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la science géographique fera son profit. Dans tous les cas ces intrépides explorations nous feront connaître d'une manière plus précise cette race indienne, qui n'existe plus à l'état sauvage dans la basse Californie, mais qui anime encore les vastes campagnes que le génie agricole du citoyen des Etats-Unis va desormais fertiliser. A l'époque de la découverte cette race malheureuse peuplait toutes les rives du golfe, et par sa barbarie, par ses usages empreints d'un caractère vraiment dépravé, formait déjà un contraste sensible avec les nations à demi civilisées du pays de Sonora. Nous allons faire voir par quelle suite de traveaux, par quelle série d'expéditions, ces races furent jadis soumises ou repoussées dans l'intérieur.

PREMIÈRES EXPLORATIONS MARITIMES

TENDANT A DECOUVRIR LA CALIFORNIE; EXPÉDITION DE CORTEZ. Charles-Quint, dont la vive intelligence avait si bien deviné ce que pourrait produire de changement dans le monde la section de l'Isthme de Panama (1); Charles-Quint fut cause en réalité des grandes explorations qui amenèrent la découverte de la Californie. Préoccupé de la recherche d'un détroit sur les côtes de la Nouvelle-Espagne par lequel on pût se rendre à ces regions que le vulgaire désignait sous le nom d'îles aux Épices, il enjoignit dès 1523 à Cortez de chercher cette route importante. Le bruit s'était repandu en effet qu'un passage existait d'une mer à l'autre, et l'expedi tion de Christophe de Olid n'eut pour but que la solution de ce grand probleme. Álvaro Saavedra suivit les traces de ce navigateur quatre ans plus tard, mais sans amener plus de résultats, et ce fut peut-être l'inutilité de ces explorations maritimes, jointe aux espérances données jadis par lui-même à l'empereur, qui engagea Cortez à envoyer des troupes vers la mer du Sud, en prenant sur sa propre fortune les frais considérables nécessités par une pareille entreprise. Disons-le bien ici, une sorte d'El-Dorado, une terre fantastique designée sous le nom de Colima, fut le but primitif vers lequel le

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conquérant du Mexique prétendit d'abord diriger une expédition. Dans les rapports qui lui étaient soumis il était aussi vaguement question d'une île habitée par des Amazones, région plus favorisée que toutes celles qu'on avait découvertes, où l'or et les perles promettaient de tels dédommagements en échange des fatigues qu'allaient endurer les conquistadores, qu'on n'eut pas besoin d'ébruiter longtemps ce nouveau projet pour réunir une troupe d'hommes intrépides. Le voyage de Diego Hurtado de Mendoça n'eut pas en réalité d'autre but, et ce parent de Cortez, guidé par de telles chimères, partit d'Acapulco pour explorer la côte occidentale de la Nouvel.e-Espagne vers l'année 1532. Nous n'insisterons pas sur cette expédition infructueuse, qui fit connaître le port de Culiacan. Hurtado de Mendoça périt en continuant son voyage. Le vainqueur persévérant du Mexique n'était pas de ceux qu'un échec décourage. En 1533 il fit sortir une nouvelle expédition du port de Tehuantepec, et les deux hommes qu'il choisit pour la diriger lui offraient des garanties que ne présentait peut-être pas celui qu'on attendait vainement depuis plusieurs mois : l'un, Diego Becerra de Mendoça, s'entoura des lumières de deux marins habiles; l'autre, Hernando de Grijalva, avait déjà fait ses preuves : mais il ne faut pas le confondre, comme on l'a fait souvent, avec Juan de Grijalva (1), auquel on devait les premières notions positives que l'on eut obtenues sur le Yucatan. La nuit même qui suivit leur départ les deux navigateurs furent séparés par le gros temps; il leur fut impossible de se rejoindre et de continuer ensemble un voyage dont le marquis del Valle se promettait de si grands résultats Grijalva fit des découvertes géographiques offrant une réelle importance; elles peuvent même le faire considérer comme le premier explorateur de ces mers inconnues; il revint heureusement à Tehuantepec. Diego Be

