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leur respect pour la loi civile qui constitue le bonheur, la prospérité, la grandeur de leur commune patrie. »

De même que l'armée régulière américaine est constituée dans d'autres conditions que nos armées européennes, de même les travaux de défense exécutés le long des frontières des États-Unis ont un caractère qui leur est spécial. L'immense développement de ces frontières et legrand nombre de points qui eussent été à fortifier s'il se fût agi de se garder contre des voisins ambitieux et puissants ne permettaient guère au général français Bernard, chargé par le congrès, en 1816, de l'établissement du système de défense, de multiplier les grandes places. Cet officier s'est borné à couvrir tous les grands centres de population et de commerce et à protéger toutes les grandes avenues d'eau. « Dans le vaste plan de défense nationale dont les ingénieurs américains ont eu à s'occuper, dit M. le major Poussin, l'emplacement, des dépôts, des magasins, des arsenaux adû particulièrement fixer leur attention. Il fallait, en effet, que tout ce qui était à créer, comme partie de ce système, fût établi d'après les règles de la stratégie, pour devenir ainsi dans les éventualités d'une guerre défensive, des moyens d'obtenir, de s'assurer d'heureux résultats. Il fallait que ces établissements fussent répartis dans l'intérieur du territoire de manière à utiliser toutes les facilités naturelles de transport qu'offrait le pays, sur chaque grande division des frontières de mer et de terre, afin de pouvoir approvisionner tous les points de la base d'opération aussi promptement et économiquement que possible. »>

Dans ce but, dix arsenaux, magasins ou simples dépôts d'armes, ont été disposés le long de la frontière maritime de l'Atlantique, trois sur celle du golfe du Mexique, six à proximité de celle septentrionale de terre, et trois dans le voisinage de la partie orientale de la même frontière.

L'Union ne possède encore que deux manufactures d'armes, fabriquant, année commune, vingt-cinq mille fusils. L'une de ces manufactures est dans l'est, sur la rivière du Connecticut, à Springfield, dans le Massachusets; l'autre

dans la division du milieu, sur la Potomac, au confluent de la Shenandoa, à Harpers-Ferry, dans la Virginie. On parle d'en établir une troisième dans la vallée du Mississipi. Une dernière remarque fera juger du peu de véritable importance que les Américains attachent encore aux choses purement militaires : ils n'ont point de fonderie, et sont obligés d'acheter leurs boulets et leurs canons, soit à l'étranger, soit à l'industrie locale, tout comme s'il s'agissait de marchandises ordinaires.

Le régime pénitentiaire a été aux États-Unis l'objet de nombreux et sérieux essais. Deux systèmes ont été mis en pratique, celui d'Auburn et celui de 'Philadelphie. Nous ne saurions mieux faire pour éclairer l'opinion sur une des plus graves questions qui intéressent l'humanité que de donner ici un extrait de l'ouvrage qu'a publié sur ce sujet M. Blouet, inspecteur général des bâtiments des prisons de France, envoyé en 1843, par notre gouvernement, aux États-Unis, en Angleterre, en Suisse et à Rome pour reconnaître par l'expérience des faits quel est des deux systèmes qui ont été pratiqués celui qui présente le plus d'avantages (1).

«La vie en commun est la base du système d'Auburn. Le jour les détenus sont réunis dans les ateliers, au réfectoire, à l'école et à la chapelle; mais la nuit ils couchent séparément, dans de très-petites cellules. Ils doivent observer un silence absolu; les gardiens les accompagnent nition du fouet au détenu coupable d'une infracsans cesse, et appliquent immédiatement la pu

tion à cette règle. Les autres punitions sont le

cachot solitaire et la réduction de nourriture, Les détenus n'ont d'autre promenade que celle qu'ils font pour aller de la cellule à l'atelier, au réfectoire ou à la chapelle; leur seule récréa

tion est le moment qui leur est accordé après le

repas ils restent alors à table ou dans leurs

cellules, suivant qu'ils mangent ensemble ou séparément, comme cela a lieu dans quelques pénitenciers. Quant au dimanche, ils le passent en silence et dans l'oisiveté, en partie dans la chapelle, en partie dans les cellules, où ils se

trouvent en quelque sorte réduits à l'immobi

quatre-vingt-cinq condamnés, par G. A. BLOUET; (1) Projet de prison cellulaire pour cinq cent Paris, Firmin-Didot, 1843, in-fol. p. 3. à 7.

lité, puisqu'elles sont presque entièrement occupees par le lit.

