qui l'avaient suivie et incriminaient leurs contradictions. M. Pasquier était l'ordinaire avocat de ses collègues et trouvait des arguments plus commodes qu'honnêtes pour expliquer des palinodies auxquelles lui-même avait été associé. Souvent, aussi, M. de Villèle venait à son secours et, en termes hautains, excusait les erreurs passées et réclamait l'indulgence pour les conversions récentes.

Le ministère avait présenté une loi qui, sous prétexte d'organiser les circonscriptions électorales, supprimait un certain nombre d'arrondissements et réduisait ainsi le nombre des colléges accessibles aux moins imposés. L'opposition la combattit avec son énergie ac

coutumée, mais ne put empêcher qu'elle fût adoptée à une grande majorité.

§ VIII. CONGRÈS DE LAYBACH. Tandis qu'en France, la Révolution était ainsi attaquée par des lois et par des discours, elle subissait ailleurs une plus brutale agression.

Les trois souverains réunis à Laybach avaient appelé auprès d'eux le roi de Naples; il s'y rendit, déclarant aux Cortès qu'il allait défendre la cause de la Constitution napolitaine. Mais, une fois arrivé, il n'eut d'autre pensée que de presser l'intervention armée, déjà décidée par les trois monarques.

Il y avait aussi à Laybach un plénipotentiaire anglais et trois représentants de la France. L'Anglais déclara que son gouvernement ne pouvait consentir à une intervention, mais qu'il reconnaissait que d'autres gouvernements pouvaient avoir des raisons d'agir différemment, pourvu qu'ils assurassent n'avoir aucun projet d'agrandissement. Les diplomates français, tout en cherchant, dans leurs conversations particulières, à amener des mesures de conciliation, adhéraient officiellement, quoique sous réserve, aux résolutions des trois cours.

Pour ne pas heurter trop ouvertement le sentiment public et pour paraître respecter la souveraineté du roi de Naples, les trois puissances mirent à sa disposition une armée autrichienne dont il prenait l'entretien à ses frais, depuis le moment où elle aurait franchi le Pô jusqu'à l'époque où elle cesserait d'occuper le royaume de Naples, ce qui devait durer trois ans.

L'armée autrichienne était en Lombardie. Elle passe le Pò, traverse les États de l'Église que le pape lui ouvre gracieusement et arrive à la frontière des Deux-Siciles où se trouvait l'armée napolitaine, commandée par le fils du roi. Les soldats napolitains jettent leurs armes, les uns s'enfuient, les autres font cortège aux envahisseurs; le commandant se rallie à ceux-ci qui occupent tout le royaume sans brûler une amorce et rétablissent le roi absolu. La restaurationbourbonienne à Naples est accompagnée d'arrestations, de tortures, de supplices. Le début des événements avait été accueilli avec joie par les libéraux de France; le dénouement causa des transports d'enthousiasme aux royalistes: ils espéraient arriver au même résultat.

Le Piémont n'attendait, pour se soulever, que l'éloignement de l'armée autrichienne de Lombardie. Quand on la sut arrivée à la frontière napolitaine, la garnison d'Alexandrie proclama la Consti

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