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en voiture dans la forêt, lorsque deux coups de feu partirent de la crête d'un mur qui bordait le chemin. Personne ne fut blessé dans la voiture royale.

On chercha, on trouva l'assassin; il se nommait Lecomte, ancien garde des eaux et forêts, il avait été révoqué de ces fonctions, et c'était pour la satisfaction de sa vengeance personnelle qu'il avait essayé de tuer le roi. Lecomte fut condamné, le 4 juin, à la peine des parricides et exécuté le 8.

Lecomte trouva un imitateur. Le 29 juillet, le roi était au balcon des Tuileries, écoutant un concert donné dans le jardin pour l'anniversaire des journées de Juillet. Deux coups de pistolet partent du milieu de la foule. L'homme qui a tiré est saisi, livré à la police. C'était un nommé Joseph Henri, ouvrier en acier poli. L'arme dont il s'était servi était un mauvais pistolet de poche, sans portée efficace. L'instruction établit que de mauvaises affaires avaient dérangé l'intelligence de cet homme; on ne put donner à son action aucun caractère politique. La Cour des pairs le condamna aux travaux forcés à perpétuité.

Dans le même temps, l'auteur d'un attentat d'autre nature, Louis-Bonaparte, qui subissait au fort de Ham l'emprisonnement perpétuel auquel l'avait condamné la justice indulgente de la Cour des pairs, s'évada de sa prison, sous le déguisement d'ouvrier maçon, avec la complicité de son ami le docteur Conneau, et parvint en Belgique, d'où il gagna l'Angleterre. L'opinion publique soupçonna le gouvernement d'avoir fermé les yeux sur les préparatifs de l'évasion. Il n'en était rien. Le prisonnier usa du droit naturel qu'a tout captif de recouvrer sa liberté; peut-être le gouvernement ne regretta-t-il pas beaucoup la fuite du détenu : il ne lisait pas dans l'avenir.

§ III. ÉLECTIONS. Le crime ou l'apparence de crime d'Henri ne pouvait pas ne pas être exploité par le ministère et ses amis au profit de leur intérêt électoral. Les feuilles officieuses s'en emparèrent pour effrayer les électeurs pusillanimes et rallier les indécis. Le succès répondit à ces efforts. Le parti ministériel revint avec des renforts nombreux, tandis que l'opposition vit ses rangs s'éclaircir.

Cependant, presque partout le mot de réforme avait été prononcé, même par des conservateurs et bien accueilli des électeurs. Le courant était tellement prononcé que, les élections faites, M. Guizot, dans un discours aux électeurs de Lisieux qui l'avaient

réélu, déclara que « le gouvernement doit s'appliquer à développer dans la société tous les germes de perfectionnement, de prospérité, de grandeur. Développement tranquille et régulier, qui ne doit pas procéder par secousses ni produire des chimères, mafs qui doit s'adresser à toutes les forces saines que possède la société et lui faire faire, chaque jour, un pas dans la carrière de ses espérances légitimes. C'est là, sans nul doute, pour la politique conservatrice un devoir impérieux, sacré, et c'est là aussi, soyez-en sûrs, un but que cette politique seule peut atteindre. Toutes les politiques vous promettront le progrès; la politique conservatrice seule vous le donnera. >>

M. Guizot avait plus raison et devait tenir parole plus qu'il ne le pensait la politique conservatrice a fait la révolution de Février. § IV. SESSION TRANSITOIRE. La session du 19 août, qui dura

seulement quelques jours, ne servit qu'à vérifier les pouvoirs et constituer la Chambre. Pour la présidence, M. Sauzet, candidat ministériel, fut élu par 120 voix contre 98 données à M. Odilon Barrot, candidat de l'opposition.

Le ministère, sûr de la majorité pour une période de cinq ans, s'empressa de fermer la session. Cinq ans ! la Chambre et la royauté n'en avaient plus deux à vivre.