« La séparation rigoureuse des détenus entre eux constitue le système de Philadelphie. Jour et nuit ils sont enfermés dans des cellules assez spacieuses pour qu'ils puissent y dormir, y travailler et y faire quelques pas; ils y trouvent tout ce qu'il faut pour satisfaire à leurs besoins naturels; au rez de chaussée chaque cellule est accompagnée d'une petite cour qui lui est à peu près égale en grandeur : là le détenu peut respirer en plein air. Au premier étage on a suppléé au défaut de cour en donnant deux cellules à chacun des détenus, mais de moins grande dimension que celles du rez-de-chaussée. Indépendamment des visites que leur font les gardiens pour leur distribuer la nourriture, les matières nécessaires à la confection de leurs ouvrage, et à leur enseigner à travailler, les détenus reçoivent encore celles du directeur, de l'aumônier et des personnes charitables qui peuvent être admises à concourir à l'œuvre de régénération. De leurs cellules ils entendent les prières ou la prédication. Les punitions motivées par les infractions au régime de la prison sont réprimées par des réductions sur la nourriture (1).

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Si je n'ai pas fait connaitre tous les rouages accessoires à l'aide desquels fonctionnent ces deux systèmes, j'en ai dit assez pour faire comprendre qu'ils diffèrent essentiellement dans leur principe, puisque dans l'un les détenus vivent ensemble durant tout le jour, et que dans l'autre ils sont constamment séparés.

« Le régime d'Auburn reçoit son caractère répressif du travail obligé et de l'observation du silence, qui n'est obtenu, autant qu'il peut l'étre, que par la présence constante et indispensable des gardiens dont la mission est de punir du fouet ceux qui enfreignent cette règle.

« Le caractère du régime de Philadelphie consiste uniquement dans la séparation constante des détenus entre eux au moyen de la cellule; car, bien que le travail soit obligé et qu'il semble aggraver la peine, il ne sert en réalité qu'à Patténuer.

« Il ressort donc des caractères qui distinguent chacun des deux systèmes qu'ils sont l'un et l'autre destinés à atteindre un même but, la réforme, à l'aide des mêmes moyens, le travail et la séparation. Or, les deux systèmes ne diffè

(1) Pour plus amples détails sur le régime et les constructions des prisons d'Amérique, voir l'ouvrage de MM. de Beaumont et de Tocqueville, et le rapport de 1837 au ministre de l'intérieur par MM. Demetz et Blouet.

rent que dans la manière d'obtenir cette séparation, seule capable d'arrêter les progrès de la corruption; et comme on a jugé qu'il suffisait d'empêcher que les détenus se communiquassent leurs pensées, on s'est borné, dans l'un, à obtenir par la crainte du fouet un silence dont l'œil et l'oreille du gardien sont devenus les seuls garants; dans l'autre, on a douté de la surveillance en présence d'une telle tentation, on a confié à des murailles le soin de la diminuer, et de rendre inutiles les essais que pourraient faire les détenus pour établir des rapports entre eux Tels sont le système d'Auburn et celui de Philadelphie. Supprimez la surveillance dans le premier, la vie en commun y découvre bientôt ses terribles conséquences; les murs restant debout dans le second, on trouve encore une prison efficace et redoutable.

« Qu'on ne suppose pas, toutefois, qu'il entre dans ma pensée qu'on puisse, dans aucun cas, se passer de surveillants. Je reconnais, au contraire, tellement l'importance d'un bon personnel, que je regarde tout système péniten◄ tiaire impossible sans cette condition essentielle; et cette conviction m'amène, par l'examen comparatif des deux régimes expérimentés en Amérique, aux conséquences suivantes, qui résultent de l'influence des agents subalternes dans l'un ou l'autre de ces régimes.

« Quels sont dans celui d'Auburn les devoirs du gardien ? Ceux d'un dur geôlier : épier avec toute la vigilance possible, afin d'apercevoir la moindre infraction à la discipline et de chátier celui qui s'en est rendu coupable; son activité à découvrir les fautes fait croire qu'il met son bonheur à les punir : les détenus le regardent donc en ennemi; sa présence est pour eux un supplice; le seul sentiment qu'il leur inspire est la haine. Aiguillonnés par la vengeance, ils oublient leurs torts envers la société, qu'il représente, et ils la menacent déjà dans leur cœur. « A Philadelphie les murs sont la punition du crime; la celiule met le détenu en présence de lui-même; il est forcé d'entendre sa conscience; il veut éloigner ce persécuteur acharné : le travail, que ses mains n'avaient peut-ètre jamais connu, s'offre à lui moins rédoutable; c'est un ennemi dont il va se servir pour combattre un autre qui lui semble plus à craindre. Le gardien pénètre dans sa cellule; il apporte des livres et des instruments dont il lui apprend à se servir; sa présence est un soulagement; elle lui laisse un doux souvenir et des armes pour se défendre des remords et de l'ennui. Aux heures où la faim se fait sentir le gardien paraît encore; il dépose sur le guichet les aliments réparateurs ;

