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secret par Louis Philippe et sa famille; Casimir Périer lui avait fait aussi une visite secrète, car l'ex-reine était sous le coup de la loi, non encore modifiée, qui proscrivait la famille Bonaparte. Sans lui attribuer aucune connivence dans les démonstrations de la place Vendôme, où elle logeait, le gouvernement crut devoir l'engager à s'éloigner, en lui fournissant les pièces officielles dont elle avait besoin afin de passer en Angleterre et, plus tard, pour se rendre en Suisse en traversant la France.

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§ VI. PROCÈS DES ARTILLEURS. VENDÉE. Dans le courant d'avril, la cour d'assises de la Seine eut à juger une accusation de complot dirigée contre des artilleurs de la garde nationale. Les pièces de cette légion étaient remisées dans la cour du Louvre. Pendant le procès des ministres de Charles X, le bruit avait été répandu que les artilleurs de quelques batteries étaient d'accord avec la population qui voulait la mort des prisonniers, et qu'ils devaient tourner, avec leurs pièces, du côté de l'émeute. Une instruction judiciaire en renvoya devant les assises un certain nombre parmi lesquels se trouvaient Ulysse Trélat, Godefroy Cavaignac et Guinard. Les charges relevées contre les accusés étaient légères et furent facilement combattues. L'intérêt de l'affaire fut surtout dans l'attitude des accusés, dans les paroles que plusieurs, et notamment Trélat, Cavaignac et Guinard prononcèrent, non pour se défendre mais pour proclamer hautement leurs opinions républicaines.

Tous les accusés furent acquittés, aux applaudissements d'une foule considérable.

Ce fut la profession de foi presque solennelle du parti républicain, faite par de jeunes hommes ardents, chevaleresques, éloquents, qui revendiquaient avec honneur les traditions patriotiques de la Révolution et de la Convention nationale. Cette ardeur même, qui faisait leur prestige, devint funeste au parti entier, qu'elle précipita trop souvent à des prises d'armes. De l'époque dont ils se plaisaient à rappeler les grandioses efforts, on leur opposa les terribles expédients; on effraya les imaginations, on alarma les intérêts, et pour beaucoup, le mot république fut le synonymne de désordre, de violence, d'anarchie.

Un autre parti, ayant des traditions bien différentes, le parti légitimiste, s'agitait aussi et tentait de ranimer dans l'ouest de la France l'esprit de la Vendée de 1793. Ses menées n'avaient pas beaucoup de succès. Cependant le gouvernement jugea prudent d'exercer une active surveillance et envoya dans les départements travaillés

par les carlistes le général Bonnet, investi de pouvoirs spéciaux, mais non exceptionnels.

§ VII. VOYAGES DU roi. Du 18 au 28 mai, Louis-Philippe visita la Seine-Inférieure et une partie du département de la Somme. Du 6 juin au 1er juillet, il fit une tournée dans les départements de l'Est. Il reçut partout cet accueil empressé que ne manquent jamais d'attirer un nouveau gouvernement et un spectacle officiel. Il y eut cependant une vive et vraie sympathie pour le roi « sorti des barricades. Les populations rurales étaient peu accessibles aux causes secondaires qui émouvaient les Parisiens; elles ne savaient pas mauvais gré à Louis-Philippe de son éloignement pour la guerre.

CHAPITRE V

Dissolution de la Chambre. Élections. Affaire de Portugal. Session de 1831. Invasion de la Belgique. L'adresse. Cour des pairs. — Prise de Varsovie. - Hérédité de la pairie. Bannissement des Bourbons. Scandales judiciaires. Insurrection de Lyon. - Algérie. — Lettres, arts, sciences. Étranger.

§ I. DISSOLUTION DE LA CHAMBRE. —Entre ces deux voyages, le roi signa, le 31 mai, une ordonnance portant dissolution de la Chambre, qui avait déjà été prorogée le 3 mai. Les colléges électoraux furent convoqués pour le 5 juillet et les Chambres pour le 9 août. Une autre ordonnance, du 22 juin, rapprocha cette dernière date au 23 juillet.

§ II. ÉLECTIONS.

