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s'étend de proche en proche en faisant « tache d'huile ». Or, il est évident que si les pins sont plantés à une quinzaine de mètres les uns des autres, assez éloignés, done, pour éviter tout contact entre leurs racines, le mycelium nuisible ne pourra pas aisément se propager.

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Quant au peuplier blanc, c'est une essence trop connue pour qu'il soit nécessaire d'insister à son sujet. Je rappellerai seulement que les sciages de peuplier sont une marchandise dont l'importance économique actuelle est considérable et dont nous aurions tort de nous désintéresser. Or, parmi les bois de peupliers, celui du peuplier blanc est un des meilleurs, sinon le meilleur. L'arbre a, d'ailleurs, une croissance rapide, et, si on lui préfère souvent d'autres espèces dans les cultures d'arbres isolés, cela tient en grande partie à ce que l'on redoute l'abondance excessive de ses drageons, qui sont une gêne pour les terres agricoles voisines. Cette exubérance ne serait pas nuisible dans nos forêts. Pourquoi donc n'y pas faire une place au peuplier blanc?

Il partage bien, je le sais, avec quelques autres, la réputation de ne pas être un arbre forestier ». J'ai eu l'occasion de dire déjà que je ne croyais pas aux arbres « non forestiers ». On ne me persuadera pas, en effet, qu'un arbre qui peut prospérer à l'état isolé sur l'accotement d'une route, exposé au vent et à la poussière, dépérisse quand on le plante dans le sol frais et riche en humus d'une forêt ! Ce qui est vrai, c'est que certains arbres, le peuplier blanc en est un, ne sont pas aptes à constituer des peuplements de futaie pleine et surtout qu'ils sont très vite éliminés des peuplements de ce genre quand ils s'y trouvent en mélange avec des chênes ou des hêtres.

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Mais ce dont il s'agit ici, c'est d'installer des arbres appelés à vivre à l'état isolé, aussi distants les uns des autres qu'ils peuvent l'être sur le bord d'une route ou d'un canal, avec cette seule différence qu'un sous-étage, ne s'élevant pas jusqu'au niveau de leurs cîmes, fera remplissage entre eux et conservera la fraîcheur du sol : un peuplier blanc peut certainement vivre dans ces conditions aussi bien qu'un chêne ou un frêne.

Le peuplier blanc, toutefois, ne sera d'une culture réellement avantageuse que si le sol est d'une profondeur et d'une fraîcheur suffisantes; mais ces conditions peuvent être réalisées dans certaines forêts à restaurer. On dit même qu'il est dans les plaines des Flandres des terres agricoles tellement bouleversées par les tranchées et les trous d'obus qu'il sera peut-être nécessaire de les reboiser pour en tirer parti. Ces terres, naturellement profondes et fertiles, enrichies par les cultures

antérieures, seraient des stations merveilleuses pour le peuplier blanc. Sa croissance y serait très rapide, et, par suite, il fournirait à brève échéance des produits exploitables. Ne serait-ce pas un moyen, s'il faut renoncer à cultiver de tels sols, d'y constituer des exploitations forestières fonctionnant à un « taux » suffisamment élevé pour justifier le boisement de terrains aussi fertiles?

Je ne vois qu'une difficulté à l'installation du peuplier blanc : les plants offerts par les pépiniéristes sont des boutures, livrées sous forme de << hautes tiges ». Pour les planter il sera donc nécessaire de creuser des trous plus profonds qu'il n'est d'usage dans les travaux forestiers. Mais, si l'on installe le peuplier à l'état de sujets très distants les uns des autres (à 15 m. d'espacement), ces trous ne seront pas nombreux, et, d'autre part, on opérera toujours dans un sol profond et facile à travailler, puisqu'il ne saurait être question de planter du peuplier blanc en terrain superficiel et rocheux.