à chaque visite quelques paroles bienveillantes coulent de cette bouche honnête, et portent au cœur du détenu, avec la reconnaissance, l'espoir et la consolation; il aime son gardien; et il l'aime, parce que celui-ci est doux et compatissant. Les murs sont terribles, l'homme est bon. Le prisonnier sent que la nécessité bien plus que la colère, a dicté son arrêt, puisque les gardiens même sont là pour diminuer les rigueurs de la justice. Cette honnêteté, dont il goûte les fruits chaque jour, ne l'attire-t-elle pas dans une voie nouvelle? et n'offre-t-elle pas des garanties pour l'avenir, en le tournant vers un nouvel horizon?

Tels sont, en effet, les rapports journaliers du gardien et des détenus; car si la surveillance ne perd pas pour cela son activité, elle est occulte, et semble inhérente à la cellule; d'ailleurs, le gardien n'est jamais appelé à infliger un châtiment direct, et les tentations à l'infraction des règles sont loin d'être aussi nombreuses que dans l'autre système.

« On voit donc d'un côté le gardien entouré d'affection; de l'autre on le voit s'attirant la haine des détenus qu'il surveille. Or, il faut que dans les deux cas les gardiens soient choisis parmi des hommes recommandables, soit pour inspirer l'amour du bien à des êtres dégradés, soit pour les punir justement, et à toutes les occasions. Il est aisé de comprendre que la mission tout évangélique des premiers peut être acceptée, et même recherchée par des gens de bien; mais peut-on espérer d'en trouver un grand nombre qui se résignent à n'avoir que des infractions à constater et à punir, et qui veuillent bien recevoir la haine de ceux qu'ils voudraient sauver, en échange de leurs efforts à atteindre le but? Aussi en Amérique les gardiens portent-ils l'empreinte du système auquel ils sont appelés à prêter leur appui, et nous offraient-ils, lors de notre arrivée au grand pénitencier de Philadelphie, sous la conduite de M. Wood, leur excellent directeur, plus de capacité et une meilleure tenue que dans aucun établissement du régime d'Auburn. C'est à cette supériorité que nous devons une grande partie des bons renseignements que nous avons recueillis sur le système pénitentiaire.

« Après avoir fait connaître les principales particularités des deux systèmes d'emprisonnement pratiqués en Amérique, et avant d'entrer dans leur examen comparatif, je prierai le lecteur de se figurer, autant que possible, abstraction faite de notre civilisation et de nos lois, un monde nouvellement créé, une société nouvelle. Des crimes ont été commis par plusieurs

de ses membres : je demande si dans cette société où les idées naturelles seraient encore dans toute leur virginité, où dans son intéret on voudrait avant tout empêcher la propagation du mal, je demande, dis-je, si on pourrait avoir la pensée de mettre ensemble ces criminels qui viennent de se déclarer ses ennemis, et si, au contraire, ils ne seraient pas emprisonnés séparément, pour être hors d'état de comploter leur évasion et de nouveaux crimes?

a

« Mais il ne s'agit pas de ce qu'indique la simple raison. En fait d'emprisonnement on s'est autrefois tellement éloigné de ce point de départ, qu'il a été perdu de vue. Dans des temps de despotisme et de barbarie, on a poussé à un tel excès l'usage des cachots obscurs et humides, des fers et des tortures de tout genre, que par suite l'humanité s'en est émue; l'excès du mala eu pour résultat une réaction qui a poussé les gens de bien, animés par des sentiments louables au fond, à trop oublier, peut-être, ce qu'exigeait l'intérêt de la société, en adoucissant le régime des prisons au point que l'emprisonnement n'était plus, pour ainsi dire, une punition pour les criminels, et qu'après une première détention ils ne craignaient pas de retomber dans de nouveaux crimes, puisquè la punition qu'ils encouraient ne pouvait que les amener à un état assez tolérable. Il en est résulté que, faute de donner à l'emprisonnement le caractère d'intimidation nécessaire, et d'infliger aux coupables un châtiment suffisant, les récidives se sont multipliées dans une proportion effrayante, et ont fait peser sur les honnêtes gens les conséquences de cette philanthropie dangereuse.