(1) Disons en passant que la Biographie universelle elle-même se tait sur l'époque à laquelle mourut ce navigateur: Jean de Grijalva périt en 1527, au Nicaragua, assassiné par les Indiens. Sa mort précéda donc de trois ans la découverte de la Californle. Voy. Oviedo, Publications de M. Ternaux-Compans.

cerra succomba assassiné par les siens. Ceux qui s'étaient souillés de ce crime abordèrent, dit-on, la côte de la Californie; ils furent eux-mêmes massacrés par les Indiens. Hâtons-nous de le dire, une réelle incertitude règne sur l'histoire de la première découverte; et s'il faut s'en rapporter à des documents que cite l'illustre Humboldt, les Espagnols, instruits par le témoignage des naturels de l'intérieur, auraient connu la Californie dès l'année 1526. Mais, après tout, ces rapports incertains, et plus tard les résultats malheureux qui déjouaient tant d'espérances, ne pouvaient ni contenter ni arrêter Cortez. Il prit la résolution généreuse de s'assurer des faits par luimême. De nouveaux ordres ayant été expédiés, trois navires furent construits à Tehuantepec, et se dirigèrent vers le port de Chiametta. Pour Cortez, il se rendit a la Nouvelle-Galice avec la suite nombreuse qui l'accompagnait. Ce fut là qu'il s'embarqua; et loin de négliger une ressource à laquelle il avait dû jadis, en partie du moins, son prodigieux succès, il fit transporter à bord un certain nombre de chevaux. Laissant alors une portion de l'expédition sous les ordres d'Andres de Tapia, il se dirigea vers le nord et entra bientôt dans le golfe de Californie. La première terre qu'il aperçut recut de lui le nom de San-Felippe; puis il découvrit a trois lieues de la deux îles auxquelles il imposa les dénominations de Santiago et de las Perlas. Malgré les richesses que promettait ce dernier nom, ce ne fut point là qu'il effectua son debarquement: il alla surgir dans une baie qui s'ouvre par les 23° 30′ nord, et il y fit descendre les colons dont il était accompagné. Cet événement eut lieu au mois de mai 1536. Après avoir fondé cette colonie, un peu abandonnée aux chances du hasard, Fernand Cortez expédia les bâtiments dont il pouvait disposer, afin de chercher le reste de son monde, ainsi que les chevaux destinés à faciliter les travaux d'un premier établissement. Le lieu choisi par le conquerant du Mexique pour y former un établissement à la fois religieux et agricole avait reçu de lui le nom de Santa-Cruz. On l'échangea depuis contre celui de la Paz. Cortez né fit pas un long séjour dans la petite colonie qu'il venait de fonder. Un seul

bâtiment parmi ceux qu'il avait expédiés était revenu : il s'embarqua immédiatement et accomplit l'exploration de la côte, sur une étendue de cinquante lieues. On le voit donc, c'était à bon droit que les géographes donnaient jadis au golfe de Californie le nom de mer de Cortez.

