Page images
PDF
EPUB

Le Livre de tous les Ménages, ou l'Art de conserver pendant plusieurs années toutes les substances animales et végétales (1). Avec cette épigraphe :

« J'ai pensé que votre découverte méritait un témoignage particulier de la bienveillance du Gouvernement. »

(Extrait d'une lettre de S. Exc. le Ministre de l'intérieur.)

PAR M. APPERT, Propriétaire à Massy, département de Seine et Oise.

(EXTRAIT PAR M. J. P. BOUDEt. )

Dans le premier volume du Bulletin de pharmacie, pages 168 et 327, nous avons examiné plusieurs objets, tels que petit-lait, fruits et sucs de fruits, conservés par M. Appert. L'état de ces substances, et leur manière d'être enfermées dans des vases de verre, nous fit soupçonner dès cette époque, ainsi que nous l'annonçâmes alors, qu'il employait une méthode déjà usitée dans plusieurs départemens de l'Empire. L'ouvrage qu'il vient de publier, dans lequel il donne la description de son procédé avec tous ses détails, tout en confirmant nos soupçons, prouve qu'il a beaucoup perfectionné cette branche d'industrie et imaginé une infinité de précautions, sans lesquelles il est impossible de réussir aussi complettement que lui.

Ila, de plus, le mérite d'avoir cherché et d'être parvenu par ce même moyen à conserver les préparations végétales et animales les plus susceptibles d'altération, ce qui n'avait pas été fait ou du moins publié avant lui.

Nous nous empress ons de faire connaître son mode

(1) Ouvrage soumis au bureau consultatif des arts et manufactures, revêtu de son approbation, et publié sur l'invitation de Son Excellence le Ministre de l'Intérieur. Prix, 3 fr., et 3 fr. 50 c., franc de port. Chez Patris et compagnie, imprimeurs - libraires, quai Napoléon, au eoin de la rue de la Colombe, no 4.

d'opérations, en suivant sur-tout l'auteur dans ses applications aux objets qui intéressent plus particulièrement la pharmacie, renvoyant pour le reste à l'ouvrage même.

Idée générale, ou Théorie du procédé de M. Appert ; exemple de son application à la conservation du petit-lait.

Les procédés de M. Appert consistent principalement : 1o. A renfermer dans des bouteilles ou bocaux les substances que l'on veut conserver;

2o. A boucher ces différens vases avec la plus grande attention; car c'est principalement de l'opération du bouchage que dépend le succès;

3o. A soumettre ces substances ainsi renfermées à l'action de l'eau bouillante d'un bain-marie pendant plus ou moins long-temps, suivant leur nature, et de la manière qu'il l'indique pour chaque espèce de comestible;

4°. A retirer les bouteilles du bain-marie au tems prescrit.

Préparation du petit-lait.

On prend du lait de bonne qualité, on le fait coaguler à une douce chaleur après y avoir ajouté suffisante quantité de présure délayée dans une partie du lait et mêlée ensuite à la masse; on verse sur un tamis, et lorsque le fromage est suffisamment égoutté, on clarifie le sérum à l'aide du blanc d'œuf, et de suffisante quantité de crême de tartre, puis on filtre.

La liqueur bien claire et complètement refroidie se met dans des bouteilles bien propres, que l'on remplit jusqu'à trois pouces de la cordeline ou bague, afin d'éviter la fracture des vaisseaux, qui serait la suite nécessaire du gonflement produit par la chaleur du bain-marie, si les bouteilles étaient trop pleines; on bouche avec le plus grand soin et avec les précautions que nous indiquerons plus bas. On place les bouteilles dans des sacs de treillis ou de grosse toile faits exprès, assez grands pour enve

lopper la bouteille toute entière jusqu'au bouchon. Ces sacs sont faits comme un manchon, ouverts également par les deux bouts, l'un desquels est froncé par une coulisse et un cordon, qui ne laisse d'ouverture que la largeur d'une pièce de cinq francs; l'autre bout est garni de deux ficelles pour tenir le sac autour du col de la bouteille. Au moyen de ces sacs on évite l'emploi du foin ou de la paille pour emballer les bouteilles dans le bain-marie, et lorsqu'il s'en casse dans l'opération, ce qui arrive quelquefois, les tessons des bouteilles restent dans le sac.

Les bouteilles ainsi enveloppées se placent debout à côté les unes des autres dans une chaudière à fond plat et d'une capacité relative à la quantité de bouteilles que l'on a à préparer; on remplit d'eau fraîche, de manière que les vases y baignent jusqu'à la cordeline ou bague; on couvre la chaudière d'un couvercle en bois que l'on fait poser sur les vases; on entoure le dessus du couvercle d'un linge mouillé, afin de fermer toutes les issues, et empêcher le plus possible l'évaporation de l'eau du bainmarie, afin de concentrer sa chaleur. Aussitôt que la chaudière est ainsi disposée, on met le feu dessous. Lorsque le bain est en ébullition, on continue le même degré de chaleur pendant une heure, après quoi on retire exactement tout le feu du fourneau; un quart-d'heure après que le feu a été retiré, on fait écouler l'eau de la chaudière, au moyen d'un robinet pratiqué à sa partie inférieure ; ce robinet s'engage dans la construction des fourneaux, et sort en dehors (2). Une demi-heure après l'écoulement de l'eau on découvre la chaudière pour n'en sortir les bouteilles ou vases qu'une heure ou deux après. L'opération se trouve

(2) Il me semble que dans une opération moins en grand, ou même dans une très-grande chaudière, à défaut du robinet dont il vient d'être question, on pourrait se servir d'un siphon de fer blanc que l'on placerait plein d'eau au commencement de l'opération, avec la précaution d'en boucher l'extrémité inférieure jusqu'au moment de vider la chaudière.

ainsi terminée : il ne s'agit plus alors que de visiter les bouteilles, pour s'assurer si elles n'ont pas subit d'altération, si le bouchage est bien convenablement disposé, et de les placer sur des lattes, comme le vin, dans un endroit temperé et à l'ombre.