En donnant aux détenus du travail et la distraction de l'étude, l'instruction morale et religieuse, une heure de promenade par jour, une nourriture saine et réguliere, on n'a point à redouter les cas de folie qu'on a signalés en France avec beaucoup d'exagération, et qui, du reste, ne sont pas plus nombreux dans le système de Philadelphie que dans celui d'Auburn. Il serait plus juste d'attribuer ce désordre, non à la réclusion, mais à l'état mental de ces hommes qui, entraînés vers le mal, ont peut-être une prédisposition à la folie, à laquelle d'ailleurs devaient contribuer leurs habitudes déréglées et leurs excès en tout genre.

Le résultat des expériences faites à

Paris et dans d'autres pays démontre que la préférence doit être donnée au système de réclusion isolée d'apres les principes pénitentiaires de Philadelphie.

Nous résumerons en peu de mots ce rapide aperçu sur l'organisation politique des États-Unis: indépendance presque absolue de la commune par rapport à l'État, et de l'État par rapport à la confédération; d'où il suit naturellement que la confédération, placée plus loin de l'État que l'État ne l'est de la commune, est comme un accident qui cessera dès que les nécessités qui l'ont fait établir seront moins pressantes, et que les États, réduits alors à leurs propres forces, mais libres, en revanche, de donner l'essor à toutes leurs ambitions, finiront par s'absorber l'un l'autre, et par perdre leur esprit de liberté actuel, ceux-ci en s'habituant au rôle de dominateurs, ceux-là en subissant celui

de vaincus.

Les États-Unis commencent, comme république, de la même manière que la France a commencé comme monarchie. Nos provinces, rangées successivement sous le pouvoir royal et conservant, pour la plupart, l'organisation intérieure et même les droits politiques qui leur étaient particuliers, n'ont acquis de véritables libertés, de véritable puissance, qu'à dater du jour où elles se sont toutes réunies sous une seule et même loi, où elles ont toutes ensemble formé ce magnifique faisceau qu'on appelle aujourd'hui la République française.

Moeurs et coutumes. Nous pensons que les renseignements que nous avons consignés ici ont fait connaître suffisamment les mœurs des Anglo-Américains. Quant à leurs coutumes, elles offrent, tout à la fois, une telle uniformité en apparence, et une si grande diversité au fond, que nous ne saurions pretendre à les décrire. En général, les voyageurs, les publicistes, ou les simples observateurs ont à l'envi exalté ou dénigré les toyens de l'Union.

Les deux traits principaux du caractère anglo-américain sont l'ardeur religieuse et l'amour de l'argent. Ces deux dispositions, qui d'ordinaire s'excluent l'une l'autre, s'allient ici étroitement, et produisent ce rigorisme de mœurs si

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M. Roux de Rochelle (1) a exposé l'origine de presque toutes ces sectes, les différences qui les séparent et l'action que chacune d'elles a exercée et exerce encore sur les mœurs des Anglo-Américains. Nous ajouterons que la plupart << pratiquent les revivals (révivifications), ayant pour objet de réchauffer le zèle religieux. Un revival comprend des prières en commun, des sermons, des conférences, des réunions prolongées, des visites à domicile. C'est quelque chose enfin d'analogue à nos missions intérieures (2). »

Cependant, et malgré les assurances dité de la conviction de chacun des fidèles données par plus d'un écrivain sur la solide ces sectes différentes, il est digne de remarque que les changements de culte sont très-fréquents aux États-Unis. L'Américain, en qui l'on se figure que sont personnifiées toutes les vertus égalitaires, est si peu à l'abri des petites faiblesses si amèrement raillées aujourd'hui parmi nous que, ne pouvant s'affubler d'un titre nobiliaire, il veut au moins constater par la forme du culte qu'il rend au Dieu de l'ignorant comme du savant, du pauvre comme du riche, qu'il a pris place dans cette dernière frac tion de la société. Le baptisme est bon pour le nègre; le catholicisme et d'autres sectes chrétiennes suffisent au petit marchand, au citoyen obscur; mais quand celui-ci est parvenu à se tirer de la foule il se fait épiscopolien, sans autre motif que d'être de la religion des gens

(1) Pages 48 et 346 de la première partie.
(2) Michel Chevalier.