Il existe bien encore une autre espèce qui pourrait être introduite à titre d'essence productive desciages résineux. C'est le Mélèze du Japon (Larix leptolepis). J'hésite à en parler, parce que je suis peu documenté sur ses avantages réels. C'est une espèce à couvert léger, sans aucun doute, et son voisinage ne nuirait en rien à la reproduction des essences feuillues. D'autre part, au dire de certains auteurs, ce mélèze exigerait un peu moins de lumière que son congénère européen et se régénérerait assez facilement par semis naturels. Est-il permis d'en conclure que ses semis pourraient s'installer dans la demi-lumière d'une coupe de futaie claire ?... Je n'en sais rien, et c'est ce qui m'empêche d'insister sur une essence que recommandent sa rusticité complète et la rapidité de sa croissance en hauteur pendant sa jeunesse. Même si, comme tout le fait supposer, cette rapidité de croissance ne se soutient pas dans la suite, elle reste un avantage sérieux à notre point de vue, en permettant aux jeunes sujets de se maintenir au-dessus des morts bois et des rejets des essences feuillues. On pourrait au moins à titre d'expérience, planter de-ci, de-là, quelques sujets de Mélèze du Japon.

A. JOLYET.

UN PROJET DE LOI « TENDANT A LA RÉORGANISATION GÉNÉRALE DE LA POLICE »

Le ministre de l'Intérieur institue en ce moment, dans toutes les communes de France, une consultation adressée aux conseils municipaux sur un projet de loi « tendant à la réorganisation générale de la police » qu'il se propose de présenter au Parlement.

Ce projet consiste essentiellement au transfert à l'autorité préfectorale de la plupart des pouvoirs de police que l'autorité municipale détient en vertu de la loi du 3 avril 1884, et à l'organisation d'une police rurale remplaçant l'institution actuelle des gardes champêtres.

Une telle innovation ne peut manquer de soulever, au premier abord, des critiques de la part de tous ceux qui estiment dangereux d'augmenter les droits du représentant de l'Etat aux dépens de ceux du maire. C'est, dira-t-on, un nouveau pas dans la voie de la centralisation à outrance, et contre une telle tendance il faut réagir énergiquement.

Sans doute, en principe, nous croyons utile et même nécessaire de fortifier, plutôt que d'amoindrir, les pouvoirs des autorités locales: les excès de ce que l'on appelle « l'Etatisme» nous paraissent dangereux et vintolérables. Mais, en cette matière comme en beaucoup d'autres, il faut distinguer. Spécialement, pour l'autorité municipale, nous admettons qu'elle doit s'exercer aussi entièrement que possible, et, sauf un simple contrôle des agents de l'Etat, sur les affaires de la commune, sur la gestion des intérêts communaux. Mais la police, municipale ou rurale, rentre-t-elle bien dans le cadre des affaires de la commune ? C'est extrêmement contestable, et même, en supposant que le maire puisse conserver le droit de prendre en cette matière des règlements plus ou moins étendus, il faut reconnaître qu'il est plutôt incompétent pour en assurer l'exécution, ou tout au moins que cette exécution laissée entre ses mains soulève des difficultés très graves.

C'est depuis les lois de 1855 et de 1884, la dernière surtout qui laisse aux conseils municipaux le droit absolu de choisir le maire sans intervention du pouvoir central, que l'incompatibilité des pouvoirs du maire

RÉORGANISATION GÉNÉRALE DE LA POLICE

dans l'application des règlements de police est devenue évidente. Passe encore dans les villes, où l'autorité municipale, absorbée par de nombreuses et importantes affaires, n'a pas le temps d'entrer dans le détail des menues contraventions, et laisse à ses agents subalternes la charge de pourvoir équitablement à l'application des règlements. Mais, plus la commune est petite, plus les relations du maire et des habitants sont étroites, plus le maire est tenté d'éviter le mécontentement de ses électeurs, de qui il tient ses pouvoirs, dans l'exécution de règlements qui théoriquement doivent s'appliquer également à tous. Et même, en supposant au maire une complète impartialité, il ne pourra jamais échapper au soupçon de vouloir ménager ses partisans aux dépens de ses adversaires, ce qui suffit pour entraver toutes les mesures de répression qui devraient légalement être prises. Aussi, qu'arrive-t-il ? Les maires s'abstiennent autant qu'ils peuvent d'user des pouvoirs réglementaires qui leur incombent, et, dans l'application des règlements de l'autorité supérieure qu'ils sont également chargés d'assurer, ils se montrent aussi peu empressés que possible de veiller à une stricte exécution des lois, notamment des lois rurales, qui, en fait, sont à peu près partout inappliquées.