§ V. CRISE ALIMENTAIRE ET MONÉtaire. Deux mauvaises récoltes successives, dont la seconde s'étendait à d'autres parties de l'Europe, amenèrent une crise de subsistances. Le commerce réclamait du gouvernement la réduction des droits d'importation. Le gouvernement s'y refusa et le ministre de l'agriculture, dans une circulaire aux préfets, prouva par des chiffres relevés dans ses bureaux, que la situation n'avait rien d'alarmant. La réalité donnait un démenti aux chiffres officiels; il fallut bien accorder les mesures réclamées. Mais alors, l'encombrement se produisit dans les villes maritimes et les moyens de transport furent insuffisants. En outre, de grandes inondations dans le Midi accrurent le mal en interceptant les routes. Les municipalités firent des sacrifices considérables pour maintenir le prix du pain à un taux accessible à la population peu aisée. Paris y consacra 25 millions.

L'agiotage sur les entreprises industrielles compliqua cet état de choses d'une crise monétaire qui gêna quelque temps le commerce d'approvisionnement. Un peu de vigilance et de prévoyance de la part du gouvernement aurait prévenu au moins une partie de ces calamités.

- On ferait une longue, mais

§ VI. LES MARIAGES ESPAGNOLS. non attrayante comédie des combinaisons matrimoniales, des intrigues diplomatiques auxquelles donna lieu le mariage de l'innocente Isabelle, reine d'Espagne. Les prétendants à la main de la jeune souveraine furent nombreux; il y eut les deux infants, François de Paul et Enrique, ses cousins, les ducs d'Aumale et de Montpensier, cousins aussi, un autre cousin napolitain, le comte de Trapani et un des innombrables princes de Saxe-Cobourg. Il faut y ajouter le fils de don Carlos, candidat à la cantonade.

Louis-Philippe et son ministère écartèrent de prime abord la candidature des princes français, afin de n'être pas accusés de vouloir pour la France une influence dominante en Espagne, mais en réservant le duc de Montpensier pour l'infante Fernanda, sœur de la reine. Ils déclarèrent, en même temps, vouloir s'opposer à ce que le mari de la reine fût choisi ailleurs que parmi les princes descendants de Philippe V. L'Angleterre, de son côté, n'excluait du mariage de la reine que les princes français; elle consentait que le duc de Montpensier épousât l'infante, mais seulement après que la reine serait mariée et aurait eu un enfant.

Cette campagne matrimoniale ne dura pas moins de trois années, fut une grosse affaire en son temps et se termina par un brusque dénoûment. A la fin de 1846, la reine Isabelle, devenue majeure, déclara qu'elle prenait pour époux l'infant François de Paul, qu'elle donnait la main de sa sœur au duc de Montpensier et que les deux mariages seraient célébrés le même jour, ce qui eut lieu, en effet, le 10 octobre.

Ce fait relâcha sensiblement l'alliance anglaise, car l'Angleterre craignait que, si la reine Isabelle n'avait pas d'enfants, sa sœur Fernanda, héritière du trône, ne livrât le gouvernement de l'Espagne à un prince français.

Mais Isabelle eut des enfants qui ont été, avec elle, chassés d'Espagne; le duc de Montpensier en a été aussi exilé avec sa femme; Louis-Philippe et sa dynastie ont cessé de régner en France. Toutes les combinaisons que chacun des deux gouvernements rivaux avait en vue ont disparu, comme de vains rêves et, une fois de plus la diplomatie a fait beaucoup de bruit pour rien.

§ VII. ALGÉRIE. — Abd-el-Kader, toujours repoussé, renouvelait sans cesse des attaques inspirées moins peut-être par sa haine contre la France que par la necessité de maintenir sous son obéissance les tribus qui lui restaient fidèles et de leur procurer du

butin. Au mois de mai, le général Cavaignac le poursuivit jusque sur le territoire marocain, où Abd-el-Kader ne trouva aucun appui. L'empereur dirigea même contre lui des troupes qui l'obligèrent à évacuer le territoire du Maroc. Pour se venger, Abd-el- Kader fit décapiter trois cents prisonniers français, dont la plupart étaient des soldats de la colonne Montagnac.