du bon ton. Ceci paraîtrait une boutade si l'on n'expliquait pas que l'habitude de voir s'élever sans cesse de nouvelles sectes au sein du protestantisme rend l'Anglo-Américain beaucoup moins attache à l'Église dans laquelle il est né. Notre intention ne saurait être de blesser ni de scandaliser personne; nous croyons sincèrement apprécier autant que qui que ce soit ce qu'il y a de sage, degrand, sinon dans le caractère des citoyens de l'Union, du moins dans les institutions politiques qu'ils ont fondées; mais nous avouons qu'il nous est impossible de passer condamnation sur ce que ce caractère et ces institutions reçoivent de dommage de la part d'un étroit esprit d'égoïsme financier. Nous le répétons, la vanité du capital n'existe en aucun lieu du monde aussi développée qu'aux États-Unis: on la retrouve se pavanant jusque dans les temples.

«Dans les pays catholiques, dit M. Michel Chevalier, les églises, vastes édifices, sont ouvertes à tout le peuple sans distinction; chacun y prend place où il lui plaît, tous les rangs y sont confondus. Aux États-Unis les églises, très-multipliées et fort petites, sont bâties par entreprise, et pour ainsi dire par actions. Elles appartiennent en propriété aux fondateurs, et sont à leur usage exclusif, sauf une tribune ouverte aux gens peu aisés. La part de propriété de chacun est représentée par un banc qui est clos. Toute la surface de l'église est ainsi occupée par des bancs. Chaque banc se transmet et se vend comme toute autre propriété. Le prix en est variable selon les villes, selon les sectes, et selon la situation du banc dans l'église. Dans beaucoup de cas les bancs appartiennent à l'église elle-même : celle-ci les afferme aux fidèles. Le revenu, quelquefois considérable, qui en résulte sert à couvrir les frais du culte. Dans ce système, la place occupée par les fidèles dépend de leur fortune, ou au moins du prix qu'ils mettent à leurs

bancs. »

Reconnaissons en toute humilité qu'il n'est pas nécessaire de traverser l'Atlantique pour trouver la spéculation installée dans la maison de Dieu; mais ajoutons que nous tenons cet abus pour également absurde, également cou

pable en quelque lieu de la chrétienté qu'il vienne attrister les regards.

Notre sévérité pour le citoyen des États-Unis ne nous empêche pas d'ailleurs d'apprécier ses qualités solides : à quinze ans il débute dans les affaires ; à vingt et un il est chef de maison et ordinairement marié, car il considère le célibat comme une impiété envers Dieu et la société. Ses habitudes sont celles de l'homme exclusivement travailleur; il ne comprend pas l'oisiveté. Depuis le moment où il se lève jusqu'à celui où il se couche, il donne toutes ses pensées à son travail; il ne permet qu'à la politique de les en détourner quelquefois. On n'ose dire que le dimanche, ou sabbat, lui soit un jour de récréation : il n'est pas de préau de communauté religieuse comparable pour la tristesse, la monotonie et le silence, à une rue de Philadelphie ou de NewYork, le dimanche.

Ce rigorisme religieux, qu'on pourrait montrer existant dans toute son aridité dans plus d'une province de France, d'Angleterre ou d'Allemagne, a du moins eu l'avantage en Amérique d'épurer les mœurs privées. Là point de ces scandales qui déshonorent une famille et affaiblissent chez elle le sentiment de sa propre dignité; nulle part la femme n'est plus complétement la compagne de l'homme; nulle part elle n'est plus libre de disposer de son cœur, de sa main; mais nulle part aussi elle n'a un plus profond sentiment de ses devoirs, de la sainteté de son rôle providentiel quand elle a franchi le seui! de la maison conjugale (1).

(1) « J'ai entendu de jeunes Européens, dont la vanité avait sans doute été blessée du peu d'attention dont ils avaient été l'objet, affecter de tourner en ridicule le dévouement sans bornes que les jeunes femmes américaines montrent pour leurs enfants et la manière rigide dont elles remplissent tous leurs devoirs. Quelquesuns ont même osé affirmer, en ma présence, qu'une femme dans ce pays n'était que la pre

mière servante dans la maison de son mari. On hémisphère, en disant que ce dévouement aux fait un triste compliment aux femmes de notre devoirs les plus doux, les plus nobles et les plus importants qui puissent occuper leur vie, soit particulier à l'Amérique... En Amérique la femme semble occuper son véritable rang dans l'ordre social; même dans les conditions inférieures elle est traitée avec les égards et le respect qui sont dus aux êtres que nous croyons dépositaires des principes les plus purs de notre nature. Retirée dans les limites sacrées de sa

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