Les élections, sur lesquelles le gouvernement s'abstint de toute pression illicite, ramenèrent 222 des députés de 1830; il y en avait 195 nouveaux; 34 élections doubles devaient amener 17 réélections; 1 élection était à recommencer à Marseille. Deux cent trois députés sortants n'avaient pas été réélus. Comme on pouvait le prévoir, la majorité de la nouvelle Chambre était favorable au gouvernement.

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§ III. AFFAIRE DE PORTUGAL. - La France était encore dans l'émoi de la lutte électorale, quand on apprit un fait d'armes auquel ne prêta pas une attention suffisante l'opinion publique, qui sait rarement s'occuper de deux questions à la fois.

Le gouvernement de don Miguel avait, sans motifs plausibles, maltraité deux Français, puis refusé les réparations demandées par la France. Le gouvernement résout de les exiger par la force. Une es

cadre, aux ordres du contre-amiral Roussin, fut envoyée devant Lisbonne. L'amiral réitéra la demande déjà faite, menaçant, si elle n'était pas accueillie, de forcer l'entrée du Tage. Nouveau refus. Le 7 juillet, l'amiral, à la tête de l'escadre, franchit l'entrée du port, éteignant avec ses canons le feu des défenses et vient s'embosser devant Lisbonne. Le gouvernement portugais faisant mine de vouloir gagner du temps, Roussin menace de bombarder la ville, sı sous vingt-quatre heures ses conditions ne sont pas acceptées. Le soir même, tout ce qu'il exigeait était consenti. L'escadre portugaise, prisonnière de guerre, fut ramenée à Brest; don Miguel avait refusé de l'échanger contre quelques prisonniers politiques réclamés par l'amiral.

Forcer les passes du Tage était une opération réputée impossible; ce fut un grand honneur pour la marine française de l'avoir exécutée avec autant de succès que de précision. L'effet en fut moin- · dre en France qu'en Angleterre, où la jalousie nationale rendit, par sa mauvaise humeur, hommage à l'escadre française.

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§ IV. SESSION DE 1831. - Le roi vint au palais Bourbon, le 25 juillet, ouvrir la session des Chambres. On attendait surtout ce qu'il dirait de la Pologne. Il annonça qu'il avait offert sa médiation et provoqué celle des autres puissances pour arrêter l'effusion du sang et assurer aux Polonais, « cette nationalité qui a résisté au temps et à ses vicisitudes. >>

Pour la présidence de la Chambre, l'opposition portait Laffitte : le ministère M. Girod (de l'Ain). Ce dernier eut 181 voix contre 176 données à son concurrent. La majorité acquise au ministère était donc seulement de cinq voix, et trois ministres avaient voté. Pour la vice-présidence, les deux premiers élus appartenaient à l'opposition, les deux autres à la majorité ministérielle.

Casimir Périer, vivement froissé de cet acte d'hostilité, remit sa démission au roi et entraîna celles de MM. Louis et Montalivet.

C'était une crise grave qui éclatait au début de la session, sur une question de personnes et non de principes ou de conduite politiques, avant que la Chambre eût eu l'occasion de se prononcer sur le système du ministère.

Un événement imprévu vint y mettre fin et donner de la force au gouvernement.

§ V. INVASION DE LA BELGIQUE.

A la suite du refus fait par

Louis-Philippe d'accepter le trône de Belgique pour le duc de Ne

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mours, le congrès belge choisit le duc Léopold de Saxe-Cobourg, qui accepta et fut proclamé roi sous le nom de Léopold Io. La conférence de Londres avait réglé les limites de territoires entre la Belgique et la Hollande, mais celle-ci n'y avait pas encore adhéré.

Le 9 août, parut un supplément du Moniteur annonçant que les troupes hollandaises ont envahi la Belgique, que le roi Léopold a réclamé le secours de la France et qu'une armée de 50,000 hommes, commandée par le maréchal Gérard, va franchir la frontière pour faire respecter les décisions que les grandes puissances ont arrêtées en commun.

En présence de ces faits, le ministère retira sa démission.

A l'approche des troupes françaises, le roi de Hollande rappela les siennes et Gérard ramena son armée sans avoir eu à combattre.

