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du sang de taureau cuit, puisque le médecin poëte le met au rang des poisons, quoique les effets qu'il produisait ne fussent que ceux d'une indigestion pour laquelle il conseille des figues, du vinaigre et de l'eau, de la présure, du vin nitré : dans le vinaigre, il fait infuser des graines de choux, des ronces, du poivre et de l'herbe à punaises : mais quand il parle de l'indigestion produite par le lait caillé, son infusion acéteuse est faite avec les racines de laser, de thym et de menthe.

Si par malheur on a avalé un bupreste, ou enfle-boeuf, on éprouve de vives douleurs d'estomac, une soif ardente, le corps enfle, les urines sont chargées. On dissipe ces accidens en provoquant d'abord le vomissement, puis en mangeant des figues sèches et des dattes dans du lait, des poires et des mures sauvages, en buvant de l'eau miellée, ou en tétant une jeune femme nouvellement accouchée. Ces remèdes sont doux, et un pareil régime est aussi facile à suivre que celui que Nicandre prescrit dans l'empoisonnement par la dorycnion (1), dont le suc laiteux donne le hoquet, fait vomir et purge avec tranchées. Il conseille de se mettre à table, de prendre de bon bouillon, de bon vin. ou du lait pur, de manger des blancs de volaille rôtie, du poisson de mer bien frais, des huîtres et des coquillages tels que la pourpre, le langouste, les oursins, le petoucle, la pinne marine; mais il proscrit les porcelaines et les huîtres épineuses. Ce sage curieux peut servir à l'histoire gastronomique des Grecs.

pas

J'ai vainement cherché dans les naturalistes modernes ce que l'auteur entend par le pharique dont il ne décrit ni la forme ni les effets, et dont le contre-poison est le lis dont Nicandre nous apprend la fabuleuse origine. Une jeune pucelle, dit-il, aussi sage que belle, osa

(1) C'est la morele furieuse. IIeme Année.

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Août.

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comparer ses attraits à ceux de la mère des amours. Irritée des son audace, Vénus la métamorphosa en lis, et pour l'humilier davantage, attacha au centre de la fleur un style énorme semblable au membre sexuel d'un âne en belle humeur. Le poëme de Nicandre n'étant pas destiné à être lu par des femmes, on peut lui pardonner cet épisode.

Reprenant la nomenclature des poisons, il peint les enfans villageois s'amusant à mâcher la fleur de la jusquiame, qui leur fait gonfler les lèvres et les gencives. Il faut, dit-il, leur donner du lait avec du fénu grec, de la graine d'ortin, du cresson, de la moutarde, de la graine d'ail et d'oignon, et des amandes de pêches.

Il parle ensuite des effets narcotiques du pavot, contre lequel il conseille du vin tiède avec du miel pris dans les gauffres que les abeilles font pour Cérès. Il faut agiter le malade, dit-il, le baigner, et le faire vomir en lui mettant dans la bouche de la laine imprégnée d'huile de glaïeul.

Nicandre ne cite plus que deux poisons végétaux, l'if du mont Oëta dont le bon vin est l'antidote; et les champignons dont il détruit les mauvais effets avec la rhue, le raifort, le cresson et la moutarde, le nitre, et du vinaigre saturé de potasse extraite des cendres de lie de vin ou de fiente de poules; il recommande aussi le myrte dont Vénus Lécumière se couronna quand elle reçut la pomme des mains du berger Pâris.

Les animaux lui offrent encore quelques poisons. Telle est la sangsue que l'on peut avaler et dont on se délivre en buvant du vinaigre ou de l'eau salée frappée de glace: tel est le crapaud, qui, avalé par mégarde, donne des nausées, des défaillances, la jaunisse et la gonorrhée. Ces maux sont calmés par des bains de vapeurs et une décoction vineuse de souchet.

On croira difficilement à ces deux derniers accidens encore moins aux pétéchies el à la stupeur occasionnées

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par la salamandre (1), ou aux qualités vénéneuses du lièvre marin. Les commentateurs ne sont point d'accord sur ce mollusque auquel ils donnent la figure d'une li mace. Gorris a fait sur lui un traité particulier qui n'apprend rien. On croit que le lièvre marin est la laplasie, espèce de sèche munie d'un réservoir d'ancre, que M. Cuvier ne regarde point comme venimeuse, et qui a d'ailleurs une odeur si désagréable, qu'on ne peut être tenté d'en manger. Quoi qu'il en soit, le poëte grec indique comme antidotes, l'ellébore, la scammonée, le lait d'ànesse les grenades, les olives et le vin doux.

Tel est, dans tous ses détails, le poëme des alexipharmaques; nul médecin, je pense, ne sera tenté d'imiter Nicandre, ou si quelque muse didactique veut s'exercer sur la matière médicale, elle déguisera la sécheresse du fonds par les ornemens du cadre; c'est ce qu'aurait pu faire l'auteur moderne de Diabotanus et de la Thériacade, si, plus sévère dans sa composition, il eût suivi le précepte d'Harace:

Cmne tulit punctum qui miscuit utile dulci.