Nul doute que l'intrépide conquérant n'eût projeté la fondation d'un établissement en harmonie avec ses vastes desseins: la fortune en disposa autrement. Après l'exploration qui venait de lui faire connaître sommairement cette contrée, il se rendit à Culiacan, dans l'intention de réunir des approvisionnements indispensables. Le inanque de vivres, la nécessité de pourvoir à une existence déjà précaire, avaient diminué singulièrement le nombre des habitants de SantaCruz: Cortez, au retour, dut entrevoir les difficultés de tout genre qu'il y avait à vaincre. Il ne commandait plus à la Nouvelle-Espagne, l'ingratitude d'un gouvernement rival avait singulièrement modifié la mission qu'il venait de s'imposer; un ordre transmis par sa femme, et qui émanait de l'audience aussi bien que du vice-roi, le rappelait à Mexico. Il se mit immédiatement en route, et dès l'année 1537 le port d'Acapulco l'avait reçu. Son mandataire, D. Francisco da Ulloa, rencontra trop d'obstacles au début de la colonisation pour que l'établissement Santa-Cruz pût prospérer (1). Cependant des bruits merveilleux commencèrent bientôt à circuler dans le Mexique sur la richesse du territoire qui avoisine la Californie. Ils étaient dus en partie à un aventurier intrépide que nous rencontrons au seizième siècle dans toutes les régions américaines où il s'agit d'accomplir d'audacieuses entreprises. En 1537 Alvaro Nunez, plus connu sous le nom de Cabeça de Vaca, arriva à Culiacan; il venait de terminer un voyage plus extraordinaire qu'aucun de ceux qui eussent été faits encore par les Espagnols à travers le nouveau continent. Suivi de trois Castillans et d'un noir, restes de l'expédition de Panfilo Narvaez, il avait erré durant plusieurs années à travers la Louisiane et la partie septentrionale du Mexique; et après

de

(1) Ce fut Francisco de Ulloa qui imposa au golfe le nom de mer de Cortez.

avoir visité le pays si peu connu de Sonora, il était parvenu aux établissements espagnols; mille bruits étranges furent répandus par ses compagnons, et l'on accusa plus tard Cabeça de Vaca luimême d'avoir prodigieusement exagéré les richesses que pouvaient fournir ces côtes désertes par la pêche des perles.

En 1539, ces traditions s'élèvent jusqu'aux proportions du merveilleux, grâce aux récits d'un moine dont la relation nous est parvenue. Fray Marcos de Niza s'était fait suivre par le noir qui avait jadis accompagné Cabeça de Vaca dans ses prodigieuses pérégrinations; Fray Marcos, dis-je, se proposait un double but il prétendait emplir les coffres du trésor des Indes de plus de richesses que Cortez lui-même n'en eût pu rêver, et peupler le ciel de plus d'Indiens que l'on n'en eût jamais converti. Il partit accompagné d'une suite nombreuse sans aucun doute, il atteignit des régions ignorées, voisi nes de la Californie; mais de retour à Culiacan, dont Coronado était le gouverneur, il n'y eut pas de rêves insensés, pas de récits merveilleux qu'il ne mît en circulation pour déterminer le pouvoir à une expédition nouvelle. Ce fut en effet à partir de cette époque que le mythe fameux relatif au pays de Cibola prit de la consistance et entraîna toutes les imaginations. Non-seulement Fray Marcos de Niza savait à quoi s'en tenir, disait-il, sur les puissants royaumes de Totonteac, d'Acus et de Marata; mais il avait pu contempler dans le lointain sept villes resplendissantes, et il en avait pris possession au nom du roi d'Espagne en plantant deux croix .à l'entrée d'une vallée qui y conduisait. L'or et l'argent accumulés dans ces villes, les portes enrichies de turquoises qui gardaient leur tresors, la prodigieuse quantité de perles que fournissaient, disait-on, des rives inconnues; tous ces rêves propagés par des hommes dont le courage était d'ailleurs incontestable, decidèrent le départ d'une expédition plus considérable que toutes celles qui avaient eu lieu jusqu'alors; c'était à elle qu'il appartenait de conquérir la vérité et de faire évanouir tous ces rêves (1).

(1) La presqu'ile de Californie a été pendant longtemps le Dorado de la Nouvelle-Espagne.

