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niaire de 20 francs au moins pour la capture d'un produit qui ne vaut que quelques francs, alors que le délinquant de bois ne risque qu'une amende de 20 fr. au plus pour l'extraction d'un produit qui, avant la guerre, pouvait valoir le double de cette amende. Pourquoi l'Etat, qui montre tant de sollicitude pour le poisson, ne poursuivrait-il pas d'office tous les délits forestiers où qu'ils sont commis, en invitant le propriétaire lésé à se porter partie civile? A fortiori pourquoi ne poursuivrait-il pas aussi les délits de chasse qui sont commis dans les forêts privées, puisqu'il poursuit les délits de pêche commis dans les cours d'eau privés ? Le droit d'appropriation n'appartient-il pas, dans les deux cas, au propriétaire du fonds sur lequel le délit est commis? N'est-il pas vrai que, dans les deux cas, l'animal est res nullius? Mais, dans une telle voie, conserver, c'est encore augmenter les pénalités forestières: accroître l'amende, édicter à nouveau la prison pour le délit de coupe d'arbres (art. 192 C. F.) N'est-il pas étrange que le législateur punisse « d'un emprisonnement de un an au moins « et de cinq ans au plus et d'une amende de 16 à 500 fr. », l'appropriation du poisson d'un étang, délit qu'il qualifie d'ailleurs de « vol » (art. 388 Code pénal), alors qu'il édicte des peines ridiculement faibles contre celui qui coupe et enlève un chêne centenaire ? Cependant, qu'il s'appelle poisson ou arbre, le produit agricole n'est-il pas, dans ces deux cas, la propriété exclusive du maître du fonds ? N'est il pas curieux que le propriétaire d'une forêt au milieu de laquelle se trouve un étang soit mieux protégé par la loi dans la défense de son poisson que dans celle de ses futaies? O logique! Bien mieux, dans cette même forêt, la prise au collet d'un lapin, l'ennemi héréditaire du forestier! coûtera plus cher au délinquant poursuivi que l'enlèvement d'un chêne ancien qu'il aura coupé à la scie. On oublie vraiment trop aussi que pour faire respecter l'arbre au délinquant, il faut avant tout lui faire respecter par les sanctions des actes, le défenseur de cet arbre, c'est-àdire le garde forestier, qu'il soit domanial, communal ou particulier 2.

1.- La poursuite de ces délits par l'Administration assurerait une répression plus énergique dans l'intérêt de tous et bien moins coûteuse pour le propriétaire. Très souvent la présence de l'agent forestier à l'audience et les explications qu'il est à même de fournir aux membres du tribunal les incitent à se montrer plus sévères pour le délinquant.

2.

- Oa sait que la gendarmerie a le droit de dresser des procès verbaux ou rapports au sujet des délits forestiers qu'elle constate dans les bois soumis au régime. (Dictionnaire de la gendarmerie, 43° éd., p 84). Or un délinquant surpris coupant un arbre éprouvera nne crainte beaucoup plus forte de l'arrivée du gendarme que dè celle du garde. Ne serait-ce pas que le premier lui en impose plus par sa qualité de militaire et aussi par les sanctions rigoureuses que le Code et la Justice donnent aux actes qu'il fait en d'autres matières ?

Certes, bien d'autres améliorations ou réformes seraient encore à préconiser; nous n'avons voulu esquisser ici que les plus essentielles, celles dont la réalisation nous semble devenue, véritablement urgente, dans l'espoir que ces pages écrites à la fin d'une longue captivité de quatre années donneront peut-être naissance à un courant d'idées profitables à la forêt française qui sort de cette guerre si cruellement éprouvée.

(Janvier 1919.)

MARCEL RAUX.

1.-

On en trouvera une liste dans les Eléments de Sylvonomie, p. 145 et s.

LES CÈDRES DU LIBAN

Le Liban est d'actualité. L'Entente paraît avoir enfin écouté sa longue plainte et ses appels désespérés vers la France, alors que la guerre, la famine, la persécution turque y faisaient, ces cinq dernières années, des milliers et des milliers de victimes et quels ravages! Aux dernières nouvelles (15 octobre) la Syrie serait constituée en Etat virtuellement indépendant avec un gouvernement arabe représentant la population et un mandat de surveillance confié à la France. Mais la Syrie proprement dite ne comprendrait pas le Liban qui formerait une unité distincte avec un gouvernement libanais sous mandat direct de la France.

Sera-ce le Grand Liban rêvé par les Libanais d'accord avec leur chef actuel le Président du Conseil administratif Habib Pacha el Saad, le grand Liban comprenant les ports de Beyrouth, Tripoli, Saïda ? Sera-ce au contraire le petit Liban, ramené à d'étroites limites après l'expédition française de 1860 ? Grammatici certant: ce que nous traduirons librement par les plénipotentiaires discutent.