OBSERVATIONS

Sur les Alcohols; par M. ANTOINE, Pharmacien major de l'armée d'Espagne.

EXTRAIT PAR M. PLANCHE.

L'ALCOHOL, dit l'auteur, est toujours le même, quelle que soit la substance d'où on le retire. Les prétendues diffé→ rences qu'on y remarque proviennent des proportions di

(:) Les remèdes indiqués contre les effets de la salamandre sont les larmes de pin, le miel, les graines d'ortie et d'orobe, le galbanum, lo panicaut, la scamonée, le bouillon de tortue.

verses d'acide et d'une espèce d'huile qu'il tient en dissolution, et qui le fait blanchir avec l'eau distillée; tel est celui qu'on prépare avec le marc ou la lie de vin.

Après plusieurs tentatives infructueuses pour priver l'alcohol de ces substances étrangères et de son goût empyreumatique, M. Antoine dit avoir atteint le but qu'il se proposait, au moyen du procédé qui suit :

Il a fait traverser quatre pintes d'eau-de-vie de grains par demi-once d'acide muriatique oxigéné gazeux; après un repos de vingt-quatre heures, il a bien agité le mélange et l'a abandonné jusqu'au jour suivant. Il a séparé le précipité brun qui s'est formé, et a traité séparément cet alcohol avec les sous-carbonates de potasse, de soude et la craie, dans l'intention de saturer l'acide muriatique. La liqueur a été soumise à la distillation: la première moitié de l'alcohol obtenu avait une odeur suave et comme éthérée.

Le deuxième produit était moins agréable, et avait une légère saveur urineuse, que l'auteur attribue à l'excès d'alcali existant dans les sous-carbonates dont il s'est servi.

Il préfère pour cette raison le carbonate d'ammoniaque, comme ayant moins d'action sur l'esprit-de-vin.

Un deuxième moyen proposé par M. Antoine consiste dans l'emploi du muriate sur-oxigéné de potasse liquide qu'il prépare comme il suit :

Oxide noir de manganèse pulvérisé,

16 gram.

Acide sulfurique étendu de parties égales d'eau, 48
Muriate de soude,

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On reçoit le gaz qui se dégage de ce mélange dans un flacon contenant vingt-quatre grammes de carbonate de potasse, 7 hectogrammes 64 grammes d'eau pure. Le dégagement terminé, on mêle la totalité du liquide avec quatre litres d'eau-de-vie de grains ou de tout autre de mauvais goût; après vingt-quatre heures on retire, par la distillation, la quantité primitive de l'eau-de-vie employée.

M. Antoine a également essayé d'améliorer l'eau-de-vie

de grains et celle de cidre sans avoir recours à la distillation.

Pour cela, il ajoute à chaque litre d'eau-de-vie douze ou quinze gouttes de résidu d'éther sulfurique, et il agite ce mélange; le lendemain il sature l'acide sulfurique par la potasse, et quelques jours après il décante la liqueur pour le séparer du sulfate de potasse qui s'est déposé sur les parois de la bouteille. Enfin le complément de cette opération qui, suivant l'auteur, donne un résultat assez satisfaisant, consiste à neutraliser l'acide malique avec l'ammoniaque.

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On doit savoir gré sans doute à M. Antoine des efforts qu'il a faits pour rendre moins désagréables au goût les eaux-de-vie de marc et celles de grains avec lesquelles, comme il le dit très-bien lui-même, on ne peut faire de bonnes liqueurs de table; mais a-t-il vraiment atteint le but qu'il s'était proposé? Les moyens qu'il indique, en admettant qu'ils améliorent la qualité des eaux-de-vie, sont-ils assez simples en eux-mêmes, assez économiques, et surtout praticables par la majorité de ceux qui se livrent à ce genre de travail ?

Le charbon proposé depuis long-tems par Lovitz, et employé depuis concurremment avec la craie par le Pharmacien en chef de l'armée d'Allemagne (1), ne serait-il pas préférable sous le rapport de la simplicité et de l'économie?

M. Antoine a fort bien observé que le gaz muriatique oxigéné passait à l'état d'acide muriatique simple en se combinant avec l'extractif de l'eau-de-vie; l'odeur éthérée qu'il a reconnue au premier produit de la distillation, mais dont il ne s'est pas rendu compte, prouve qu'il s'est formé une certaine quantité d'éther muriatique qui a éludé l'action des alcalis. Il en résulte, qu'en cherchant à purifier l'eau-de-vie, on y introduit une substance nouvelle qui,

(1) Voyez le N° XI du Bulletin de pharmacie, page 502.

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