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prépare une expédition contre don Miguel. Celui-ci réprime avec cruauté des tentatives de soulèvement à Lisbonne.

CHAPITRE VI

Affaire de Belgique.

Occupation d'Ancône.
La duchesse de

Le choléra. Armand Carrel.

1832. La liste civile. Troubles de Grenoble. Berry en Vendée. Journées de Juin. - Mort du duc de Reichstadt. Ministère du 11 octobre. Procès de Juin. Arrestation de la duchesse de Berry. Ouverture de la session.

§ I. 1832. Sinistre année, année du choléra, pleine de morts, de deuils, de combats; l'année 1832 débute par un vote législatif appelant 80,000 hommes sous les drapeaux (2 janvier) et le vote d'une loi sur la mobilisation des gardes nationales (3 jan→ vier) ce ne sont pas des présages de paix.

§ II. LA LISTE CIVILE. - La première quinzaine de ce mois est prise par la discussion de la loi sur la liste civile du roi, qui n'a pas encore été fixée. Que les républicains critiquent et contestent la dotation de la couronne, ils sont dans la logique de leurs idées et de leur principe. Mais ceux qui ont voulu un roi et une monarchie doivent lui donner les moyens de tenir convenablement son rang. La dotation de la couronne fut misérablement disputée par des gens qui n'étaient pas républicains et qui cherchaient moins à faire des économies au profit du Trésor public qu'à faire du scandale au profit de leur vanité ou de leur ambition. L'humeur frondeuse du public français s'amusait de ces attaques, qui, cependant, déconsidéraient la royauté qu'on voulait conserver.

L'éloquence politique tient toujours sa place dans les débats parlementaires, mais avec moins d'élévation, plus d'emportement et de violence.

Casimir Périer, lui-même, ne présentait le projet de loi qu'avec répugnance; il en avait laissé le chiffre en blanc. La Chambre le fixa à 12 millions. C'est dans la discussion de cette loi que M. de Montalivet, ministre de l'intérieur, laissa échapper les mots : roi de France et sujets qui soulevèrent une tempête dans la Chambre et provoquèrent une protestation de la gauche monarchique.

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§ III. AFFAIRES DE BELGIQUE. Le 31 janvier, le gouvernement rançais ratifia le traité, signé à Londres, le 13 novembre précé

dent, pour la séparation de la Belgique et de la Hollande. Ce traité stipulait que l'exécution en serait demandée et, au besoin, imposée au roi de Hollande, qui n'y avait pas consenti jusque-là.

§ IV. OCCUPATION D'ANCÔNE. Le nouveau pape, pour faire respecter son pouvoir dans les Légations, avait augmenté ses troupes en y faisant entrer tout ce qu'on avait pu réunir de gens sans aveu, de bandits en disponibilité. Les villes menacées de recevoir de telles garnisons prirent les armes pour les repousser. Un combat eut lieu, le 20 janvier, à Césène; les pontificaux, supérieurs en nombre, furent vainqueurs et livrèrent les villes pontificales à toutes les horreurs d'une prise d'assaut. Les Autrichiens saisirent ce prétexte pour rentrer dans les Légations.

Le gouvernement français fit aussitôt partir de Toulon le Sutfren, commandé par le capitaine Gallois, portant des troupes de débarquement. Le Suffren devait se rendre dans les eaux d'Ancône et y agir d'après les instructions que lui adresserait le général Cubières, commandant des troupes, qui devait passer par Rome pour se concerter avec l'ambassadeur de France.

Arrivé devant Ancône, le 22 février au matin, le capitaine Gallois, ne trouvant pas les instructions annoncées, débarque les troupes, qui s'emparent d'Ancône en brisant les portes, mais sans éprouver d'autre résistance.

A. cette nouvelle, le pape fit amener son drapeau, rappela ses soldats et ordonna à tous les fonctionnaires de quitter Ancône et de se retirer à Osimo.

Le capitaine Gallois, qui avait outre-passé ses ordres, fut désavoué, mais l'occupation fut maintenue. Un peu plus tard, les troupes pontificales revinrent partager le service avec la garnison française et le drapeau du pape flotta seul sur la ville en vertu d'une convention conclue entre les deux gouvernements.