Il nous suffira d'en donner deux exemples très significatifs. Il existait une loi sur l'échenillage, du 26 ventôse an IV, dont les maires assuraient à peu près l'application, tant qu'ils furent à la nomination du pouvoir central. Cette loi a été abrogée et remplacée en 1888 par une autre contenant un ensemble des disposition répressives bien plus-complètes, s'étendant à la destruction « des insectes, cryptogames et végétaux nuisibles ». Seulement, ce sont des mesures gênantes pour les électeurs ruraux ; aussi les maires, qui dépendent de leurs administrés, Y se dispensent généralement d'y pourvoir.

Pareillement, en 1903, une loi prise en exécution d'une convention internationale prescrit d'assurer la protection des oiseaux utiles à l'agriculture; les arrêtés préfectoraux pris en vertu de cette loi, ainsi que de celle de 1844 sur la chasse, ne peuvent être effectués qu'avec le concours des maires et de la police rurale qu'ils sont chargés d'exercer; et jamais, depuis cette époque, la destruction des oiseaux utiles et de leurs nids ne s'est pratiquée avec plus d'impunité.

La faute en est, dira-t-on, aux gardes champêtres. Mais les gardes champêtres sont placés sous l'autorité du maire, qui s'abstient de veiller à ce qu'ils remplissent leurs fonctions. La preuve est donc faite surabondamment les pouvoirs réglementaires du maire en matière rurale (la seule que nous voulions envisager ici) ne doivent pas lui être

conservés ; les préposés chargés de constater les contraventions de police rurale doivent être soustraits à l'autorité du maire et placés sous l'autorité de l'administration supérieure.

La réforme des gardes champêtres est depuis longtemps réclamée. Le projet actuel du ministre de l'Intérieur la réalise de la manière suivante dans chaque chef-lieu de canton est organisée une brigade de gardes ruraux, nommés par le pouvoir central, dont le chef reçoit directement les instructions du commissaire de police, et dont les fonctions consistent dans la constatation de toutes les infractions aux règlements, soit qu'il s'agisse de ceux laissés à la compétence du maire, soit de ceux du préfet, et en outre de tous les délits ou contraventions relevant des diverses lois pénales. Leur traitement est supporté, dans une proportion à déterminer, par la commune et par l'Etat.

Les détails de ce projet peuvent être discutés. Il se rapproche, on le voit, de ces propositions « d'embrigadement des gardes champêtres >> qui,depuis si longtemps, font l'objet de vœux des conseils généraux. La nomination par les préfets de ces gardes ruraux, sans aucune présentation ni intervention du maire ou du conseil municipal, soulèvera peutêtre des critiques ? Sans doute, si nous étions en possession d'une organisation régionale ou provinciale, telle qu'on nous la fait entrevoir, on pourrait soutenir qu'il y aurait avantage à confier le choix de la police rurale au Conseil de la région ou de la province. Mais, comme nous pouvons attendre longtemps encore une réforme administrative de ce genre, le mieux est, pour la nomination des gardes, de nous en tenir aux organes actuels de l'administration départementale.

Dans les considérations qui précèdent nous avons volontairement omis tout ce qui ne se rapporte pas à la police rurale. Et même, on se demandera peut-être en quoi le projet en question intéresse les forêts. Celles-ci ne sont-elles pas suffisamment protégées par le Code forestier? Que leur importe, dès lors, une réorganisation de la police rurale et une réforme de l'institution des gardes champêtres ? Sans doute, la surveillance des délits se trouve assurée, aussi bien qu'elle peut l'être, pour les forêts domaniales, par les gardes de l'Administration. On peut répondre de même pour les forêts communales soumises au régime, grâce à une modification très importante des art. 95 et suivants du Code, qui date de 1852, et qui soustrait les gardes communaux à l'autorité des maires, par une mesure très analogue à celle que propose pour les gardes champêtres le projet actuel. Mais il ne faut pas oublier les bois particuliers, qui sont de plus en plus exposés aux déprédations, et qui n'ont jamais été dévastés aussi audacieusement et avec autant d'impu

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