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Centres de Bois furent rattachés à certaines chefferies du Génie et dirigés par un Officier supérieur du Génie.

D'autre part, l'Armement et l'Artillerie étaient chargés de la recherche des bois durs, l'Ecole des Chemins de Fer de celle des traverses de chemin de fer; l'Intendance s'occupait des bois de chauffage, l'Aviation des bois spéciaux à son usage.

Dans chacun des services intéressés, furent créés des comités et commissions, qui avaient dans leurs attributions des questions relatives au bois. C'est ainsi qu'auprès de l'Etat-Major de l'Armée (4e Bureau) fonctionnait une « Commission militaire des Bois », ayant pour mission de préparer par tous voies et moyens la constitution des approvisionnements de bois de toutes espèces pour les besoins de l'Armée. Au Ministère de l'Armement, la Commission des Bois et Métaux était chargée d'exercer un certain contrôle sur l'emploi du bois et de statuer sur les demandes en autorisation d'importation de bois. Le Ministère du Commerce, de son côté, avait élaboré un projet de constitution d'une commission ayant également dans ses attributions des questions relatives au bois.

C'était un éparpillement des forces, une situation chaotique à laquelle la Direction Générale des Eaux et Forêts chercha à apporter, sans rien brusquer, les remèdes possibles et susceptibles d'être acceptés par l'Administration de la Guerre, assez jalouse de garder la haute main sur toutes les exploitations.

Des Officiers forestiers furent introduits en nombre important dans les différents services s'occupant de la fourniture de bois aux Armées. La Direction du Génie adjoignit un officier forestier à chaque Directeur de Centre de Bois et en plaça d'autres dans les différentes subdivisions des Centres. C'est également à un Officier forestier que l'Ecole des Chemins de Fer confia la direction technique de ses exploitations; le Ministère de l'Armement appela de son côté des forestiers dans son service des bois pour l'Artillerie et l'Aviation.

Ainsi les Forestiers reprenaient, par un effort continu de l'Administration, les postes qui convenaient à leur compétence. C'était un procédé d'infiltration. Toutefois il paraissait nécessaire qu'un organe central fut institué qui assurât l'unité indispensable dans l'exploitation rationnelle des coupes et l'utilisation des bois. Ce fut l'œuvre du Ministre de l'Agriculture, M. Fernand David, qui, sur la proposition du Directeur général des Eaux et Forêts prit l'initiative de la création du Comité Général des Forêts (décret du 4 mai 1917). Ce Comité groupait des représentants du Commerce des bois et des Syndicats de pro

priétaires forestiers; il était chargé de la centralisation et de l'examen de toutes les questions d'ordre général se rapportant à la réalisation et l'utilisation des ressources forestières.

Il fut peu après transformé en Comité général des Bois par décret du 3 juillet 1917 contresigné par les divers ministres intéressés. Etabli sur des bases plus larges, celui-ci avait des attributions plus étendues de coordination et de contrôle.

Le Comité général des Bois qui fonctionnait sous la présidence du Ministre de l'Agriculture ou de son délégué, le Directeur Général des Eaux et Forêts, avait pour rôle de déterminer, centraliser, coordonner, contrôler les besoins des Services de l'Etat (guerre et autres), les moyens de satisfaire à ces besoins au mieux de l'intérêt national, l'utilisation rationnelle des ressources forestières du pays, les ordres d'urgence des achats, transports et fabrications, les importations et constitutions de stocks. Une Section permanente du Comité Général prépare les décisions du Comité et en assure l'exécution. Elle agit en outre directement dans toutes les affaires pour lesquelles le Comité lui a délégué ses pou

voirs.

En même temps que commençait à fonctionner le Comité Général des Bois, la nécessité se fit sentir du groupement dans une même main de tous les organes (Artillerie, Aviation, Intendance, Génie) qui fournissaient des bois aux Armées.