§ VI. L'ADRESSE. La discussion de l'adresse amena la revue habituelle de la politique intérieure et extérieure. Un des orateurs du gouvernement, M. Guizot, traça du parti républicain le tableau suivant...« C'est la collection de tous les débris, c'est le caput mortuum de ce qui s'est passé chez nous de 1789 à 1830; c'est la collection de toutes les idées fausses, de toutes les mauvaises passions, de tous les intérêts illégitimes qui se sont mêlés à notre généreuse révolution, et qui l'ont corrompue quelque temps pour la faire échouer quelque temps aussi..... Ce mauvais parti révolutionnaire est aujourd'hui incapable d'amendement et de repentir... La révolution de Juillet, c'est tout ce qu'il y a de bon, de légitime, de national, depuis 1789 jusqu'à 1850, et le mauvais parti révolutionnaire est la queue de notre première révolution, tout ce qu'il y a de mauvais, d'illégitime, d'antinational dans cette période... >>

Si M. Guizot n'était pas sincère en parlant ainsi, à quels misérables moyens descendait-il? S'il était sincère, quelle ignorance il montrait des choses de son temps !

La Chambre repoussa un amendement proposé par M. de Cormenin, qui parlait « d'améliorer la condition du peuple par la communication graduée et mesurée des droits municipaux et politiques, par l'allégement des impôts qui pèsent sur les classes pauvres et souffrantes, par des moyens de travail et par la distribution gratuite de l'instruction primaire. »

Ce n'était pas là un programme bien audacieux, un engagement

bien compromettant. Cependant, après l'avoir voté comme partie intégrante d'un paragraphe, la majorité le rejeta en rejetant le paragraphe entier. Il n'était pas habile à la Chambre de se montrer hostile ou dédaigneuse à l'égard de questions qu'en ce moment même agitaient avec plus d'ardeur que de sens les sectes qu'on allait bientôt appeler socialistes.

A propos de la politique étrangère, l'opposition fit entendre de généreuses et sympathiques paroles pour les populations qui, comptant sur l'aide de la France, s'étaient soulevées afin de reconquérir leur liberté. On reprocha avec véhémence au gouvernement de les avoir abandonnées, livrées à leurs ennemis. C'est de l'Italie, de la Pologne qu'il s'agissait.

Au reproche de redouter la guerre, le gouvernement répondait qu'il n'en avait pas eu peur lorsque, l'année précédente, il avait menacé de faire entrer une armée en Belgique si les Prussiens y mettaient le pied. C'était vrai, mais pourquoi, cette année, n'avait-il pas osé la risquer en Italie, puisque l'Autriche s'y exposait?

Pour la Pologne, il n'avait que trop raison; la France eût dû se jeter dans une guerre contre l'Autriche, la Prusse et la Russie, et, même en la supposant victorieuse des deux premières, serait-elle arrivée assez tôt pour sauver la Pologne des étreintes de la Russie? Louis-Philippe avait proposé une médiation et il n'avait trouvé aucune adhésion, pas mème celle de l'Angleterre, qui n'était pas partie prenante au partage de la Pologne.

A la suite du débat sérieux, il s'en éleva un tout puéril, sur la question de savoir si la Chambre exprimerait la certitude, l'assurance ou l'espérance que la nationalité polonaise ne périrait pas. On se décida, après une nuit de réflexion, pour assurance.

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§ VII. COUR DES PAIRS. Le 19 août, la Cour des pairs fut convoquée pour juger un de ses membres.

La Charte avait promis la liberté de l'enseignement, mais la loi destinée à réaliser cette promesse était encore à venir. Trois citoyens, le comte de Montalembert, l'abbé Lacordaire et M. de Coux, s'appuyant sur la promesse de la Charte, ouvrirent une école libre, sans recourir préalablement à l'autorisation universitaire. L'autorité fit fermer l'école et en cita les chefs devant la police correctionnelle. Pendant l'information judiciaire, M. de Montalembert, fils d'un pair de France, atteignit l'âge qui lui donnait droit à la pairie. I revendiqua, à ce titre, la juridiction de la Cour des pairs

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