Page images
PDF
EPUB

veillance trop sévère et trop active sur les hommes qui s'oc cupent d'hydraulique, et trop tenir la main à ce qu'ils ne soient pas aussi indifférens qu'ils le sont communément relativement à la connaissance des propriétés qui caracté risent la bonne qualité des eaux potables, à ne jamais perdre l'occasion d'acquérir sur cette branche essentielle de la physique toutes les lumières qu'elle exige, ni à dédaigner de consulter les hydrologistes les plus avantageusement connus pour avoir fait des recherches utiles en ce genre, afin de bien distinguer dans les endroits où il faut élever des eaux de puits ou les amener à la surface pour le service public, puisque la dépense est la même, que souvent il n'en coûte pas davantage pour procurer à toutes les classes de consommateurs une eau de bonne qualité plutôt qu'une médiocre; d'ailleurs il est possible de juger, à l'aspect des roches d'un pays, s'il y a ou non de bonnes eaux, et il est également facile, en observant ce qui se passe dans les puits, d'apercevoir leur communication avec les rivières qui se trouvent dans le voisinage, si l'eau en provient.

Nous terminerons par une seule remarque; c'est que ces filtrations inverses qui s'opèrent du bas en haut, ces distillations, ces précipitations forcées, toutes ces matières clarifiantes proposées successivement et vantées comme des procédés merveilleux pour épurer les eaux, corriger leur vice prétendu inhérent, dégager les matières salines qu'elles tiennent en dissolution, ne doivent jamais être em ployées sous le prétexte frivole d'une pureté qui contribue à les altérer. Il ne faut à celles qui sont bourbeuses que des vases plus étroits que larges, et du repos pour se débarrasser du limon qui obscurcissait leur transparence; ne faut aux eaux croupies qui exhalent le gaz hydrogène sulfuré que du charbon, mélangé de sable, pour les désinfecter et les clarifier en même tems. Enfin, il ne faut aux eaux dures et crues de puits, de neiges et de glaces, aux eaux fades et pesantes, que du mouvement pour y intro

il

duire une surabondance d'air et les rendre plus légères; aux eaux qui ont le goût de marais, la chaleur du feu pour dissiper leur mauvais goût, et les laisser refroidir à découvert pour reprendre de l'air au moyen du mouvement; à celles qui ont perdu de leur bonne qualité à raison des circonstances locales et atmosphériques, quelques gouttes de vin, de vinaigre ou d'eau-de-vie pour relever leur fadeur et les rendre moins préjudiciables à la santé.

Tous les autres moyens épuratoires, malgré l'enthousiasme de leurs prôneurs, sont insuffisans, la plupart trop lents à agir et par conséquent impraticables en grand; mais tous destructeurs des principes qui constituent la sapidité, la légèreté, la salubrité des eaux destinées à servir de boisson principale aux hommes et aux animaux.

Analyse de l'eau minérale d'Audinac, PAR MM. LAFONT, docteur en médecine, et MAGNES, Pharmacien à Toulouse.

(EXTRAIT PAR M. BOULLAY.)

LES sources d'Audinac, domaine situé à 4 kilomètres nord-ouest de Saint-Girons, département de l'Arriége, étaient depuis long-tems employées comme eaux minérales, sans qu'on en connût bien positivement ni les qualités, ni les vertus. Leur minéralisation était seulement démontrée par la couleur noire du précipité que ces eaux déposent dans le bassin d'où elles sourdent, l'odeur de gaz hydrogène sulfuré que répand l'eau lorsqu'on la remue, et la couleur jaune ochracée dont se recouvrent les pierres, les matières végétales, principalement les feuilles des arbres voisins qui y tombent et séjournent à sa surface. On présuma, avec raison, qu'elles jouissaient de quelques propriétés médicamenteuses; et les essais qui en furent faits par Heme Année. — Avril.

12

[ocr errors]

quelques personnes du peuple, ayant procuré les résultats les plus efficaces, bientôt les citoyens de toutes les classes en firent un heureux usage contre les affections cutanées et rhumatismales.

Depuis peu d'années, on a soumis ces eaux à plusieurs essais d'analyse qui n'ont indiqué qu'une partie des substances qui les minéralisent, sans en déterminer ni les proportions, nile mode de combinaison. Un examen exact était donc nécessaire. MM. Lafont et Magnes en ont été spécialement chargés par la Société de Médecine de Toulouse.