Cette unification fut réalisée par l'institution de l'Inspection Générale des Bois (I. G. B.). A qui confier ce Service? La réponse à cette question a donné lieu à certaines controverses. D'aucuns auraient voulu que l'Administration des Eaux et Forêts se l'annexât. Cette solution eut été la meilleure, si la situation avait été entière; mais les Services militaires et principalement celui du Génie détenaient les fils de l'organisation; il apparut aux Ministres intéressés (Agriculture, Guerre, Armement, Commerce) que seul pouvait remplir cette mission, au Ministère de l'Armement, le Général de Division Chevalier, ancien Directeur du Génie, rompu comme tel aux habitudes administratives de l'Armée et en mesure, mieux que tout autre, d'extraire tous les services rivés à chaque Direction d'arme pour en former un organisme

autonome.

L'Administration des Eaux et Forêts s'attacha, quant à elle, à subordonner cette organisation au Comité Général des Bois dont elle avait

la direction et, d'autre part, à placer des Officiers des Eaux et Forêts dans tous ses services. Toute naturelle que fût cette pensée, il se trouvait que sa mise à exécution se heurtait à certaines résistances et qu'il fallut pour les rompre, dextérité et esprit de suite.

L'I. G. B. devait centraliser toutes les exploitations faites dans la zone de l'Intérieur, pour les besoins des Armées françaises et alliées ; il avait la charge de toutes les fournitures de bois destinées aux Services de la Défense nationale.

Les services régionaux de l'I. G. B., constitués par les Centres de Bois, devenaient autonomes et, dirigés par des Officiers forestiers mobilisés, ils avaient dans leurs attributions tous les services de leur circonscription relatifs au bois.

Cette manière de faire consacrait enfin la centralisation du service des Bois, avec la participation prépondérante de techniciens; on pouvait donc en attendre des résultats satisfaisants au point de vue forestier. Mais, en fait, le personnel forestier attaché au service central de I'I. G. B. ne fut pas investi de toutes les attributions qui lui revenaient logiquement et ne put remplir complètement le rôle qu'avait envisagé pour lui le département de l'Agriculture; des questions importantes furent tranchées quelquefois sans que les techniciens fussent appelés à donner leur avis. D'où certains heurts dans l'application.

Les forêts domaniales et communales n'eurent pas à souffrir de cet état de choses parce qu'elles sont protégées par la gestion de l'Administration des Eaux et Forêts; mais c'est dans les exploitations des forêts particulières où l'Administration des Eaux et Forêts ne pouvait intervenir que des tâtonnements se produisirent. La recherche des coupes dans ces forêts fut effectuée le plus souvent par des Officiers des services britannique et américain qui n'avaient naturellement en vue que de pourvoir dans les meilleures conditions à l'approvisionnement de leurs exploitations et ne pouvaient apporter dans leurs investigations, comme l'auraient fait nos forestiers, le souci des considérations culturales ou économiques. La réquisition frappa lourdement dans certaines régions tandis que d'autres étaient laissées de côté.

Aussi de vives protestations ne tardèrent-elles à se faire entendre de la part des intéressés, et leurs représentants au Parlement s'en émurent. C'est surtout dans la région des Landes, où les exploitations étaient particulierement intensives, que les plaintes éclatèrent d'abord avec une grande vivacité. On protestait contre la mauvaise répartition des coupes et contre les exploitations massives de nos alliés qui appauvrissaient

certaines forêts au risque de compromettre gravement les conditions d'existence et de travail des populations.

Pour remédier à cette situation et calmer l'émotion soulevée dans la région, un arrêté interministèriel, pris sur l'initiative du département de l'agriculture le 12 avril 1918, institua à Bordeaux une commission consultative chargée d'examiner toutes les propositions du Centre de bois tendant à l'acquisition, à l'amiable ou par voie de réquisition, de pins maritimes destinés à être exploités dans les départements des Landes et de la Gironde pour les besoins des armées française et alliées. Cette commission a régulièrement fonctionné sous la présidence du conservateur des Eaux et Forêts et ses décisions, sauf dans un seul cas, ont été acceptées sans réclamation par les propriétaires particuliers. On peut donc dire que, grâce au contrôle de cette commission, les plaintes contre les exploitations militaires ont à peu près disparu dans cette région.