EXPÉDITION COMBINÉE D'ALARCON Et de Francisco VasquEZ DE CORONADO; Cibola; les sepT VILLES; EXPLORATION PLUS COMPLÈTE DU GOLFE DE CALIFORNIE. Ce Tombouctou américain, comme l'appelle un écrivain illustre, avait été cependant cherché avant que le moine voyageur n'eût répandu avec tant de profusion ses récits exagérés. Dès le temps ou Nuño de Guz. man gouvernait le Mexique, une relation qui avait eu un écho fréquent, et qui provenait d'un Indien d'Oxitipar, avait déterminé des tentatives partielles et avait même entraîné Nuño de Guzman jusque dans la Nouvelle-Galice. L'Indien était mort; mais ses narrations fantastiques étaient religieusement conservées à Mexico, et l'on peut facilement se figurer quelle influence elles exerçaient sur les imaginations qu'enflammaient déjà des récits du moine. « Pendant son enfance, avait-il coutume de répéter, son père parcourait l'intérieur du pays pour y vendre de belles plumes d'oiseaux, qui servent à faire des panaches, et qu'il rapportait en échange d'une grande quantité d'or et d'argent, métaux, suivant lui, très-communs dans ce pays; il ajouait qu'il avait accompagné son père une ou deux fois, et qu'il avait vu des villes si grandes qu'on pouvait les comparer à Mexico avec ses faubourgs. Ces villes étaient au nombre de sept; il y avait des rues entières habitées par des orfévres; il ajoutait encore que pour y arriver il fallait marcher pendant quarante jours à travers un pays désert, où il n'y avait qu'une espèce d'herbe courte de cinq pouces, et qu'on devait s'enfoncer dans l'intérieur en se dirigeant vers le nord entre les deux mers (1). »

Un pays riche en perles doit, selon la logique du peuple, produire en abondance de l'or, des diamants et d'autres pierres précieuses. Un moine voyageur, Fray Marcos de Niza, exalta la tête des Mexicains par les nouvelles fabuleuses

qu'il donna de la beauté du pays situé au nord du golfe de la Californie, de la magnificence de la ville de Cibola, de son immense population, de la police et de la civilisation de ses habitants. Cortez et le vice-roi Mendoza se disputerent d'avance la conquête de ce Tombouctou américain.» (Humboldt, Essai sur la Nouvelle-Espagne, t. II, p. 420.)

(1) Voyages, relations et mémoires originaux pour servir à l'histoire de la découverte de l'Amérique, publiés pour la première fois par Ternaux-Compans, Relation du voyage de Ci

Or nous insistons sur ce double rapport, car il explique bien des faits. Au temps où don Antonio de Mendoça gouvernait la Nouvelle-Espagne, à l'époque même où de si grands dégoûts abreuvaient Cortez, les traditions de l'Indien se combinaient avec celles du moine, et lorsqu'une expédition nouvelle eut été enfin résolue, ce fut au successeur de Nuño de Guzman dans le gouvernement de Culiacan que l'on s'adressa_pour la diriger. Francisco Vasquez de Coronado, auquel nous allons voir remplir le rôle principal dans cette audacieuse entreprise, était un brillant gentilhomme, réunissant les qualités exigées alors d'un conquistador; il avait en outre épousé une jeune dame d'une beauté singulière, fille d'un personnage auquel sa position donnait un certain crédit : son beau père, Alonso d'Estrada, était, disait-on, fils naturel de Ferdinand le Catholique; et par cette espèce d'alliance avec la famille royale Vasquez de Coronado avait acquis de bonne heure une de ces positions qui devaient le conduire aux emplois éminents: il avait eu aussi les premières confidences de Fray Marcos de Niza (1); il fut choisi par le vice-roi pour aller conquérir les sep villes, tandis que Fray Marcos reçut officieusement le titre de guide. Cha

bola, par Pedro de Castañeda de Nagera. Paris, 1838, I vol. in-8°.