Ce coup de main, audacieusement exécuté, produisit en Europe une vive sensation et, venant après Alger, après l'entrée dans le Tage, montra ce que la France pouvait entreprendre si elle était contrainte à user de ses forces.

Si Casimir Périer eût agi de même dès son entrée au ministère, il aurait épargné à l'Italie bien des massacres et conquis à la France bien des sympathies.

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SV. TROUBLES DE GRENOBLE. Le 12 mars, à la suite de l'interdiction d'un bal et d'une représentation dramatique, des rassemblements parcouraient Grenoble en proférant des cris contre le

préfet, auteur de l'interdiction. Par l'ordre de ce fonctionnaire, deux commissaires de police, chacun à la tête d'une compagnie du 35° de ligne, cernèrent la foule par les deux extrémités d'une rue, puis, les soldats, sans sommations faites, s'avancèrent, la baïonnette croisée sur cette masse de gens bloqués sans issue. Il y eut des morts et des blessés. La scène sanglante avait eu lieu le soir. Le lendemain, toute la population est debout, la garde nationale sous les armes; en l'absence du préfet qui se cache, le conseil municipal assume l'autorité. Une députation est envoyée à Lyon, avec une lettre du général Saint-Clair, commandant de Grenoble, pour solliciter du général Hulot, commandant la division militaire, l'éloignement immédiat du 35°. L'ordre est donné et un autre régiment envoyé à Grenoble.

En apprenant ces faits, Casimir Périer fut transporté de fureur. Il ordonna la réintégration du 35°, la dissolution de la garde nationale, fit infliger des changements de destination aux généraux Saint-Clair et Hulot, et n'eut d'éloges que pour le préfet.

Interpellé à la Chambre, il prétendit que les ordres du préfet avaient été motivés par une mascarade représentant l'assassinat du roi, que le rassemblement avait crié : Vive la République! que les sommations avaient été faites. Sur tous ces points il fut démenti formellement par les témoignages d'un des commissaires de police affirmant que les soldats avaient agi sans qu'aucune sommation eût été faite, et du préfet lui-même 'constatant que la mascarade représentait le Budget et que nul cri de : Vive la République! n'avait été proféré.

Le 35° rentra dans Grenoble comme dans une ville conquise, mais presque chaque jour, il y eut entre habitants et militaires des duels où plusieurs de ceux-ci périrent. Il fallut éloigner définitivement ce malheureux régiment. Le fonctionnaire qui avait donné l'ordre barbare de marcher à la baïonnette sur une foule qui ne pouvait bouger ne reçut pas même une légère admonition; il eut, plus tard, de l'avancement.

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§ VI. LE CHOLERA. Venu du fond de l'Asie, le choléra-morbus avait accompagné les Russes en Pologne, d'où il était passé en Allemagne, puis, par un bond subit, s'était élancé en Angleterre. On s'attendait à le voir apparaître sur nos villes des bords de la Manche. Tout à coup, le 26 mars, on apprend que le terrible fléau vient de faire à Paris sa première victime. C'était le jour de la MiCarême, le tumulte des mascarades couvrit d'abord la lugubre

nouvelle. Mais, le lendemain, les malades se pressaient à l'entrée des hôpitaux. Des quartiers entiers étaient frappés.

L'épouvante se répandit; la rapidité foudroyante du mal, les cruelles souffrances des malades, l'aspect étrange des corps, avant même qu'ils fussent des cadavres, inspirèrent aux imaginations populaires cette sinistre croyance qui s'est produite partout où le choléra a éclaté pour la première fois : « C'est de l'empoisonnement! » Ce bruit sinistre se répandit avec la rapidité de l'éclair et, dès que l'on crut au poison, naturellement on chercha les empoisonneurs. La circonstance la plus futile motivait le soupçon, et le soupçon, c'était la mort, la mort féroce, impitoyable, avec des raffinements sauvages. Une proclamation imprudente du préfet de police Gisquet donna créance à ces bruits.