Quelque bien clarifié que soit le petit-lait, la chaleur qu'il éprouve pendant l'opération en sépare encore quelques parties de matière caseuse qui y forment un dépôt; il suffit de le décanter ou de le filtrer au moment de s'en servir pour l'avoir parfaitement clair.

Un bouillon pectoral, composé, en ma présence, de mous et pieds de veaux, choux rouges, carottes, navets, oignons, porreaux, gomme du Sénégal, et sucre candi

pour édulcorer convenablement, exposé à la chaleur du bain pendant un quart-d'heure avec les mêmes précautions que celles qui viennent d'être indiquées pour le petit-lait, s'est trouvé au bout de six semaines aussi parfait qu'au moment de sa confection. Il en a été de même des sucs de plantes, tels que ceux de laitue, cerfeuil, bourrache, chicorée sauvage et cresson, dépurés à froid, introduits dans des vases convenables et soigneusement bouchés, avec la précaution de n'employer qu'un bouillon au bain-marie.

Un seul bouillon suffit de même pour les sucs acides des fruits; un degré de chaleur plus prolongé en altérerait la

couleur.

M. Appert est aussi parvenu à conserver par son moyen des plantes entières, telle que la menthe poivrée.

Du moût de raisin sortant du pressoir, et du sirop beaucoup moins cuit qu'il n'est convenable pour sa conservation, se sont trouvés dans le meilleur état au bout d'une année et au-delà.

Quel parti ne pourra-t-on pas tirer par la suite de ce moyen conservateur pour procurer aux malades, dans toutes les saisons et dans tous les pays, des produits extraits du règne végétal et animal, doués de toutes les propriétés qu'ils possédaient au moment de leur confection, ou jouis

sant d'une énergie toute particulière et qui nous est inconnue, en faisant extraire sur les lieux les sucs de certains végétaux ou parties de végétaux, qu'il importerait de connaître avant qu'ils eussent subi aucune préparation capable de les altérer en aucune manière !

On s'était beaucoup occupé, avant M. Appert, de conserver les substances alimentaires et médicamenteuses, végétales et animales (3); mais les différens procédés indi

(3) Boerhaave, page 129, dit, en parlant de l'acide que l'on tire du sel marin: Cette liqueur délayée avec une quantité d'eau suffisante, conserve merveilleusement bien les viandes, les poissons et les autres alimens qui se pourrissent aisément ; elle empêche qu'ils ne se corrompent, elle leur donne un goût très-agréable, et les rend propres à être digerés très-facilement; elle les préserve contre les mauvais effets d'une chaleur excessive, et même elle guérit les maladies qui en proviennent. Elle est par conséquent d'une utilité infinie aux mariniers appelés à faire des voyages de long cours, et dans des pays où la chaleur du climat est cause que leur eau et leurs poissons se pourrissent, que leurs viandes deviennent puantes, et que leurs lards rancissent.

Jean Rodolphe-Glaubert, dans son traité de consolatione navigantum, dans celui de prosperitate Germaniæ, et dans quelques autres, fait voir comment une personne peut porter sans peine avec soi dans une petite bouteille une liqueur dont quelques gouttes peuvent lui être d'un usage très-salutaire. Voici comment il s'explique dans son livre ayant pour titre : furni novi philosophici, en parlant de l'usage de l'esprit de sel, de usu spiritus salis.

Nec spernendus ejus usus in culinâ, ejus enim beneficio parantur multi cibi gratissimi pro ægris æque ac pro sanis, et quidem meliores quàm cum aceto aliisque acidis; et plus præstat in exiguâ, quàm acetum in magnâ quantitate. Cùm primis autem servit regionibus aceto carentibus, usurpatur quoque loco agrestæ succi limonum ; nam hâc ratione paratus viliori pretio venit quàm acetum et limonum succus, nec instar succorum expressorum corruptibilis, sed potiùs melioratur vetustus. Saccharo mixtus, est egregium condimentum carnis assæ. Præservat etiam varii generis fructus per annos multos. Intumescere quoque facit passulas majores, et uvas siccatas, ita ut pristinam suam magnitudinem iterum acquirant, oportet autem aliquid admiscere aquæ, alias enim nimiam contrahunt aciditatem passulæ, reficientes stomachum languentem in multis morbis, inservientes quoque variorum ciborum, è carnibus, vel piscibus, conficiendorum præparationi. Cùm primis autem inservit hic spiritus acidis, cibis delectantibus ; quæ• cunque enim præparantur cum ipso, utpote pulli, columbæ, caro vituline,

« PreviousContinue »