(1) Durant sa première expédition à la recherche de Cibora ou de Cibola; F. Marcos de Niza était accompagné par trois autres franciscains et par un noir que les chroniques désignent sous le nom d'Estevan, et quelquefois d'Estevanillo, comme s'ils faisaient allusion par ce diminutif à la joyeuse insouciance de son caractère; le noir, gêné dans ses entreprises, que ne réglaient pas toujours les strictes règles de la morale; le noir, dis-je, laissa là ses dévots compagnons, et se porta en avant; il pénétra jusqu'à la ville de Cibola, mais là finit son audacieuse pérégrination. Grand ravisseur de femmes indiennes, grand collecteur surtout de turquoises magnifiques, il se vanta aux chefs de ses relations avec les hommes blancs et du crédit dont il jouissait parmi eux. Mais la couleur de sa peau lui devint fatale, et les Indiens, tout naïfs qu'ils étaient, ne voulurent jamais croire qu'il fut du pays de ces hommes blancs dont les exploits terribles avaient retenti jusque dans leurs contrées lointaines; ils l'emprisonnèrent, le sacrifièrent impitoyablement, s'emparerent des femmes esclaves qu'il emmenait avec lui, et ne laissèrent échapper que de jeunes Indiens qui allérent joindre les religieux, et les affrayèrent tellement par leurs récits, qu'ils déterminèrent leur retour.

cun individuellement fit ses préparatifs et se livra à ces splendides espérances, qui s'appuyaient, il faut en convenir, sur un passé plein de grands souvenirs.

Fort heureusement pour l'accroissement ultérieur de la géographie, le Mexique était gouverné alors par un homme que ses démêlés avec Cortez ne sauraient empêcher d'être considéré comme un habile administrateur. D. Antonio de Mendoça décida qu'une expédition navale combinerait ses efforts avec celle qui entreprenait cette difficile exploration, et le commandement en fut donné au capitaine Alarcon, qui avait déjà fait ses preuves de bravoure et d'habileté.

L'expédition par terre ne se composait que de trois cents hommes, mais de trois cents hommes jeunes, aguerris, et de telle condition, dit Castañeda de Nagera, que le vice-roi eût voulu « pouvoir donner à chacun d'eux une armée à commander. » La ville de Compostelle, capitale de la Nouvelle-Galice, qui avait été fondée à cent dix lieues de Mexico, fut assignée comme lieu de rendez-vous général, et ce fut là que Francisco Vasquez de Coronado en prit le commandement en présence du vice-roi.

Malgré tout ce qu'elle eut d'incidents inattendus, de rencontres étranges, d'épisodes intéressants, nous ne prétendons pas suivre dans sa marche aventureuse cette petite armée, qui se dirigea d'abord sur Culiacan : il suffira de dire que Vasquez de Coronado, arrivé à Chichilticale, sur les confins du désert, se sentit saisi d'une indicible tristesse, et que là, en présence d'une maison en ruine et sans toit, qui composait à peu près le seul établissement du pays, il commença à douter des rêves dorés des Indiens, si fréquemment répétés par lui dans la capitale du Mexique. Il poursuivit néanmoins sa route; mais le découragement qu'il ressentit ne peut se dépeindre lorsqu'il fut parvenu au pied du rocher aride sur la cime duquel s'élevait Cibola;... on aura, en effet, une idée de cette prétendue cité indienne lorsqu'on saura que bien peu d'années après le voyage de Coronado un témoin oculaire pouvait écrire « Ce village est si peu considérable, qu'il y a des fermes dans la Nouvelle-Espagne qui ont meilleure

apparence; il peut contenir deux cents guerriers; les maisons ont trois ou quatre étages; elles sont petites, peu spacieuses, et n'ont pas de cours. Une seule cour sert à tout un quartier. >>