Malheureusement, la science était prise au dépourvu. La maladie mystérieuse était peu connue, le remède l'était moins encore; les médecins employaient les traitements les plus divers. Du moins, le corps médical suppléait à l'expérience par un zèle de tous les instants, mais il ne suffisait pas au nombre des malades.

La bienfaisance publique et privée se multipliait aussi : on portait en abondance du linge, des couvertures, tout ce qui était indiqué par les médecins, dans les hôpitaux, dans les ambulances, au domicile des malades; pour 'soigner ceux-ci, les dévouements ne firent pas faute. Le roi et sa famille, restés à Paris, que tant de gens abandonnaient, prodiguèrent les secours et ne craignirent pas de se montrer dans les hôpitaux.

Les voitures manquèrent pour le service des funérailles. Des tapissières, drapées de noir, parcouraient lugubrement les rues, enlevant et entassant les morts. On en transporta dans des fourgons des équipages militaires, dans des fiacres, sur des brancards; on vit, à défaut de voitures et de porteurs, de malheureuses femmes porter, dans leurs bras, au cimetière, le cercueil de leurs petits enfants. Le clergé des divers cultes ne déserta plus le champ de bataille de la peste et courut partout où il fut appelé.

Pendant plus de deux mois, Paris offrit un spectacle sinistre et lamentable.

Dans le courant d'avril, le fléau emporta plus de 12,000 personnes; puis, il y eut un moment, non pas d'arrêt, mais de décroissance auquel succéda, à partir du 17 juin, une violente recrudescence. Pendant les 189 jours que dura l'épidémie, le nombre des

décès officiellement constatés atteignit plus de 20,000, chiffre vraisemblablement au-dessous de la réalité.

De Paris, le choléra s'étendit sur une quinzaine de départements, mais la mortalité y fut relativement moindre que dans la capitale. Pour la France entière, le nombre des victimes s'éleva à 120,000.

Casimir Périer, par sa nature bilieuse, par le déplorable état de sa santé, était une proie désignée pour le choléra. Une visite qu'il fit dans les hôpitaux avec le duc d'Orléans le frappa d'une impression morale qui s'ajouta à son mal physique. Il fut atteint par la maladie régnante et succomba, le 16 mai. Le gouvernement lui fit de splendides funérailles, d'autant plus fastueuses peut-être qu'on le regrettait moins.

Casimir Périer fut un véritable ministre de combat. Mais, avec l'énergie nécessaire pour un tel rôle, il n'eut pas les grandes vues de l'homme d'État, qui sait, après avoir préparé la lutte et remporté la victoire, tirer parti de celle-ci : il n'avait que de la haine, sentiment puissant à coup sûr, mais qui, seul, est stérile. Aussi, Casimir Périer n'a-t-il laissé qu'un nom et pas une œuvre. Les ennemis qu'il croyait avoir abattus se levèrent en armes au lendemain de sa mort.

§ VII. ARMAND CARREL. L'effroyable invasion du choléra ne fit pas diversion aux animosités politiques : il y avait de la bataille dans l'air. Tout dernièrement, à propos de la prétention des parquets d'assimiler la publication d'un article au cas de flagrant délit et de soumettre, en conséquence, les écrivains à la détention préventive, Armand Carrel avait écrit et, contre l'usage d'alors, signé dans le National, un article où il soutenait que le citoyen ainsi menacé dans sa liberté avait le droit de repousser la force par la force. Armand Carrel laissait entendre clairement qu'il était, pour sa part, résolu à une telle résistance. Plusieurs journaux reproduisirent cet article en s'y associant. Le National fut saisi, mais on n'osa point arrêter Carrel, qui, devant la cour d'assises, maintint énergiquement sa thèse et fut acquitté. Les arrestations préventives ne continuèrent pas.

§ VIII. LA DUCHESSE DE BERRY EN VENDÉE. La duchesse de Berry, qui résidait en Italie, méditait de tenter au profit de son fils un 20 mars légitimiste. Le 30 avril, elle débarque à Marseille, où une émeute est faite à son intention, puis elle se rend dans l'Ouest pour y fomenter la guerre civile. Quatre départements et

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