§ VIII. SCIENCE. INDUSTRIE. Les deux frères Antoine et Arnaud d'Abbadie reviennent de l'exploration qu'ils faisaient, depuis 1842, en Afrique, rapportant d'intéressantes notions sur le sud de l'Abyssinie, parmi les tribus Gallas et vers les sources du Nil Blanc.

M. Schoenbein, chimiste de Bâle, communique à l'Académie des sciences de France la découverte du fulmi-coton.

Ouverture du chemin de fer du Nord.

§ IX. EXTÉRIEUR.

Commencement de la question du SleswigHolstein entre l'Allemagne et le Danemark, qui veut s'annexer plus étroitement les duchés d'origine allemande. La diète de Francfort revendique la nationalité germanique des duchés et l'intégrité du territoire allemand.

En Angleterre, le ministère tory remplace le cabinet whig. Robert Peel fait adopter par les Chambres l'abolition des droits sur les importations étrangères. Continuation des désordres en Irlande; formation du parti de la Jeune-Irlande dont le chef est O'Brien. Expédition dans le royaume de Lahore; forte contribution de guerre et annexion aux possessions anglaises d'une partie du royaume. Le reste est placé sous la surveillance d'un résident anglais.

Tentative insurrectionnelle dans la Galicie autrichienne; horribles massacres provoqués et encouragés par le gouvernement autrichien. Incorporation de la république de Cracovie à l'empire d'Autriche, avec l'approbation de la Russie et de la Prusse, malgré les protestations diplomatiques de la France et de l'Angleterre.

Le pape Grégoire XVI meurt le 1er juin; il est remplacé, le 16, par le cardinal Mastaï, qui prend le nom de Pie IX, annonce des intentions libérales et prescrit quelques réformes administratives. Son exemple décide le roi de Naples à abolir les commissions militaires jugeant les délits politiques.

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§ I. AFFAIRE DE Buzançais.

L'année 1847 commença lugubre

ment. La crise des subsistances et la crise monétaire continuaient à sévir. La première causa, dès les débuts de l'année, une sanglante catastrophe.

La cherté des subsistances, jointe à la rareté du numéraire, avait produit une misère extrême. Dans beaucoup de départements, des bandes d'hommes parcouraient les campagnes, demandant du pain ou de l'argent, et souvent avec menaces. Dans les villes, la population ameutée s'emparait des blés apportés aux marchés et les mettait en vente à un prix qu'elle fixait arbitrairement. Sur les rivières, sur les canaux, sur les routes, les bateaux et les voitures qui transportaient les blés ou les farines étaient arrêtés, dévalisés et la marchandise pillée ou, tout au moins, vendue arbitrairement. Il fallut organiser des colonnes de troupes faisant patrouille dans les campagnes pour réprimer ces désordres. Mais, là où manquait la force armée, la foule furieuse brisait toute résistance. Les faits les plus douloureux s'accomplirent dans l'Indre, à Buzançais et à Chalabre, où des propriétaires, dénoncés comme accapareurs, furent assassinés (11 janvier).

Les meurtriers furent arrêtés, livrés à la justice, qui leur appliqua rigoureusement la loi pénale; cinq exécutions à mort eurent lieu sur la place de Buzançais.

Les sentences de la justice frappaient les coupables. Mais, la passion, aveugle, brutale, l'ignorance profonde qui avait fait ces coupables, par quels moyens cherchait-on à les combattre? Après que l'échafaud avait fajt sa sanglante besogne, quelles idées mettait-on dans l'esprit de ces populations égarées pour épurer dans leur esprit le terrible souvenir qu'on y laissait? Rien, rien, rien, comme le dira tout à l'heure un député de la majorité, effrayé de l'inertie officielle.

§ II. INERTIE OFFicielle.

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Au mois de février, la discussion de

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