Comptant bien plus sur la force de la position que sur les ouvrages qui défendaient leur ville, les Indiens s'étaient réunis en grand nombre dans Cibola; mais ils furent chargés aux cris de San-Jago par les Espagnols, et se virent bientôt culbutés; le général, atteint d'une pierre, pensa périr dans cette attaque. Toutefois Cibola resta au pouvoir des Castillans. Vasquez de Coronado demeura dans cette triste résidence; mais l'expédition dirigée par Tristan d'Arellano poursuivit ses recherches vers les régions de l'intérieur, et ce fut alors que fut fondée la ville de Sonora; Melchior Diaz en fut nommé le gouverneur avec quatre-vingts hommes d'élite, puis l'armée se replia sur Cibola. Melchior Diaz était un chef entreprenant, énergique, comme les premiers temps de la conquête en virent surgir un si grand nombre. A la tête de vingt-cinq hommes il poussa en avant, et cela sans guide; car Fray Marcos de Niza était déjà retourné sur ses pas, emportant les malédictions de l'armée. En effet, ces édifices couverts d'or et chargés de pierreries, dont le moine avait parlé sur la foi des Indiens, semblaient devoir être relégués, désormais parmi les merveilles mensongères dont on était bercé chaque jour à la Nouvelle- Espagne, et le naïf historien, qui nous a dit d'abord les sermons enthousiastes de Fray Marcos, se prend à craindre charitablement pour le salut du pauvre Franciscain, en rapportant les imprecations vomies contre fui par tant de chrétiens. « Dieu veuille, s'écrie-t-il, Dieu veuille qu'il ne lui en arrive rien de fâcheux dans une autre vie (1). »

Qu'il fût poussé par ces rêves, qu'il fut conduit par sa valeur naturelle, Melchior Diaz avança toujours; il arriva enfin à une rivière qui portait alors le nom de Rio-del-Tizon (2); et sur les rives de ce beau fleuve, qui n'a pas moins de

(1) Voy. la relation de Pedro de Castañeda de Nagera, collection de Ternaux-Compans. (2) Le Rio del Tizon est sans doute le Colorado.

deux lieues de large à son embouchure, << il apprit, dit Nagera, que l'on avait vu les vaisseaux à trois journées de là... Quand il fut arrivé à l'endroit qu'on lui avait indiqué, et qui était sur le bord du fleuve, à quinze lieues de son embouchure, il trouva un arbre sur lequel était écrit: Alarcon est venu jusqu'ici ; il y a des lettres au pied de cet arbre. lis creusèrent la terre et trouvèrent les lettres, qui leur apprirent qu'Alarcon, après avoir attendu dans cet endroit pendant un certain temps, était retourné à la Nouvelle-Espagne ; qu'il n'avait pu aller plus avant parce que cette mer était un golfe, qu'elle tournait autour de l'île du Marquis, qu'on avait appelée l'île de Californie; et que la Californie n'était pas une île, mais une poiute de terre qui formait ce golfe (1). »

Ainsi fut résolu par un navigateur du seizième siècle ce problème géographique; mais le secret devait être si bien gardé sur cette découverte que près de deux siècles après la plus grande incertitude régnait sur la véritable configu ration de la Californie, et que Wood Rogers, comme on l'a fait remarquer, doutait en 1716 si cette vaste région êtait une île ou si elle faisait partie du continent. Il est juste de dire cependant que l'exploration d'Alarcon (2) ne fit que confirmer les faits déjà constatés par un autre navigateur espagnol. Fernando de Ulloa, rentré à Acapulco vers la fin de mai 1540, avait pénétré au fond de la mer Vermeille; il s'était déjà assuré que les deux côtes se réunissaient, et avait démontré par conséquent l'existence de la presqu'île (3).

Si les faits importants n'étaient pas si multipliés, il serait sans doute curieux de suivre vers les régions du nordest Francisco Vasquez Coronado et ses lieutenants; il serait intéressant de comparer la relation toujours exagé

(1) On voit par cette phrase de quelle imporvieilles relations. Celle qui nous la fournit faitance peut être en géographie l'examen des sait partie des papiers du célèbre Nuñoz.

(2) Voy. Duflot de Mofras, Exploration de

Oregon et de la Californie, t. 1, p. 95. « Ces

diverses reconnaissances furent exécutées avec tant de soin et d'habileté que la carte de Callfornie dressée en 1641 ne diffère presque pas de celles levées de nos jours. »

(3) Hernando de Alarcon mit à la voilé le 9 mai 1540.

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