L'eau minérale d'Audinac sourd dans un vallon calcaire et forme, en jaillissant de bas en haut, un bassin d'environ 3 mètres de diamètre. Celle qui a servi aux expériences fut puisée à la source le 30 août 1808, avant le lever du soleil; elle marquait 16 deg. au thermomètre de Réaumur, l'atmosphère étant à 15 degrés. Elle pesait par once environ un grain de moins que l'eau distillée. Elle était claire, limpide, et répandait une odeur sensible de gaz hydrogène sulfuré; ce gaz ne paraissait y adhérer que faiblement. Lorsque l'atmosphère s'élevait au-delà de 15 degrés, sa saveur était amère, un peu acerbe, laissant un arrièregoût d'astringence. Mise à l'air libre, il se forme à la surface une pellicule blanchâtre, qui, après quelques heures, passe au rouge irisé, le reste du liquide conservant sa transparence.

Cette eau rougit la teinture de tournesol, sans altérer la couleur du sirop de violettes; la potasse caustique, l'eau de chaux, le gaz ammoniaque, y forment un précipité abondant, tandis que les acides sulfureux et muriatique oxigéné n'y produisent aucun changement bien sensible. L'acide oxalique a occasionné un léger précipité qui s'est un peu augmenté au bout de 24 heures; l'oxalate d'ammoniaque et le muriate de baryte l'ont considérablement précipitée. Le nitrate d'argent a produit le même effet, mais

le dépôt a acquis une couleur pourpre, et est ensuite devenu noir.

Le nitrate de mercure a formé un précipité jaune; la noix de galle a imprimé une couleur lie de vin, qui, par l'action de l'air, est devenue noire; le prussiate de chaux a procuré une couleur azurée, qui s'est foncée en quelques heures, et plus encore par l'addition de quelques gouttes d'acide sulfurique. L'ammoniaque, versée dans cette eau prussiatée, a produit un effet semblable. Le prussiate de fer, formé dans ces deux expériences, a pris une couleur orangée au bout de quelques jours.

Le tartrite antimonié de potasse, les acides sulfurique, nitrique et muriatique n'ont opéré aucun changement dans l'eau d'Audinac.

Analyse par évaporation.

Quinze livres d'eau, évaporée lentement dans une bassine d'argent, ont laissé dégager une odeur de gaz hydrogène sulfuré, et laissé échapper des bulles, reconnues dans des expériences postérieures pour de l'acide carbonique. Il s'est d'abord formé à la surface une légère pellicule devenue par degrés plus épaisse, et qui enfin s'est précipitée par le moindre mouvement imprimé à la liqueur. Les parois de la bassine avaient pris une couleur d'ardoise. La liqueur qui, vers la fin de l'évaporation, manifestait une odeur de lessive, s'est réduite en une substance salino-terreuse du poids de 337 grains qui, exposée à l'air pendant cinq à six jours, n'a point attiré l'humidité.

Une nouvelle quantité de la même eau, chauffée dans une cornue, à l'intérieur de laquelle étaient suspendues au-dessus du liquide une lame d'argent bien décapée, et une éponge imprégnée d'acétate de plomb. A la première impression du feu, le métal s'est noirci, et l'éponge s'est recouverte d'un enduit brun foncé. Cette double expérience

prouve la présence du soufre combiné à l'hydrogène dans l'eau d'Audinac (1).

Les 337 grains de substance salino-terreuse, soumis à l'action de 4 onces d'alcohol, lui avaient communiqué au bout de 36 heures une couleur jaune safranée; ce liquide avait réduit la matière à 280 grains. C'est donc 57 grains qu'il avait enlevés.

L'évaporation de l'alcohol a fourni une matière crustacée d'une saveur amère et fraîche, attirant l'humidité, dont l'acide sulfurique dégageait de l'acide muriatique en vapeur, et l'acide nitrique, de l'acide muriatique oxigéné.

Cette matière saline déliquescente, dissoute à froid par une once d'eau distillée, a laissé une matière grasse brune, analogue à la glu, brûlant à la manière des bitumes.

L'acide sulfurique a formé dans cette solution un précipité reconnu pour du sulfate de chaux. Abandonnée à une évaporation spontanée, la même solution n'a pas fourni de sulfate de magnésie, dont on y soupçonnait l'existence; en la concentrant davantage, elle s'est boursouflée, a dégagé de l'acide muriatique que l'ammoniaque a rendu sensible. La liqueur contenait donc, outre le muriate de chaux, un autre sel muriatique pour la décomposition duquel il a fallu le secours de la chaleur. Ce liquide, coloré par une portion de la matière bitumineuse, dont la totalité a été estimée à 5 grains pour 15 livres d'eau, a été évaporé à siccité. La matière redissoute a donné 50 grains de sulfate de magnésie, par une nouvelle évaporation.

Analyse par l'eau froide.

La matière traitée par l'alcohol, abandonnée 24 heures dans 6 onces d'eau, a perdu 130 grains. Evaporée lente

(1) Les proportions d'acide carbonique ont été appréciées par le préci pité formé dans un flacon d'ean de chaux, où il a été reçu ; il a formé 9 grains de carbonate, représentant à peu près 3 grains de cet acide.

« PreviousContinue »