Un inspecteur général des Eaux et Forêts avait en outre été chargé de procéder à une enquête sur les exploitations faites dans la région des Landes par le service des bois et les armées alliées.

Le rapport présenté par cet inspecteur général à la suite de son enquête formulait de nombreuses critiques contre les procédés et l'organisation du service des bois et concluait à la remise complète de ce service entre les mains de la direction générale des Eaux et Forêts.

En transmettant ce rapport à son collègue de l'Armement, le ministre de l'Agriculture lui proposa de confier à l'Administration des Eaux et Forêts la direction et l'organisation des exploitations nécessaires à la satisfaction des besoins en bois pour la Défense nationale, mais le ministre de l'Armement déclara ne pouvoir se rallier à cette manière de voir, jugeant indispensable de conserver le contrôle de la production du bois qui est une des matières premières les plus nécessaires aux fabrications de guerre. En présence de ce refus le ministre de l'Agriculture insista du moins pour obtenir une réorganisation de l'I. G. B. de nature à faire cesser les inconvénients signalés dans la marche de ce service et à y donner un rôle plus effectif aux officiers forestiers.

Cette demande fut prise en considération et un arrêté du ministre de l'Armement du 4 juillet 1918 consacra la nouvelle organisation. Elle donnait à l'élément forestier une prépondérance complète dans les services administratifs et techniques et stipulait notamment que les questions de recherche et de délivrance de coupes seraient traitées par une section spéciale des services techniques uniquement composée d'officiers forestiers.

Le ministre de l'Agriculture, M. Boret, eut alors la pensée que le rôle de son département, en matière d'exploitations militaires, devait être encore renforcé. C'est à cette idée que correspondit la mission temporaire donnée à M. Compère-Morel, député, commissaire de l'Agricul

ture.

Il reçut du Ministre délégation permanente de suivre l'exécution du programme relatif aux exploitations de bois pour les besoins de la Défense nationale et des Armées alliées et de prendre, le cas échéant, les mesures nouvelles qui seraient nécessaires pour sauvegarder l'avenir des forêts françaises.

Il fut décidé alors de procéder à un inventaire complet des ressources réalisables dans les forêts françaises; ce travail important, exécuté exclusivement par les forestiers, est encore en cours d'exécution. L'armistice n'en a pas modifié l'utilité, car les renseignements recueillis permettront de fixer dans quelles limites les forêts françaises seront à même de subvenir aux besoins en bois qui vont se manifester pour la restauration des régions libérées et la reconstitution de notre matériel économique.

Ainsi depuis les premiers jours de la guerre l'Administration des Eaux et Forêts n'a pas cessé un instant d'exercer une vigilante attention sur les questions qui intéressaient les forêts françaises. Elle a tendu à reprendre petit à petit, avec patience, persévérance et esprit de suite, tout ce dont elle avait été, au premier abord, dessaisie par la guerre; elle a dû, à certains moments, incliner sa volonté devant ce motif qu'il fallait, sans restriction, délivrer aux armées tout le nécessaire; à cette considération d'ordre supérieur elle a subordonné son constant désir de grouper entre ses mains les différentes institutions que faisaient naître les événements plus forts que les hommes. Elle a réussi du moins à éteindre les conflits possibles, à faire prévaloir ses programmes, à réserver à l'activité des forestiers tous les travaux qui étaient de leur compétence propre, et à assurer, dans la tempête, la marche d'un service souvent désemparé par l'insuffisance des moyens du bord, mais auquel on a pu appliquer la devise: Fluctuat nec mergitur.

X.

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