Toujours est-il que ce nom de Liban évoque, pour les amis des arbres, de vieilles connaissances: les fameux cèdres du Liban, ces cèdres dont parlait la Bible et dont Lamartine disait, au retour de son fameux voyage dans ces régions:

<< Ils (les habitants) leur attribuent non seulement une force végétative qui les fait vivre éternellement, mais encore une âme qui leur fait donner des signes de sagesse, de prévision, semblables à ceux de l'instinct chez les animaux, de l'intelligence chez les hommes. Ils connaissent d'avance les saisons; ils remuent leurs vastes rameaux comme des membres; ils étendent ou resserrent leurs coudes; ils élèvent vers le ciel ou inclinent vers la terre leurs branches, selon que la neige se prépare à tomber ou à fondre. Ce sont des êtres divins sous la forme d'arbres. Ils croissent dans le seul site des groupes du Liban; ils prennent racine bien au-dessus de la région où toute grande végétation expire. Tout cela frappe d'étonnement l'imagination des peuples d'Orient. »

Sans doute, à l'époque où Lamartine voyageait en Orient, les visi

teurs étrangers étaient rares. Depuis lors, le tourisme a amené dans ces régions des voyageurs qui n'avaient pas pour les antiques cèdres le respect religieux des habitants du pays. Ces vandales leur arrachaient des branches, tailladaient l'écorce, si bien que ces arbres étaient menacés de mourir, tant il est vrai que l'extrême civilisation est plus destructive encore que la barbarie. On dut, pour protéger les arbres survivants, les entourer d'une barrière haute et solide et organiser une surveillance pendant la belle saison, comme pour des objets de collection.

Le fait est que ce sont des échantillons rares de l'espèce, encore que beaucoup soient morts. Certains de ces arbres ont cent pieds de haut. Le plus gros a treize pieds de diamètre. Leurs branches toujours vertes sont, les unes perpendiculaires, les autres horizontales.

Ces cèdres ne croissent dans le Liban qu'au lieu nommé El-Herzé, ou plutôt c'est là seulement qu'ils atteignent un développement considérable. L'altitude est de 2.200 mètres. Les plus hauts sommets se dressent dans le voisinage. Autrefois un glacier occupait la place où les arbres célèbres se sont installés dans la suite des siècles. Leur odeur pénétrante est, dit-on, la raison pour laquelle le Liban était baptisé « Montagne des parfums ».

La diminution des cèdres a-t-elle été constante? Il est difficile de l'affirmer, car, à certaines époques, de jeunes générations ont dû remplacer les anciennes. En 1550 Bellon a signalé vingt-huit cèdres ; Jacobi, vingt-six en 1579; en 1609, Litgow en comptait encore vingtquatre; Pocok n'en trouvait plus que quinze en 1739. La Billardière et Richardson, le premier en 1789, le deuxième en 1818, fixent à sept le chiffre des survivants.

On comprend le respect qui entoure ces témoins des anciens âges. A leur pied on dresse des autels sur lesquels les moines maronites du monastère voisin viennent dire la messe. La grande fête de l'année est celle de la Transfiguration. Les fidèles s'y pressent en foule. Que serace à l'heure du Te Deum chanté par les Libanais en l'honneur de la France à laquelle, .comme il faut l'espérer, la Conférence de la Paix les aura définitivement confiés? Puisse alors une nouvelle sève régénérer et la race libanaise et les vieux cèdres éternels !

J. MADELIN.

CHRONIQUE FORESTIÈRE

Légion d'honneur.

Ont été inscrits à titre posthume au tableau spécial de la Légion d'honneur:

a

Le capitaine Brun, inspect. adjoint des Eaux et Forêts à Chambéry, mort pour la France le 29 août 1914 à Saint-Dié,avec la mention suivante: << Officier d'Etat-major de la 56° brigade d'infanterie, chargé, dans un moment critique, à Saint-Dié, de tenir en un point particulièrement dangereux contre les attaques d'un ennemi supérieur en nombre, rempli sa mission avec le plus entier dévouement, jusqu'au moment où il a reçu une blessure mortelle. Sa mort héroïque a été pour tous un noble exemple de devoir et de sacrifice. A été cité à l'ordre de l'armée. » M. D'Ussel (Marie-Jean), capitaine au 263° d'infanterie, inspecteur adjoint en disponibilité, avec la mention suivante :

<< Officier d'une haute valeur morale, qui, dès le début de la campagne, a fait preuve de qualités exceptionnelles de bravoure et de sangfroid. Le 27 août 1914, a maintenu sa compagnie sous un feu violent d'artillerie lourde, fumant tranquillement sa pipe sous la mitraille, véri-` table exemple de crânerie et de conscience de chef. Glorieusement tombé le lendemain à son poste de combat. Croix de guerre avec palme. »

Décret réglant des bonifications d'ancienneté
de grades et de classes.

Le Président de la République française,

Vu le décret du 30 août 1912, fixant le statut du personnel forestier; Vu le décret du 7 août 1919, accordant des bonifications d'ancienneté de grade et de classe aux jeunes gens candidats à l'Ecole nationale des Eaux et Forêts ou élèves de cette Ecole, qui ont été mobilisés postérieurement à leur admission comme élèves à l'Institut national agronomique ;

Sur la proposition du ministre de l'Agriculture et du Ravitaillement,

Décrète :

Art. 1er. Les dispositions de l'article 1er du décret du 7 août 1916 sont applicables:

1° Aux candidats à l'Ecole nationale des Eaux et Forêts qui auront XXIV. - 24

(58⚫ ANNÉE). 1er DÉCEMBRE 1919.

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